La première édition du championnat de France de soudure s’est tenue le week-end dernier à Vierzon. Dans la cité marquée par son passé industriel, par les fabrications de machines agricoles, des tracteurs itou et des premières voitures aussi, on ne soude plus à la forge mais de poste en poste. Durant trois jours, dans l’atelier expérimental du hall des expositions, les coups d’arc ont fusé derrière les paravents pour désigner les premiers champions.
Par Fabrice Simoes
Avant, Michel était électricien. C’était dans le temps d’avant, bien évidement. Mais pas celui d’avant la pandémie, que nenni. C’était celui d’avant le départ en retraite. La soudure, au prime abord, ce n’est donc pas son truc. Le bronzage rythmé par les points du poste à souder, ça le fait pas trop. Et puis, la soudure, c’est aussi le meulage. Et puis la soudure, c’est plus facile à dire qu’à bien réaliser. Alors, faire une visite de stands de soudures, des écoles du coin qui forment les futurs professionnels, de ceux qui proposent des équipements pour la soudure, tout ça, c’est plus de la curiosité qu’autre chose. Peut être histoire de comprendre pourquoi, sur les chantiers, on se rappelle que le collègue soudeur faisait comme-ci, et qu’il faisait comme-ça, et qu’il était parfois, un peu, à part, un peu plus pro, quoique, des fois un peu différent que son pote le maçon. Michel a fait le tour de stands d’entreprises spécialisées. Il a regardé les épreuves sur le grand écran, croisé des Daff Punk amateurs, entendu le flow de Fous ta cagoule et constaté que l’ambiance était aussi cool qu’un laitier qui se décolle tout seul d’un cordon parfait.
Un métier en tension pour un savoir-faire de haut niveau
Plus de 2000 entrées pour une manifestation où il fallait montrer passe blanche, même si le masque était plus souvent remplacé par une cagoule de soudeur. Michel n’a pas rencontré François Dumon, le président de la communauté de communes de Vierzon-Sologne-Berry, ancien vice-président de la région Centre-Val de Loire chargé des sports, et surtout ancien du métier. Pourtant, l’élu local a longuement arpenté les allées du hall des expositions. Souvenir d’un temps. Il n’a pas non plus rencontré Christophe Lagarde, le gérant de System Weld, basé dans le quartier des Forges, à Vierzon, et son compère Mehdi Addad, les deux initiateurs du projet. Les deux étaient trop occupés à gérer le bébé. Sinon, il aurait pu voir des sourires sur leurs visages. Un peu de stress certes pendant trois jours, une grosse satisfaction au moment de fermer les portes de ce championnat pas comme les autres.
Christophe Lagarde affichait même sa satisfaction dès la fin du week-end, sur la page Facebook Soudure 2.0, créé en 2016. « Il y a trois ans devant une bière nous nous sommes dit pourquoi nous ne ferions pas un championnat de France de Soudure ? Avec mon ami Mehdy Addad. Depuis nous avons eu des centaines d’heures au téléphone, des rendez-vous, des mails (parfois mal compris), des désaccords, des rires, de la fatigue et beaucoup de kilomètres en voiture… Bref, ce week-end a été magique, au-delà de ce que l’on pouvait imaginer ! »
Ce sont les responsables de cette communauté sur les réseaux sociaux, qui ont lancé l’idée d’une manifestation ouverte à tous, sans limite d’âge. Les fondateurs souhaitaient un groupe différent de ceux qui existaient à l’époque, en apportant plus de professionnalisme dans la qualité des questions posées et surtout dans les réponses apportées. Depuis, la notoriété de la page a nettement grandi pour arriver à plus de 24000 membres, au mois de mai dernier. Même, une chaîne YouTube a vu le jour. Elle compte aujourd’hui plus de 70 000 abonnés.
La compétition s’est donc imposée dans l’esprit de ses concepteurs à partir du « constat que le métier de soudeur conserve une mauvaise image en France malgré le fait que ce soit un métier dit « en tension », nous avons imaginé une réunion d’envergure nationale pour mettre en avant les hommes et les femmes qui sont derrière le masque. La soudure est présente dans tous les domaines industriels : aéronautique, défense, spatial, automobile, nucléaire, gaz, pétrole, ouvrages d’art, etc. Nous pensons que notre métier mérite d’être mieux reconnu, mieux considéré car il concentre tous nos savoir-faire industriels. »
900 candidats, quatre élus
Près de 80 soudeurs, sur 900 inscrits au départ, étaient en lice durant les 3 jours, pour l’un ou l’autre des 4 titres décernés : soudure 3 procédés (TIG, MAG et MMA)* ; soudure – TIG ; soudure – MAG ; soudure – MMA. Ils ont tous satisfait aux critères de sélection qui ont débuté voilà tout juste un an. Trois étapes avec le temps des inscriptions sur le site dédié, entre septembre et novembre 2020, le temps d’une première sélection, entre novembre et décembre dernier, sur un QCM chronométré de 20 questions, et le temps d’une seconde sélection avec l’envoi d’éprouvettes soudées selon les parcours d’épreuves. Il ne restait alors que 200 candidats. Ce n’est qu’après validation de la conformité de celles-ci que les prétendants au titre ont reçu leur convocation pour Vierzon…
Pas de collage, pas d’étamage, pas de brasage, juste du soudage. Dimanche, après les dernières notes du jury – il était composé de trois MOF (meilleurs ouvriers de France) et de 3 ingénieurs spécialisés en soudage, chacun issu d’un secteur différend de l’industrie – les quatre champions de France ont été titrés. Parmi eux, un Vierzonnais, Cédric Huet de la Chaudronnerie Vierzonnaise, en MAG, content de recevoir du matos de soudeur en guise de récompense. Reste à savoir s’il pourra bénéficier de la semaine de vacances promise en cas de victoire…
Dans deux ans, si Vulcain et Thor, dieux de la forge et du marteau, le veulent bien, il remettra sa couronne en jeu, à Vierzon peut-être. Entre temps, tout le monde va bien arriver à faire la soudure. Tout le monde sauf Michel, lui était électricien…
*TIG- soudage à l’arc avec une électrode non fusible ; MAG – soudage sous gaz actif ; MMA- soudage à électrode enrobée.