Les images empathiques de Cathy Bernot

Cathy Bernot utilise son expérience de plasticienne pour réaliser des clichés en totale empathie avec la nature, sans artifice. Invitée d’honneur des 19e rencontres photographiques d’Ingré, elle y présentera sa démarche créative très personnelle lors d’une conférence le samedi 23 octobre.

Jean-Luc Bouland

Il y a des photographes qui fixent des limites à leur travail, par goût ou par conviction, et d’autres qui n’en ont pas, simplement parce qu’ils ne souhaitent pas intervenir dans ce qu’ils photographient. « Je n’anticipe pas, je n’interprète pas, je suis juste une traductrice. Je cultive ma connexion avec la nature, avec ce qui se présente à moi », explique Cathy Bernot, l’invitée d’honneur des prochaines Rencontres photographiques d’Ingré, organisées par le club Acapi, qui en dira un peu plus sur sa démarche lors d’une conférence le samedi 23 octobre, en appui de sa série présentée, « Bleu Garance ».

Cathy Bernot réserve une construction mentale de son travail à sa pratique professionnelle, entre photographie de commande ou culinaire et livre d’auteur. Quand elle est dans la nature, en lien avec elle, cette adepte du yoga et de la méditation se veut être une « passeuse d’émotion », faisant le vide en elle pour mieux utiliser sa capacité à s’émerveiller, à recevoir ce que lui donne la nature, et à le transmettre. « Peut-être que certains seront surpris par ce que je vais dire. Je ne parlerai pas de technique. Mes images sont ce que je ressens. Des prises de vues uniques, sans intervention ni surimpression».

Le geste et le souffle

Cathy Bernot se présente elle-même comme « une faiseuse d’images », composant ses clichés à la manière d’un plasticien, « en pleine nature et en lumière naturelle, inspirée par la gestuelle du calligraphe et la transparence de l’aquarelle » Elle y expérimente des procédés et réglages in situ, cherchant « à repousser la frontière toujours plus floue entre photographie et arts plastiques ». Pour elle, tout se joue sur place, dans la nature, dans l’instant. « Mon moteur créatif ? Exploiter l’essence même de la photographie : sa capacité à dessiner l’instant présent avec la lumière ». Et le résultat est impressionnant, justifiant pleinement les nombreuses expositions qu’elle a réalisées, et notamment ses participations au festival international de Montiers en Der, dans sa région, une région qui l’inspire en permanence, et qui a généré sa série « Bleu Garance », présentée à Ingré.

Bleu Garance est née du besoin de réaliser un travail de mémoire autour de la première guerre mondiale, qui a fortement impacté son département, la Marne. Cathy Bernot décide d’arpenter son environnement proche pour y inventer les images présentées dans une série intitulée « Bleu garance ». «Un siècle plus tard, je suis allée m’immerger dans cette nature argileuse, au cœur de l’hiver. La guerre 14 n’est pas le sujet de mes images. Mais elle fut ma source d’inspiration et d’émotion. Les blessures cicatrisées et les souvenirs s’enfouissent progressivement. Je n’ai rien exhumé. Je me suis juste laissé porter par les traces et le souvenir », explique-t-elle. 

La Marne, cent ans après

En hiver, les émotions remontent. Malgré le froid, elle s’y investit, maniant son appareil à la manière de ses calligraphies d’hier. «Rechercher le lieu, attendre la lumière. Puis dessiner d’un geste sûr à l’encre du soleil couchant. Ainsi s’est estompée ma campagne à travers cette série de paysages expressionnistes abstraits que je suis très heureuse de vous livrer enfin ». Cette première série a été inaugurée en 2014. Depuis, l’aventure Bleu Garance se poursuit dans d’autres lieux, avec plus de légèreté et souvent avec une abstraction plus prononcée. 

Lors de sa conférence, comme lors d’entretiens plus privés pendant tout le week-end, dans les allées de l’exposition, Cathy Bernot pourra ainsi disserter et expliquer ce qui pour elle différencie la créativité de l’acte de création, et peut-être même développer ce qui fait tout son art et toute la beauté de ses réalisations : « une photographie intuitive où le yoga m’ouvre les portes d’une connexion plus intime avec les lieux et d’une posture plus juste pour mes filés à main levée ».

Nul doute qu’à l’issue de ces rencontres, beaucoup de photographes désireux de diversifier leur pratique, auront beaucoup à méditer…