Présidente d’Entrepreneuriat au féminin 41 (EAF 41), Patricia Fhima dénonce et agit contre le sexisme envers les femmes au travail qui concerne plus de 8 femmes sur 10. Elle témoigne de son expérience.
Propos recueillis par Jean-Luc Vezon
Quelle est la vocation de votre association ?
Patricia Fhima : Nous sommes un groupe de dirigeantes et de femmes cheffes d’entreprises, essentiellement artisanales et micro-entrepreneuses, proche de la Confédération des petites et moyennes entreprises 41. Nous agissons pour promouvoir l’entreprise au féminin. Notre objectif est que les femmes osent créer ou reprendre des entreprises. Elles sont tout autant légitimes que les hommes. Notre réseau d’une trentaine de membres se réunit mensuellement pour progresser sur le plan de nos compétences et de notre développement personnel.
Avez-vous rencontré du sexisme dans votre parcours professionnel et de cheffe d’entreprise ?
P.F. : En 2008, lors de mon installation comme opticienne-optométriste à Vineuil, en Loir-et-Cher, j’ai ressenti une certaine condescendance de la part des banques que j’ai sollicitées. Les interlocuteurs masculins, qui étaient toujours 2 ou 3 lors des entretiens, exprimaient une forme de défiance. Je devais argumenter avec force pour défendre mon modèle économique. Au final, c’est une femme banquière qui a accepté mon dossier et m’a fait confiance au-delà des seuls chiffres. Je dois dire que d’autres institutions comme Initiative Loir-et-Cher ou BGE ont fait preuve de plus de bienveillance.
Outre l’entreprenariat, vous avez également été enseignante auprès d’élèves en BTS, l’expérience n’était guère plus confortable…
P.F. : C’est exact et j’ai vécu le sexisme ordinaire des salles de profs avec des remarques irrespectueuses sur ma façon de m’habiller, ma coiffure ou des blagues sexistes. Je dois dire que pour une femme qui est bien dans sa peau et dans sa vie, cela a peu d’incidence. Par contre, quelqu’un de fragile à l’instant T pour x raisons peut en subir les conséquences et perdre confiance. Le risque est bien là. Les paroles ont toujours un sens et celle qui les reçoit peut souffrir sur le plan psychologique. Parfois, jusqu’au burn out et la dépression.
Comment les entreprises peuvent-elle agir ?
P.F. : Elles ont une responsabilité légale de prévenir les risques professionnels qu’encourent leurs salariés. Or le sexisme ou le harcèlement au travail sont des risques majeurs. Elles doivent donc agir via ces actions de sensibilisation ou de formation en s’appuyant sur des référents qui connaissent ces problématiques et leurs incidences sur la réalité du travail. Les femmes doivent être traitées avec respect et faire valoir leur droit à la dignité au travail. Plus généralement, je pense que la façon dont l’entreprise agit sur ce volet est très liée à la personnalité du chef d’entreprise qui doit s’impliquer, donner l’exemple, communiquer et entraîner ses équipes.
Alors que certaines femmes sont radicales dans leur combat contre le sexisme et veulent une vraie rupture, comment voyez-vous les choses ?
P.F. : Je suis contre la confrontation. Hommes et femmes sont complémentaires et font la richesse d’une entreprise. Je défends au contraire l’idée de la persuasion, de la discussion. Au Groupement de Prévention Agréé (GPA) par exemple qui accompagne les entreprises en difficulté, une femme, Claudine de Sousa, est entrée dans le comité. Elle a toute légitimité à agir d’autant que les femmes cheffes d’entreprise sont statistiquement moins nombreuses à déposer le bilan au tribunal de commerce. La prise de conscience des dangers du sexisme doit se faire dans la communication et le dialogue.