Les derniers travaux remontent à 150 ans ! Jusqu’en 2023, l’emblématique Chapelle du château royale d’Amboise va subir un important chantier de restauration, notamment de sa flèche qui gîte et de sa charpente qui s’affaisse. À pied d’œuvre, et en présence du public, une trentaine de professionnels volontaires de « Charpentiers sans Frontières » valorisera les savoir-faire pour appeler l’attention des jeunes aux métiers du patrimoine.
par Estelle Boutheloup
Sur les terrasses du château d’Amboise, face Loire, au pied de la chapelle Saint Hubert, des coups de haches s’abattent sur des grumes de chênes en bois vert dans une ambiance apaisante où seul résonne le bruit du tranchant et de la scie sur le bois… Ici pas de machines, mais un chantier manuel avec « des techniques ancestrales déjà utilisées au Moyen-Age et reproduites sur la tapisserie de Bayeux », indique François Calame, fondateur de l’association « Charpentiers sans Frontière ». Au cœur de l’exercice, 30 charpentiers et charpentières professionnels volontaires de 17 à 60 ans et de 8 nationalités différentes (américaine, allemande, anglaise, française…) qui se portent au chevet d’un monument historique fatigué : l’emblématique chapelle des rois, connue pour abriter la sépulture de Léonard de Vinci.
Un édifice fragilisé mais sans danger
Accroché au rempart du château, au-dessus de la ville, l’édifice gothique flamboyant édifié au XVe s. pour Charles VIII par des maîtres flamands, présente en effet une flèche qui gîte à 8% et une charpente qui s’affaisse. Pour autant, « pas de péril immédiat », rassure Frédéric du Laurens, Président de la Fondation Saint Louis, propriétaire du château d’Amboise. Des éléments de restauration à faire « dus à une fatigue générale », ajoute Étienne Barthélémy, architecte en chef des Monuments Historiques. Au programme : réfection de la charpente et de la couverture de plomb (étanchéité) rehaussée par la restitution des dorures originelles du XIXe, installation et remise en fonction de la cloche jamais suspendue à son joug, reprise de frises à hauteur d’homme et restitution à l’identique d’éléments manquants de la sculpture flamande, ou encore restauration des carreaux de sol. « Ceux avec la fleur de lys, précise Étienne Barthélémy. Une réalisation qui sera faite selon la technique utilisée à l’Antiquité sur tous les monuments romains. C’est assez exceptionnel d’en trouver ici ! Ceux-ci datent du XIXe. Il faudra retrouver la bonne mixture en bitume qui sera coulée dans les petits trous ».
Un chantier-vitrine des métiers d’excellence
Estimé à 2,7 ME, ce chantier est, pour la Fondation Saint Louis, un véritable pari. « Nous l’avons lancé au pire moment, confie Frédéric du Laurens. Dans le contexte sanitaire que l’on connaît, au moment où les touristes fondaient comme neige au soleil. Malgré tout, nous avons obtenu de l’État un important soutien à-travers le Plan de Relance qui accorde une aide financière à un Monument Historique privé par département. Ce qui nous a obligés à regarder les choses de façon optimiste ». Aussi sur les 2,7 ME, une aide de 60%, contre 40% habituellement, a été accordée à la Fondation, avec en plus, une autorisation d’emprunt via le PGE (Prêt Garanti par l’État) à 1%. « Sur les 2 milliards du Plan de Relance, 600 millions ont été alloués au patrimoine dont 15 millions pour les 6 chantiers de la région, intervient la préfète de la Région Centre-Val de Loire, Régine Engström, conviée pour le lancement du chantier le 13 septembre dernier. «Nous sommes notre histoire. Que ce chantier prépare le futur de façon originale ».
Et c’est bien ainsi qu’il a été pensé. Inscrit dans l’opération « Une école, un chantier, des métiers… », ce chantier, ouvert au public, invite aussi scolaires, lycées techniques et étudiants pour favoriser les rencontres entre artisans en action et jeunes, « non seulement les confirmer dans l’amorce d’une vocation mais aussi convaincre les parents que l’apprentissage des métiers d’art est une filière d’excellence », souligne le Président de la Fondation Saint Louis. Pour enrichir les connaissances, des loges pédagogiques en bois accueillent au pied du chantier les différents corps de métier pour valoriser les différents savoir-faire, outils… Un chantier où l’on entend des noms inhabituels, comme « doloire », « épure », « gousset », « entrait »… « Il est important de retrouver ces techniques et ces gestes d’antan pour ne pas les perdre », explique Rémy Desmonts, responsable technique du chantier. « Le sciage de long ne se fait plus depuis la premier Guerre Mondiale. Quant au trait de charpente, c’est une technique spécifique à la France inscrit au patrimoine UNESCO en 2009. Imaginez un bois industriel… ce serait une verrue dans un monument ».
Ainsi, femmes et hommes, jeunes et moins jeunes, mais tous passionnés, travailleront ensemble durant des semaines. « C’est une magnifique expérience, une richesse de pouvoir interagir tous ensemble ! », se réjouit Lou, 26 ans, souriant à sa camarade de chantier, Alicia Spencer, américaine de 57 ans, qui a récemment travaillé sur la réplique de la ferme n°6 de Notre Dame à Washinton DC. « L’occasion d’un partage de différents savoir-faire avec des personnes de cultures différentes qui n’ont rien à voir d’un bout à l’autre du globe ».