Festival Récidive : Le Dictateur de Charlie Chaplin, un message de paix et de liberté

Par Antoine Lebrault

C’est dans le cadre du festival Récidive du 8 au 14 novembre dernier, que le premier film parlant de Charlie Chaplin fut projeté le 9 novembre au cinéma des Carmes d’Orléans. Le festival à pour objectif principal de se pencher sur une année charnière de l’Histoire, et de décrypter celle-ci par le biais de la représentation cinématographique.  Le festival se penchait cette année sur l’année 1940, une année de malheur, de bascule, de combat mais aussi d’espoir. Le film de Charlie Chaplin, Le Dictateur sorti en 1940, restera un chef d’œuvre prémonitoire de cette année tragique.

“Le Dictateur”, interprété par Charlie Chaplin. Capture d’écran YouTube

Le film est d’abord écrit en 1938, puis tourné en 1939, et sortira sur les écrans en 1940. Toutefois, il ne sortira en France qu’en 1945. Projeté initialement en 1940 au cinéma, ce film constitue une œuvre d’anticipation. En effet, Les Etats-Unis n’étant toujours pas entrés en guerre, le long métrage fut accueilli très froidement lors de sa sortie. Il reçu de nombreuses critiques, très mauvaises parfois quant à la réticence de l’opinion publique américaine concernant une entrée en guerre. C’est un long métrage très engagé politiquement, bien loin des productions américaines de l’époque, comme le film Rebecca d’Alfred Hitchcock sorti la même année.

La Seconde Guerre Mondiale n’ayant pas encore débuté lorsque le film est produit, Chaplin laisse imaginer qu’un nouveau conflit mondial pourrait éclater, en dépeignant le caractère brutal du régime nazi mis en place par Adolf Hitler, alors au pouvoir depuis 1933 en Allemagne.

C’est la dictature du parti nazi, les mesures oppressives envers les juifs et la politique d’expansion dans l’Est de l’Europe viennent contextualiser le régime mis en place à cette époque. Chaplin était déterminé à faire un film sur Hitler. Il mènera d’ailleurs à bien son projet, malgré des menaces de tous bords. Il réussit à réaliser son projet en totale indépendance artistique, loin des grands studios, grâce à une structure nommée «  Les Artistes Associés » qu’il créa en 1919 avec Douglas Fairbanks, D.W Griffith ou encore Mary Pickford.

Le Dictateur est le premier film parlant de Chaplin. Précédemment, celui-ci ne voulait pas sauter le pas du muet vers le parlant, pour ne pas devenir un comédien comme les autres. Il appréciait grandement être considéré comme un artiste à part, laissant son corps s’exprimer plutôt que sa voix.

Sauter le pas pour caricaturer Hitler ne fut pas difficile. En effet, ce dernier, jouant beaucoup de sa force d’orateur pour manipuler les foules, Chaplin n’avait qu’a reprendre sa gestuelle pour incarner Hynkel, la réplique exacte de l’original par son allure, son accoutrement et dans sa façon de s’exprimer et sa moustache. Chaplin interprète également le fameux barbier juif, qui ne s’exprime que très peu, symbole peut être du cinéma muet dans lequel le comédien excellait jadis.

Un dictateur grotesque et burlesque

À travers ce long métrage, Chaplin dresse un tableau à la fois grotesque et burlesque d’un Hitler maintes fois tourné au ridicule par de nombreuses scènes comiques. Nous pouvons citer en exemple les multiples scènes de ses discours incompréhensibles ou même les micros viennent à se plier sous le poids de ses insanités. La scène de la mappemonde est également très évocatrice. Hynkel jongle avec elle, jusqu’au moment ou celle-ci se brise dans ses mains.

Cette volonté de grandeur et de conquête du monde est une référence indéniable au chancelier allemand. Symbole une nouvelle fois de la folie et de la mégalomanie qui viennent caractériser le personnage. Aussi, les scènes où apparaît le dictateur de Bacteria du nom de Napaloni tournent en ridicule cette caricature de Benito Mussolini, le dictateur fasciste italien.

Le discours final est évidemment le moment le plus poignant du film. C’est un changement de ton radical avec le reste du long métrage. Le burlesque et le caricatural vont se transformer en un discours porteur d’espoir et très humain.
Le personnage fictif du petit barbier juif aux multiples mésaventures laisse sa place à Charlie Chaplin lui-même, qui s’adresse directement aux spectateurs.

La scène est très longue et très puissante. Le discours que prononce le comédien est un long message d’une humanité profonde, un véritable acte politique d’un engagement fort. Les propos de Chaplin restent hélas toujours d’actualité aujourd’hui, comme ils l’étaient en 1940. Ce film est un véritable message de paix et de liberté et un pamphlet humaniste à mi-chemin entre la comédie et l’anticipation tragique.

Discours final du film, par Charlie Chaplin

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