“Les illusions perdues”, un Balzac marxiste ?

Cette nouvelle adaptation d’une œuvre monumentale de Balzac à l’écran (Il y en a près de cinquante sans compter la télévision) est sans doute l’occasion de revenir sur le “réalisme” de cet auteur qui en faisait aux yeux de Georg Lukacs, philosophe et critique littéraire marxiste hétérodoxe , un auteur modèle d’un réalisme social en dépit des prises de positions politiques pour le moins réactionnaires de cet écrivain français.

Par Gérard Poitou

Les Illusions perdues: Vincent Lacoste, Benjamin Voisin

Dans un petit ouvrage publié dans les années cinquante intitulé “Balzac et le réalisme français”, Georg Lukacs revient sur ce paradoxe à propos notamment des «Illusions perdues» en écrivant «Voici le critère de la conception réaliste de la littérature: “le type”, selon le caractère et la situation est une synthèse originale réunissant organiquement l’universel et le particulier.” et Georg Lukacs y voit la « capitalisation de la littérature depuis la production du papier jusqu’à la sensation lyrique ». Le film de Xavier Giannoli, malgré les lourdeurs d’une mise en scène pompeuse servie par une distribution haut de gamme, respecte parfaitement ce principe balzacien en reprenant ce personnage de Lucien Chardon alias Lucien de Rubempré (Benjamin Voisin), dont les rouages idéologiques sont surdéterminés par les conditions économiques. La trame narrative balzacienne dans cet aller et retour entre les ambitions du héros et ce monde de la presse naissante grâce aux conditions nouvelles des techniques d’impression évoquées au début du film, se révèle d’une efficacité sans faille sur la durée du film, même si le réalisateur coupe délibérément l’autre versant du roman avec le personnage de David Séchard, inventeur floué d’un procédé de fabrication industrielle du papier.

Et pourtant les héros sont fatigués, alors que certains voient en Napoléon le héros romantique absolu qui fascinera le siècle et au delà par son destin hors du commun, l’ambition de Chardon se résume à se faire reconnaître sous le nom de sa mère, de Rubempré, dans les années de restauration de la monarchie et devenir poète: comme pour la presse, tous les coups sont bons pour y parvenir jusqu’à se fourvoyer. Et de cette description de la “petite” presse, âpre au gain et totalement corrompue, dont le film rappelle, au passage, la fin qui servit de prétexte à la remise en cause de la liberté de la presse par la monarchie, si passionnante soit-elle, il serait sans doute  facile mais peu pertinent à son propos, d’y voir une transposition contemporaine de la critique des médias. Entre les dérives des réseaux sociaux et la concentration capitalistique des grands groupes, il faudrait peut-être un nouveau Balzac pour en faire le roman “réaliste”.

 

Les Illusions perdues

2h 30min
Film de Xavier Giannoli
D’après Honoré deBalzac
 
Avec Benjamin Voisin, Cécile de France, Vincent Lacoste, Xavier Nolan

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