Certes, il y a la remarquable interprétation de Juliette Binoche qui fait exister ce personnage de Camille Claudel dans un univers asilaire totalement caricatural. Dès les premières images, on comprend que les malades mentaux sont des gens qui n’ont plus de dents et qui n’arrivent même plus à marcher seul… (ils se déplacent toujours au bras d’une aimable sœur de la Charité). Alors, bien sûr, Camille n’est pas folle puisqu’elle a des dents et qu’elle marche seule ! Ce manichéisme ridicule passe totalement à coté du sujet dans on incapacité à mettre en scène la maladie mentale et la problématique asilaire de l’époque. Il existait pourtant une remarquable enquête écrite en 1925 par Albert Londres sur le monde de la psychiatrie intitulée “Chez les fous” dont le réalisateur aurait eu la bonne idée de s’inspirer pour cette reconstitution…
In fine, le film oublie, quand même, de dire que son très catholique frère Paul Claudel, laissa sa sœur mourir de faim, quand le régime de Vichy, sur les conseils avisés du Dr Alexis Carrel (prix Nobel de Médecine), assassinera, par malnutrition, plusieurs dizaines de milliers de malades mentaux (sans que jamais personne n’en soit inquiété à la Libération).
Rappelons, et c’est important pour comprendre une certaine vision de la maladie mentale, qu’Alexis Carrel a écrit dans les années trente un best seller intitulé “L’homme cet inconnu”*, où il préconise, pour “améliorer” la société “d’éliminer par un gaz approprié les malades mentaux”. On comprend mieux la honte sociale et familiale que constituait la maladie mentale à l’époque, et je ne suis pas sûr que le film de Bruno Dumont échappe, encore aujourd’hui, à cette vision…
Gérard Poitou
*Ce livre figure encore aujourd’hui dans toutes les bibliothèques de France, j’ai même une amie qui l’a reçu comme prix de sciences naturelles, il y a quelques années…
Réalisation Bruno Dumont 1 h 35
avec Juliette Binoche, Jean Luc Vincent
http://www.youtube.com/watch?v=YHuMS3w5RdE