PAÏS : un système simple qui fait obstacle à la pénurie de professionnels de santé

La pandémie a aggravé la déliquescence préexistante de notre système de santé. De très nombreuses interventions, consultations et explorations sont déprogrammées. Des services sont fermés. Le manque de soignants a des conséquences délétères sur leur santé, celle des patients, ainsi que sur les soins avec un engorgement des urgences. Nous avons interrogé le Docteur Isaac Gbadamassi, l’un des créateurs dans le Loir-et-Cher, d’une initiative qui permet de lutter contre la pénurie de professionnels de santé. 

Propos recueillis par Jean-Paul Briand
Urgences hôpital – Photo MagCentre

MagCentre : Dr Gbadamassi, quelle a été la genèse de l’organisation que vous avez initiée ?

Dr Isaac Gbadassi

Dr Isaac Gbadamassi : Responsable du Service d’Aide Médicale d’Urgence (SAMU), j’étais particulièrement préoccupé par les difficultés rencontrées dans les trois services d’urgences du département. Il fallait arriver à les désengorger tout en maintenant la continuité des soins. En 2008, avec le soutien d’un des directeurs de l’hôpital blésois, Patrick Expert, nous avons conçu, après concertation avec les généralistes locaux, la Plateforme Alternative d’Innovation en Santé (PAÏS).

Comment fonctionne PAÏS ?
Dr I.G : Les généralistes qui adhèrent à PAÏS assurent à tour de rôle la prise en charge des soins non programmés au sein de leur territoire. Leurs secrétaires, préalablement formés par le SAMU et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, filtrent les appels. Les habitants bénéficient ainsi, en journée, d’une réponse médicale sécurisée. En contrepartie, s’ajoutant à leurs honoraires, les médecins perçoivent une indemnité forfaitaire et une aide à l’embauche d’une secrétaire.

En quoi PAÏS fait obstacle à l’insuffisance de personnel médical hospitalier ?
Dr I.G : Pour tous les motifs médicaux qui relèvent de la médecine ambulatoire, en cas d’indisponibilité du médecin traitant, PAÏS permet aux patients d’être soignés sans se rendre aux urgences hospitalières. Ces services sont moins saturés (1/3 de passages en moins), le personnel moins débordé et la population dispose d’une réponse médicale appropriée et à moindre coût pour la collectivité.

Cette plateforme permet-telle d’attirer de nouveaux médecins ?
Dr I.G :
La formation des secrétaires fait gagner du temps aux praticiens (1h30 par médecin et par jour). Ils l’investissent dans l’encadrement des stagiaires et médecins en devenir pour faire connaître et apprécier leur métier. Sur le territoire de PAÏS, un vivier de futurs généralistes a été constitué permettant des remplacements au pied levé et de préparer les départs à la retraite. PAÏS, en permettant de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, est une des composantes de l’attractivité des territoires pour les jeunes médecins en recherche d’installation. 

Quel est le coût financier de PAÏS ?
Dr I.G : PAÏS revient à 5 euros par an et par tête d’habitant et engendre des économies notables. Une thèse sur les patients pris en charge dans un service d’urgences a montré que 75 % des consultants regagnent leur domicile, quelque soit l’âge ou le motif de consultation. En corrigeant cette anomalie, PAÏS entraîne des économies sur le coût du passage à l’hôpital et les transports sanitaires (- 21%). Un euro consacré à PAÏS en apporte au moins cinq. Le personnel des urgences est soulagé et les patients âgés, qui parfois passent plusieurs heures sur un brancard, subissent un moindre stress. Il a été constaté une baisse de 20% du recours aux urgences des plus de 75 ans.

Comment PAÏS est financé ?
Dr I.G : L’Agence Régionale de Santé (ARS) de la région Centre-Val de Loire n’a accepté de subventionner PAÏS que pendant les trois premières années. Alors qu’une une évaluation indépendante, commandée par l’ARS, a démontré que PAÏS est « un dispositif qui fonctionne, constituant une véritable alternative à des structures ou organisations plus lourdes comme les maisons de santé (MSP) », l’ARS a décidé d’arrêter son aide financière. C’est le Conseil départemental du Loir-et-Cher et les communautés de communes qui soutiennent financièrement PAÏS depuis plus de 10 ans.

Aujourd’hui, comment se porte PAÏS ?

Dr I.G : PAÏS est en bonne santé. La pandémie a été contenue en partie grâce à cette organisation et a changé la donne. En Loir-et-Cher plus de trente médecins adhèrent à PAÏS et l’ouverture d’un nouveau territoire est prévu avec six médecins, début 2022. Des élus municipaux et métropolitains du Loiret oeuvrent pour la mise en place de PAÏS sur leurs secteurs. Des régions sont intéressées. PAÏS est un système simple, transposable partout en quelques mois, dont la mise en œuvre ne nécessite aucun bâtiment.

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