La Loire : un fleuve à fêter mais aussi à apprivoiser et à préserver

Orléans s’apprête à fêter son fleuve royal pour la dixième fois. Un festival qui ne doit pas faire oublier que ce cours d’eau peut aussi se montrer inamical, voire meurtrier. C’est le sujet du dernier ouvrage de Jean-Pierre Simon : Vivre la Loire et connaître ses dangers (Corsaire Éditions).

Par Sophie Deschamps
Platanes des quais de Loire à Orléans, peints en bleu en janvier 2021 à hauteur de crue… pour ne pas oublier mais une peinture presque aussitôt effacée, photo Gérard Poitou

Du 22 au 26 septembre, Orléans va vivre au rythme de son Festival de Loire avec plus de 200 bateaux sur les rives du centre-ville et quelques 300 animations. Une fête qui ne doit pas occulter les dangers anciens et actuels du plus long fleuve de France comme le rappelle Jean-Pierre Simon dans son dernier livre Vivre la Loire et connaître ses dangers. Pour ce spécialiste ligérien, il s’agit avant tout d’apprendre à la côtoyer et surtout à ne pas prendre de risques. Dans cet ouvrage abondamment illustré tout y passe : barrages, inondations, sables mouvants, pêche en Loire, pollution, baignade, navigation, centrales nucléaires. Et l’auteur, en vrai pédagogue, ne manque pas de nous indiquer à chaque fin de chapitre “ce qu’il faut retenir pour notre sécurité”.

Une inondation est toujours possible

Bien sûr, quand on pense aux dangers de la Loire, on pense immédiatement aux grandes crues du XIXe siècle. Notamment celles en 6 : 1846, 1856, 1866, sans oublier celle de 2016 qui a vu déborder des affluents du fleuve dans toute la Région, le Loiret ayant été le plus touché, notamment la petite commune de Gidy. Des inondations qui autrefois causaient des pertes humaines et de gros dégâts matériels. Une hantise qui a conduit de nombreuses villes ligériennes à tourner le dos à leur fleuve jusqu’à une période récente car n’oublions pas que 12% de la population de notre région vit en zone inondable !

Et malgré les efforts des hommes pour contenir les accès de colère du fleuve : levées, barrages, déversoirs, digues, une inondation majeure de la Loire reste possible. Jean-Pierre Simon explique que ce risque est “l’affaire d’une stratégie de crise de type catastrophe naturelle” et que “ces notions s’articulent d’abord sur l’éducation. Alors on voit les collectivités locales concernées mettre en en place la culture du risque inondation”. Chacun est ainsi invité à se tenir informé par des lectures, des expositions et/ou des conférences.

L’affaire des platanes peints en bleu  

Mais cette information souffre parfois de cafouillages. C’est ainsi comme le rapporte l’auteur qu’en janvier 2021 La Métropole d’Orléans a demandé à l’association Bleu Versant de peindre en bleu 8 platanes des quais d’Orléans en centre-ville pour marquer la hauteur de la crue de 1856 comme on le voit sur la photo. Mais quelques jours plus tard le maire faisait lessiver les murs suite notamment à des critiques acerbes d’Orléanais sur les réseaux sociaux qui visiblement n’ont pas compris la portée pédagogique de cette action. D’autant, précisons-le, que la peinture à base de chaux était inoffensive pour les arbres. Par ailleurs, elle se serait effacée toute seule au bout de deux à trois mois. Heureusement, les clichés eux demeurent.

La baignade reste dangereuse en Loire 

L’auteur se fait fort également de démolir certaines croyances, comme celle des sables mouvants. Car les Ligériens le savent : il est dangereux de se baigner en Loire. Elle est même interdite à Orléans depuis 1966. Ce qui n’empêche malheureusement pas de déplorer chaque année des accidents avec encore trois noyades cet été dans le Loiret. Notamment celle d’un kayakiste 35 ans qui s’est retrouvé entre la vie et la mort le 10 juillet après s’être noyé près de Beaugency. Pour autant écrit Jean-Pierre Simon “il n’existe pas à proprement parler de sables mouvants en Loire, susceptibles d’immobiliser quelqu’un et de l’ensevelir“. En fait on les confond avec les culs-de-grève.Ils constituent, poursuit Jean-Pierre Simon, le plus grave des dangers lors de l’immersion ou de la fréquentation des bancs de sable. Il y a risque de noyade par déstabilisation et entraînement vers les eaux profondes et le courant“, comme le montre cette vidéo prise à Combleux dans le Loiret.

Autre danger pointé par l’auteur : celui “des fondis ou bymes ou de tout autre effondrement récent survenant dans le lit majeur. Le phénomène peut se poursuivre sous les pieds de l’imprudent”.

Les mariniers de Loire ont repris du service comme m
le montre cet embarquement le 21 juillet 2021 sur une toue cabanée à Saint-Benoît-sur-Loire, photo Sophie Deschamps

Marinier de Loire : un métier difficile autrefois

Le festival de Loire va être aussi bien sûr l’occasion de découvrir l’activité des mariniers de Loire, d’hier et d’aujourd’hui avec notamment un village des mariniers. Mais il faut se rappeler la dure réalité du métier. Jean-Pierre Simon l’évoque en ces termes : ” Les mariniers, dont beaucoup étaient des saisonniers complétant une activité agricole, ignoraient tout de la natation. (…) Il existe bien des risques de tomber à l’eau quand on est à bord d’une embarcation sur la Loire. Maladresse et inexpérience, heurts violents avec l’accastillage ou la voilure, chutes liées aux excès de boisson, mauvaise appréciation, du fond de la rivière en cas d’ensablement.

Même si aujourd’hui le savoir-faire de ces mariniers est transmis et les techniques de construction des vieux bateaux préservées, pour Jean-Pierre Simon “on ne s’improvise pas marinier” et il faut “d’expérience apprendre à lire la Loire” c’est-à-dire “repérer ses dangers et ses caprices”. En revanche, vous pouvez faire une balade en toute sécurité à bord d’un bateau de Loire : fûtreau, toue cabanée ou autre gabare. En effet, rappelle l’auteur : “Ceux qui exploitent les bateaux doivent remplir un nombre considérable d’obligations liées à la sécurité parmi lesquelles les gilets de sauvetage homologués en nombre suffisant et les extincteurs.

Apprenons donc à connaître la Loire comme elle le mérite et que la fête commence !

Photo de Une : Les duits, barrages de pierre sur la Loire. ©Sébastien Dauxère

Lire aussi : Festival de Loire d’Orléans : entre tradition et continuité

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