Le Centre Dramatique National d’Orléans a invité Angélica Lidell pour sa création Térébrante. La metteuse en scène, écrivaine et performeuse travaille depuis longtemps sur des thèmes sombres, comme la douleur et la mort. Son dernier spectacle créé à Orléans allie performance et théâtre plus lourd. Très provocatrice, elle va très loin dans ses explorations, au risque d’en perdre le fil.
Par Bernard Cassat
Le spectacle est composé de cinq ou six séquences. Ça commence sur une grande scène nue, et petit à petit, au fur et à mesure du déroulement, d’importants moyens théâtraux vont habiller la scène dans un esprit très ibérique de kitch provocateur et d’éléments baroques du folklore espagnol. Et parfois, du texte projeté situe le discours théâtral, tout en restant assez vague. Et parle de siguiriya, chant espagnol associé à la douleur du deuil.
Plusieurs cérémonies et des images insupportables
Les deux ou trois premières séquences sont de la performance pure, Angelica Lidell seule sur la scène à provoquer et à ironiser sur les footballeurs. Les choses se transforment avec une séquence filmée et projetée sur grand écran, l’arrachage de dents et le saccage de gencive. C’est insupportable et surtout insensé. S’en suit une sorte de cérémonie autour d’un veau d’or devenu bouc, qui dure, qui se répète avec deux acteurs venant renforcer le tableau. C’est long, mais surtout la musique épouvantablement forte avec des graves continues assassines nous fait regretter des bouchons d’oreilles. Puis une séquence plus calme autour du Kyrie, restant donc dans le domaine religieux catholique. Et le spectacle s’enfonce dans une autre cérémonie moquant le vin de messe, sans doute. En tous cas, les deux assistants déversent des litres de vin rouge, de bière et d’alcool sur une vierge Marie impassible qui même en rajoute. Ça finit dans un capharnaüm où la performeuse se vautre dans le vin renversé.
Une vaine provocation ?
On sait que les performances sont propices à des excès et à des provocations théâtrales qui cherchent à amener sur le plateau d’autres rapports que les pièces « classiques ». Mais lorsqu’on sort de ce spectacle, on se demande vraiment où était le propos. La séquence filmée surtout manque sa cible, « la beauté de la douleur » comme Angélica dit dans un texte. Elle n’est qu’atroce charcutage inutile. Comment rattacher cela à une réflexion ? Même si son domaine de travail est la douleur, Angélica Lidell outrepasse là son sujet, parce qu’il n’y a même pas présence de douleur, il y a l’insupportable violence gratuite. Quelque chose comme de la pornographie, un bout de corps qui n’appartient à personne et qu’on découpe. Mais qui n’a pas de sens, pas même de ressenti. Quand aux cérémonies s’attaquant à la religion catholique, elles sont au fond assez datées et se placent dans une filière espagnole déjà bien explorée.
Angelica Lidell voulait « broyer le cœur du monde », comme elle dit dans un texte de présentation. Rajoutant plus loin : « tout ce qui peut se comprendre ou s’expliquer ne vaut rien ». Donc il ne fallait pas chercher ? Donc tout cela est insensé ? C’est le goût amer qui reste dans la bouche où heureusement, les dents sont encore en place. Etait-ce vraiment ce qu’elle voulait, seulement cela ?
Terebrante
Création de et avec Angélica Liddell et la participation de Saité Ye, Gumersindo Puche y Palestina de los Reyes
Texte, mise en scène, scénographie et costumes Angélica Liddell
Assistant mise en scène Borja López
Régisseurs Nicolas Guy et Michel Chevallier
Son Antonio Navarro
Assistant lumière Tirso Izuzquiza
Rappelons qu’Angélica Lidell présentera son spectacle Liebestod L’odeur du sang ne me quitte pas des yeux – Juan Belmonte les 10 et 11 décembre 2021