La cueillette des champignons : un loisir parfois risqué

par Jean-Paul Briand

En région Centre-Val de Loire, la fin de l’été et l’automne sont toujours propices à la cueillette des champignons. Pour autant leur consommation comporte des risques. En France, tous les ans elle est la cause de nombreuses intoxications atteignant souvent des familles entières. Selon les années, on déplore 1 000 et 2 000 intoxications par des champignons avec 2 à 5 décès. La très grande majorité est liée à des champignons cueillis par des amateurs mais quelques cas  sont en rapport avec des champignons achetés sur un marché ou un commerce. Le respect de règles simples, dès la récolte, suffisent pourtant à écarter tout danger d’empoisonnement.

Girolles cliché pixabay

Prendre en photo ses champignons récoltés

Parmi les champignons comestibles il y a de grandes différences gustatives et leur valeur nutritive dépend en grande partie de leur proportion d’eau (80% à 95%). Les champignons contiennent beaucoup de sucres. Certains de ces glucides entraînent des troubles digestifs chez les personnes ayant un déficit héréditaire en enzymes digestives. Ce ne sont pas de réelles intoxications mais des intolérances alimentaires. Par ailleurs, des champignons parfaitement comestibles peuvent être pollués par des pesticides, des engrais, des rejets industriels ou avoir accumulés de dangereux métaux lourds.

Cueillir des champignons en milieu urbain, dans un environnement douteux, au bord de routes passantes ou de grands axes routiers, c’est prendre le risque de consommer des substances chimiques toxiques, particulièrement néfastes chez les enfants ou les femmes enceintes. La prise concomitante d’alcool et de certains champignons (coprin) entraîne un effet antabuse* spectaculaire mais généralement sans gravité. Certains champignons hallucinogènes, consommés volontairement, tels que l’Amanite tue-mouche ou les Psilocybes, occasionnent des effets psychiques impressionnants. Les signes patents d’intoxication sont essentiellement digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée) accompagnés de sueurs, parfois de céphalées, de vertiges, de chute de la tension artérielle et d’une accélération cardiaque. Les praticiens appelés au chevet de ces patients intoxiqués ne connaissent que très rarement les espèces ingérées aussi prendre en photo ses champignons récoltés, avant leur consommation, permettra au centre antipoison contacté de prescrire le traitement le plus adapté en cas d’intoxication…

Les champignons ­appartiennent au propriétaire du sol où ils poussent

Compte tenu des conditions météorologiques, la cueillette a débuté plus tôt cet été.  l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a signalé que déjà 330 cas d’intoxication ont eu lieu entre le 1er juillet et le 29 août 2021, dont trois décès, alors que le pic des intoxications est habituellement au mois d’octobre. Ces intoxications sont dues à la consommation d‘espèces non comestibles confondues avec une espèce comestible ou des champignons habituellement sans danger mais mal conservés, en mauvais état ou mal cuit. En rappelant que les champignons ­appartiennent au propriétaire du sol où ils poussent et que leur ramassage est une tolérance et non un droit, voici les recommandations de l’ANSES pour une cueillette en toute sécurité :

  1. Ramasser uniquement les champignons que vous connaissez parfaitement : certains champignons hautement toxiques ressemblent beaucoup aux espèces comestibles. Des champignons vénéneux peuvent pousser à l’endroit où vous avez cueilli des champignons comestibles une autre année. 
  2. Au moindre doute sur l’état ou l’identification d’un des champignons récoltés, ne pas consommer la récolte avant de l’avoir faite contrôler par un spécialiste en la matière. 
  3. Cueillir uniquement les spécimens en bon état et prélever la totalité du champignon : pied et chapeau, afin d’en permettre l’identification. 
  4. Ne pas cueillir les champignons près de sites potentiellement pollués : bords de routes, aires industrielles, décharges.
  5. Pour éviter le mélange de morceaux de champignons vénéneux avec des champignons comestibles, déposer les champignons en séparant les espèces, dans une caisse, un carton ou un panier, mais jamais dans un sac plastique qui accélère le pourrissement. 
  6. Conserver les champignons en évitant tout contact avec d’autres aliments au réfrigérateur (maxi 4°C) et les consommer dans les deux jours après la cueillette. 
  7. Consommer les champignons en quantité raisonnable après une cuisson suffisante et ne jamais consommer des champignons sauvages crus. 
  8. Ne jamais donner à manger les champignons que vous avez cueillis à de jeunes enfants.
  9. Ne pas consommer de champignon identifié au moyen d’une application de reconnaissance de champignons sur smartphone, en raison du risque élevé d’erreur.
  10. Ne pas consommer de champignons commercialisés par des non professionnels, « à la sauvette ». 

Faire contrôler sa récolte de champignons sauvages

Amanite Tue Mouche cl Pixabay

La reconnaissance des espèces comestibles de champignons nécessite un authentique savoir et des compétences qu’hélas peu de personnes ont, y compris chez les pharmaciens. Participer à des sorties guidées offertes par de nombreuses associations naturalistes ou mycologiques peut être un bon moyen d’apprentissage afin de se familiariser avec les espèces de champignons. A Suèvres on peut voir actuellement les expositions intitulées « Les champignons de chez nous ». A Romorantin-Lanthenay est organisé les 9 et 10 octobre prochain le salon de l’automne et du champignon. Néanmoins la connaissance ne s’acquiert pas en un jour et l’identification à l’aide d’atlas ou de logiciels de reconnaissance mycologique est possible mais quelquefois hasardeuse…

En Suisse il existe un site internet avec une carte interactive qui liste les officines et les spécialistes à qui il est possible de faire contrôler sa récolte de champignons sauvages.

Le Conseil régional de la région Centre-Val de Loire, région réputée pour ses champignons,  ne pourrait-il être à l’initiative de la mise en place d’un tel site ?

*L’effet antabuse ou syndrome antabuse est une réaction provoquée par l’ingestion d’alcool (ou préparations en contenant), même en faible quantité, chez une personne rendue intolérante à l’alcool par l’exposition à certaines substances médicamenteuses ou non (champignons, produits phytosanitaires, solvants).

Commentaires

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  1. Je crois qu’on oublie de mentionner l’intolérance du corps humain aux plombs de chasse qui chaque année atteignent des “récoltants non autorisés”, plombs envoyés par des gardes de propriété soucieux de préserver le bénéfice de leur “pré carré” de giroles…dont les bénéfices échappent à toute déclaration fiscale et toute contribution sociale…
    Le trou de la Sécu commencerait-il avec ces frais chirurgicaux que les gardes devraient normalement rembourser en tant qu’auteurs des blessures, d’autant plus qu’ils ne cotisent pas sur les revenus de la vente des champignons…?
    Bercy, au boulot !

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