Investissements Ségur : amélioration de l’offre de soins ou tournée électorale ?

Le 28 octobre dernier un visiteur médical, Olivier Veran ministre de la santé, est passé en région Centre-Val de Loire pour y distribuer 700 millions d’euros. Notre région va-telle perdre son titre de championne de France de la désertification médicale grâce à l’arrivée de cette dotation financière d’exception, néanmoins puisée dans nos impôts

Par Jean-Paul Briand

Photo Freepik

Du 25 mai au 10 juillet 2020, des représentants du système de santé français ont ausculté l’organisation des soins sous la houlette de Nicole Notat, ancienne secrétaire générale du syndicat CFDT, aujourd’hui recyclée dans une société européenne d’évaluation des entreprises. Si cette concertation a été nommée « Ségur de la Santé » ce n’est pas en rapport avec les contes moralisateurs d’une comtesse éponyme mais parce que le ministère de la Santé et des Solidarités est situé sur l’avenue qui porte le nom d’un maréchal de France : Philippe Henri de Ségur. Cette grande messe, dite « Ségur de la Santé » a proposé dans son rapport final, pour la énième fois, de nouvelles mesures afin de moderniser l’offre de soins. Dans les bonnes résolutions figure essentiellement des rénovations des hôpitaux et des établissements médico-sociaux. Le bon docteur Veran et néanmoins ministre de la Santé, moins de six mois avant la prochaine élection du président de la République, fait un tour de France pour la distribution des enveloppes, en espérant probablement un retour sur investissement dans les urnes. Il était urgent que le Centre-Val de Loire, particulièrement sinistré en matière de santé, bénéficie prioritairement des largesses de l’Etat.

C’est au niveau national que les choix sont faits

Les Agences Régionales de Santé (ARS), bras armés de la politique gouvernementale en matière sanitaire, élaborent les stratégies régionales des investissements Ségur. Ce sont les ARS qui, en région, partagent le gâteau. Dans les discours des officiels et les documents émanant du ministère de la Santé, la distribution est annoncée comme étant le fruit d’une concertation exhaustive et d’échanges nourris avec les élus locaux et l’ensemble des représentants des champs sanitaires et sociaux des territoires concernés. Derrière cette belle rhétorique, la réalité est toute autre. Les enjeux économiques, les rouages institutionnels et les rapports de force politiques font que les participants, à ce qu’on appelle joliment « la démocratie sanitaire », n’ont souvent qu’un rôle passif. Ce n’est pas un hasard si le directeur du centre hospitalier blésois a été mis en lumière par la visite ministérielle. Il vient d’être élu à la présidence de la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie Centre-Val de Loire où il devra y jouer le rôle du bon élève au service du préfet sanitaire qu’est le directeur général de l’ARS. Il ne devra pas oublier que c’est au niveau national que les choix sont faits.

De la désertification médicale : on n’en parle pas

Les 700 millions généreusement prodigués en région Centre-Val de Loire devraient servir à construire ou plus exactement à reconstruire des bâtiments hospitaliers particulièrement vétustes comme à Dreux ou au Blanc. De trop anciens établissements pour personnes âgées dépendantes seront restructurés comme celui de Bourges. Tout un inventaire de rafraîchissements du bâti hospitalier et de remplacements d’équipement caduques ont été listés. On ne touche pas à la bureaucratie hospitalière aux décisions éloignées du terrain, génératrice de gâchis du temps des professionnels de santé et de coûts indus. Elle pourra continuer à s’auto-alimenter pour être toujours plus pléthorique que les personnels soignants. De la désertification médicale : on n’en parle pas. Des suicides, du burn-out des internes et des personnels médicaux : on oublie. Ces questions étaient hors sujet pour les travaux du « Ségur de la Santé ». Les fermetures de services par manque de professionnels, les tensions, les contraintes horaires, les pertes de sens, les conditions de travail dégradées mises en évidence dans une récente étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques  (DREES) ne seront pas supprimées par des peintures fraîches, des poignées des portes neuves ou des prises de courant mises aux normes.

De beaux bâtiments hospitaliers sans professionnels de santé

Faire un tour de France d’annonces des crédits alloués pour moderniser un parc hospitalier obsolète ou inadapté et négliger la formation de professionnels de santé ressemble plus à de la propagande pré-électorale qu’à un authentique projet d’amélioration de l’offre et de l’accès aux soins pour les populations. La région Centre-Val de Loire aura de beaux bâtiments hospitaliers, ripolinés à neuf, mais sans professionnels de santé…

Les Agences Régionales de Santé

La loi Hôpital Population Santé Territoire (loi HPST) du 21 juillet 2009 a donné naissance aux Agences Régionales de Santé (ARS). Depuis cette date, dans chaque région, l’ARS rassemble les anciennes Directions Départementales et Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS et DRASS) et la défunte Agence régionale d’hospitalisation (ARH). L’ARS a pour mission l’organisation, les autorisations, la régulation et le contrôle des acteurs de l’ensemble du champ sanitaire régional. Elle gère l’offre de soins hospitalière et des cliniques. Elle supervise les soins de ville, le médico-social, la prévention et la veille sanitaire. C’est le directeur général de l’ARS, véritable préfet sanitaire, qui a le carnet de chèque pour financer en région les choix gouvernementaux en matière de santé et diriger leur mise en œuvre. Ce haut fonctionnaire est directement nommé ou révoqué en Conseil des ministres.

Les ressources des agences régionales de santé sont constituées par une subvention de l’Etat, des contributions des régimes d’Assurance maladie et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et des fonds d’intervention régionale. S’y ajoutent des ressources propres (dons, legs, versements volontaires de collectivités territoriales ou d’établissements publics). Le budget de l’ARS du Centre-Val de Loire dépassent les huit milliards d’euros. Les ARS sont en théorie autonomes moralement et financièrement mais sont placés sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l’Assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées. C’est une autonomie directement contrôlée par L’Etat. En fonction de la stratégie nationale, chaque ARS établit un projet régional de santé après avoir consulté les élus, les professionnels de santé, les gestionnaires d’établissements ou de services sanitaires et médico-sociaux, les usagers et leurs représentants, les partenaires sociaux, tous rassemblés dans la conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA). Par ailleurs pour chaque département de la région, un conseil territorial de santé est constitué. Son rôle est de contribuer à mettre en cohérence les projets territoriaux sanitaires avec le projet régional de santé et les programmes nationaux de santé publique.

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Commentaires

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  1. Merci pour cet exposé sur l’ARS Region centre. Mais quel est son organigrammeet et quels sont ses effectifs ? Celle du Grand Est compterait quelques 800 personnes. Je crains le pire !

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