Pour l’ouverture de sa saison, le Centre Dramatique National d’Orléans, sous la direction de Séverine Chavrier, propose Orphans, une pièce de l’anglais Dennis Kelly. Le tgSTAN, une troupe belge amie du CDNO, l’a montée en respectant ses propres recherches théatrales. Un travail original et inhabituel, qui met à nu la scène comme les acteurs pour garder le texte dans sa force propre.
Par Bernard Cassat
Kloppend Hert dans le rôle de Liam. Photo Kurt Van der Elst_
Le tgSTAN, troupe de théatre belge prolifique, a pour principe de ne pas mettre en avant la mise en scène, mais les textes des auteurs qu’ils choisissent avec soin. Ils n’en font pas école, mais c’est leur principe de base : s’imprégner du texte, le lire ensemble jusqu’à le posséder, puis se lancer sur scène le jour de la première, sans que rien ne soit fixé d’avance. Et tous les autres éléments théatraux, décors, costumes, sont traités de la même manière, pour ne pas trop se faire voir mais juste fonctionner.
Un texte inscrit dans l’ordinaire pour une histoire extraordinaire
Alors qu’en est-il du texte de Dennis Kelly, Orphans (Orphelins) ? Le langage est simple, même parfois très quotidien et assez grossier. C’est dans l’histoire que ça se complique. Un couple fête l’arrivée prochaine de leur deuxième enfant. Le frère de Helen, Liam, un adolescent, arrive à ce repas couvert de sang. L’histoire va se raconter sur cette donnée : que s’est-il passé dans la rue ? Et des thèmes de réflexion vont apparaître, aider le jeune blessé dans la rue, appeler la police, mais Liam n’est pas vraiment clair, il a déjà eu des problèmes. Protéger la famille sans police et sans aide au blessé ? Il y a deux couples, celui d’Helen et de son mari Danny, et celui d’Helen et de son frère Liam, les deux orphelins, donc. Deux logiques, deux enjeux différents. Deux possibilités de décision dans la réalité unique de la situation, d’ailleurs pas toujours très claire.
Une scène dépouillée
Jolente De Keersmaeker et Haider Al Timimi. Photo Kurt Van der Elst_
La méthode du tgSTAN fonctionne. Pour les spectateurs français, l’anglais surtitré ajoute une distance et va dans le même sens. La présence sur scène de deux acteurs supplémentaires nous rappelle constamment le fait théatral. L’un prendra la place de Liam au milieu du spectacle par un échange de tee-shirt, l’autre, texte en main, sera la référence qui souffle parfois les mots écrits par l’auteur.
Décor minimaliste disposé sous nos yeux, cintres visibles, on est à l’os théatral, l’attention concentrée sur les yeux des acteurs, sur le moindre mouvement de visage. But pleinement atteint, aucune distraction dans la communication. Le changement d’acteur pour le même rôle passe moins bien. Certes, le personnage de Liam se révèle autre chose que cet ado paumé qu’il était au début. Mais la justification symbolique est maigre. Surtout que le premier Liam revient pour révéler la bête primaire qui est en lui.
Au delà des émotions, quel enjeu ?
Texte comme représentation fonctionnent sans accrocs. Et pourtant on se dit qu’il manque une force vitale, un enjeu réel, soit dans les mots, soit dans les gestes, qui nous emmènerait dans un vrai voyage, de ceux que le théatre est capable de proposer. Il ne s’agit pas seulement d’émotions ; elles sont présentes dans ce spectacle. Mais nous emmener dans un univers fictif qui parle de la réalité avec d’autres moyens que le réel. Le texte de Kelly, un auteur habitué aux séries télévisuelles (et ça se sent dans son texte), comme le déroulement de la pièce sur scène manquent d’un souffle qui rendrait ce spectacle totalement enthousiasmant. Le travail du tgSTAN reste au niveau intéressant sans parvenir à l’exceptionnel.
Orphans
spectacle en anglais
texte Dennis Kelly
de et avec Jolente De Keersmaeker, Frank Vercruyssen, Haider Al Timimi, Gustavo Vieira, Atta Nasser et Evgenia Brendes
production tg STAN