Après la région Auvergne-Rhône Alpes, l’enquête est ouverte en Centre-Val de Loire depuis le 21 septembre 2021. Jusqu’au premier semestre 2022, les 30 000 personnes déficientes visuelles concernées et qui le souhaitent peuvent participer à une étude nationale encore jamais réalisée. L’heure est à la mobilisation.
Par Estelle Boutheloup
« C’est une grande première nationale, lance Michel Brard membre de la Fédération des Aveugles de France. Jamais d’enquête participative et descriptive de la réalité de la déficience visuelle n’a été faite. Un manque dans les dispositifs… » La dernière étude ? Elle daterait de 1995… hors études parcellaires faites en 2008 et les chiffres de l’OMS qui donnent une tendance.
Ainsi, la Fédération des Aveugles, estime qu’1,7 million de personnes sont atteintes d’un trouble de la vision en France (207 000 aveugles, 932 000 malvoyants) et qu’un aveugle naît toutes les 15 heures en France (données 2015). « En région Centre, il y aurait 30 000 personnes déficientes visuelles mais cela ne dit rien de leur situation », poursuit Michel Brard.
Une enquête de 150 questions
Qu’à cela ne tienne, un collectif d’associations d’envergure nationale (Valentin Hauy, Institut National des Jeunes Aveugles, Voir Ensemble, Les Pep 69, Gapas, ANPEA, Les Chiens Guides d’Aveugles, Rétina France) a décidé de lancer une étude fine, en s’appuyant sur un consortium de recherche réunissant chercheurs universitaires et cabinets spécialisés, pour obtenir des données-clés sur les personnes déficientes visuelles de tout âge, sur leurs problématiques au quotidien. Une enquête de 150 questions sur la vie quotidienne, l’éducation, la santé, les loisirs, l’accessibilité à l’emploi, au numérique… Si 1000 réponses ont été obtenues en Auvergne-Rhône Alpes, « quelques dizaines de réponses ont été adressées une semaine après le lancement le 21 septembre : c’est très insuffisant !, souligne Michel Brard. Il en faut plusieurs centaines pour que ce soit significatif. »
Pour cela rien de plus simple, l’enquête est accessible via le lien www.etude-homere.org/questionnaire, jusqu’au premier semestre 2022. Un questionnaire que l’on peut faire avec un aidant ou en appelant le 06.35.36.59.97 sur RDV avec une personne. « Cette étude est très importante, poursuit Michel Brard, car les politiques publiques sont fonction de la connaissances que l’on a des personnes déficientes visuelles. Cette étude servira pour argumenter sur des réalités et révéler ce qui manque. »
3% des sites Internet accessibles aux personnes déficientes
Difficulté pour circuler et s’orienter dans un hypermarché, logements pas aménagés, difficulté d’accès à Internet (seulement 3% des sites sont accessibles aux personnes malvoyantes en France malgré l’obligation de la loi)… Il y a encore beaucoup à faire pour améliorer la sécurité, favoriser les besoins quotidiens et les parcours de vie. « La sécurité c’est regagner de l’autonomie et de la confiance. Aujourd’hui, nous n’avons pas le début du commencement d’un questionnement de ce que l’on peut faire », renchérit Michel Brard.
Sur le territoire régional, les dispositifs d’accompagnement pêchent aussi avec de grandes disparités entre départements. Le Loiret est le seul par exemple à avoir le dispositif SAVS (Service d’accompagnement à la vie sociale) financé par le Département. Basé à Orléans, ce service emploie une équipe de professionnels (ergothérapeutes, psy, instructeurs en informatique, travailleurs sociaux…) qui prend en charge 70 personnes par an et abrite un pôle « Nouvelles technologies adaptées » proposant formations et audits de sites Web. En Indre-et-Loire, seul un Centre de réadaptation dit « basse vision » (CRBV) existe pour toute la région. « Pour les enfants, la région est mieux pourvue grâce aux dispositifs mis en place dans le cadre de l’école inclusive avec un accompagnement éducatif qui fonctionne bien. Mais après leurs études, que font les jeunes ? Si une pathologie évolutive s’aggrave, que se passe t-il ? », s’interroge Michel Brard.
Attendues au second semestre 2022, les données définitives seront ensuite étudiées et si les résultats sont satisfaisants, un observatoire national sera créé dans lequel l’État pourrait être partie prenante. Michel Brard conclut : « Permettre l’autonomie est le plus important. C’est une question de citoyenneté, de dignité. L’enjeu étant de ne pas être rayé de la carte ! »
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