Le dossier de l’engrillagement, en Sologne, est un sujet épineux depuis des lustres. Nombre de médias se sont intéressés à ces barbelés dans les prairies qui laissent tout loisir aux tireurs de ball-trap et peu de chance au gibier de s’échapper. Cette semaine un des propriétaires concernés a mis l’affaire sur le plan pénal par une plainte pour complicité de diffamation contre Le Petit Solognot, un journal gratuit.
Par Fabrice Simoes
Le Petit Solognot n’est pas le plus important des média papier de la région Centre-Val de Loire. Cependant, ce bimensuel gratuit de rédactionnel tiré à 51 000 exemplaires, est distribué dans 150 communes de Sologne. Il existe depuis 36 ans maintenant et est devenu au fil des années, une véritable “institution” régionale et le premier journal d’information gratuit en Sologne. Les gens qui habitent, ceux qui vivent, aussi ceux qui meurent sur ce terroir, sont au cœur de ses pages, tout comme les hoquets des hobereaux de campagne, et tout ce qui va avec. L’engrillagement c’est quand même un peu son truc, au Petit Solognot. Les associations comme Les amis des chemins de Sologne, avec à sa tête Marie et Raymond Louis, ou celle de Jean-François Bernardin, président de l’Association des Chasseurs et des Amis de la Sologne Contre son Engrillagement, ont là, régulièrement, colonnes ouvertes dans le bimensuel.
Alors, quand le président de la région Centre-Val de Loire, François Bonneau, en avril 2020, a transmis à l’ensemble des rédactions de la région, une copie d’un courrier destiné à la ministre de la transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, l’info a été mise en évidence sur les sites internet de nombreux médias, citations à l’appui. C’est là que le bât blesse, selon certains propriétaires nommément cités qui ne souhaitaient pas cette publicité non sollicitée. Après un an de tergiversations, une journaliste du Petit Solognot, ainsi que sa consœur hiérarchique viennent de recevoir un courrier pour MISE EN EXAMEN (en majuscule dans la notification) en provenance du tribunal judiciaire de Paris. « Je vous informe que je vous mets en examen pour… vous être rendue complice du délit de diffamation publique envers un particulier, en votre qualité d’auteure de l’article… » Un libellé qui implique que François Bonneau a lui aussi reçu, ou va recevoir, un courrier indiquant sa mise en examen pour diffamation publique. Il rejoindrait ainsi la charrette déjà occupée par la web-master des amis des chemins de Sologne, de Marie et Raymond Louis. Elle a été mise en examen pour diffamation pour la simple publication d’extraits, sur le site internet de l’association.
Drôle de méthode
Au-delà du sujet qui est une vraie préoccupation pour un territoire dont l’un des députés du secteur a souligné que « la liberté du gibier, c’est comme l’eau, la forêt. Le pognon ne donne pas tous les droits. Il ne donne pas le droit de confisquer le bien commun ! », l’aspect liberticide de cette action en justice est prégnant. Elle confirme aussi, comme on peut le lire cette semaine dans le journal solognot, que « l’objectif de cette procédure abusive est évidemment de nous intimider et de nous faire taire sur la question de l’engrillagement, afin de pouvoir, en toute tranquillité, continuer à transformer la Sologne en prison à ciel ouvert ».
On ne sait, pour l’heure, si Le Petit Solognot est le seul média en butte à un recours judiciaire sur ce sujet. On parle à demi-mot de télévision nationale. Quoiqu’il en soit, sans préjuger de l’évolution du dossier, force est de constater que l’attitude du requérant est une tentative qui ressemble beaucoup à une atteinte directe au droit à l’information. Même, on retrouve là une certaine volonté censure mal maquillée en légitimité judiciaire. Habitués à la communication ciblée, l’information et la vérité en général seraient-elles trop difficiles à regarder en face pour les utilisateurs des miradors des bords de route solognote ? En démocratie, l’information est un droit. Peut-être même un devoir. Demain, ce ne sont même plus les noms de personnes qui seront interdits de citation mais les lieux, et les faits aussi au final.
La rédaction de magcentre.fr a écrit par le passé quant à l’engrillagement, sur ces clôtures qui montent de plus en plus haut, sur ces prédateurs du week-end plus que chasseurs, sur ces projets de loi pondus par les uns et les autres, elle ne peut qu’être solidaire de ses collègues du Petit Solognot.
Karradoc, le chevalier de Vannes, vous dirait que « la diffamation n’est pas comme la patience, un plat qui se mange sans sauce, mais ça peut arriver à n’importe qui ! »
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