Le défilé anti-pass sanitaire de ce samedi 7 août à Orléans a encore vu le nombre de ses participants croître avec environ 2.500 manifestants. Un phénomène surprenant en plein cœur de l’été. Reportage et analyse.
Manifestation du 7 août 2021 contre la pass sanitaire ©Mourad Guichard
À Orléans, les samedis se suivent, mais ne se ressemblent pas précisément. Pour ce quatrième rendez-vous des anti-pass sanitaire, la participation a de nouveau été en hausse, voyant l’arrivée de nouveaux manifestants peu habitués à battre le pavé. Ils étaient environ 2.500 à sillonner les rues de la capitale régionale au départ de la place de la République, ce samedi 7 août, vers 14h30.
Parmi eux, Nina et Samuel, un gilet jaune sur le dos. « Nous sommes là depuis le début, parce nos libertés sont clairement bafouées », pensent les deux jeunes gens. « Nous voulons que le peuple ouvre les yeux! ». Ils redoutent de ne plus pouvoir accéder aux loisirs et même d’être mis en difficulté dans leur activité professionnelle. Au point de peut-être devoir démissionner si leur employeur leur imposait l’obligation vaccinale. Eux pensent pouvoir faire plier Macron. Optimisme que d’autres manifestants, comme Jean-Pierre, ancien militant syndical en retraite, ne partagent pas. « Je suis présent ici en tant que citoyen et dans la continuité de mon soutien aux gilets jaunes », explique-t-il. « Je m’oppose à Macron pour l’ensemble de son œuvre, mais il va falloir mobiliser les élus républicains de tout bord pour contrer sa politique ».
En observant le cortège dans le détail, impossible de dresser un portrait robot du manifestant type. Une seule évidence: les catégories socio-professionnelles sont multiples, plutôt orientées classes moyennes. Dans les nombreuses discussions, les arguments fusent. Avec un sentiment d’exaspération, voire d’injustice. « Le gouvernement veut vacciner tout le monde, mais nous ne voulons pas être les cobayes d’une expérimentation vaccinale », pestent Nathalie et Grace, qui ne s’étaient pas retrouvées dans une manifestation depuis plusieurs décennies. « Nous ne sommes pas anti-vaccin, nous voulons simplement que les gens soient libres et qu’ils puissent vivre, payer leur loyer, accéder à une salle de sport».
Comment gérer les militants d’extrême-droite?
À l’occasion de la précédente manifestation, Jean-Marie Boutiflat, membre actif du collectif « Pour les jours heureux », co-organisateur de la mobilisation, avait prévenu : « Si l’extrême droite veut manifester, qu’elle s’y emploie en dehors de nos rangs, car il est clair que nous ne partageons pas les mêmes valeurs ! ». Déclaration en réponse à la présence, dans le défilé, de membres de l’Action Française, groupuscule royaliste, et qui a été copieusement sifflée. Une présence qui a poussé une partie des militants de gauche et syndicalistes (LFI, NPA, Solidaires, PCF…) à décliner leur participation au mouvement. Cependant, dans ce défilé du 7 août, peu de traces de militants d’extrême droite. « Si dans la deuxième manifestation, il y a effectivement eu des signes inquiétants, les choses ont été clarifiées à l’issue de l’édition suivante », précise Hugo Reis, militant de Sud PTT, lui-même menacé physiquement par ces groupuscules. « Il y a aussi des slogans comme Pass Nazitaire qui sont naturellement excessifs, mais que peut-on y faire? », insiste le militant. « Il faudrait déjà que les politiques arrêtent de jouer aux spécialistes sanitaires en trompant les gens… ».
Si dans le cortège, plusieurs manifestants s’opposent frontalement au vaccin et à ses effets présumés, la grande majorité fait la distinction très nette entre le pass et la vaccination. « Chacun doit avoir la liberté de choisir », explique Maryse, agent d’État. « J’ai peur qu’on en vienne à obliger les enfants à se vacciner, tout ça pour écouler des stocks de vaccins achetés en masse ».
Manifestation du 7 août 2021 contre la pass sanitaire ©Mourad Guichard
Parmi les nombreux slogans, notamment appelant à ne pas « toucher à nos enfants », certains manifestants appellent au boycott des devantures imposant le pass sanitaire. Une position loin d’être partagée par l’ensemble des opposants. « Cela résonnerait comme un double peine pour les salariés de ces commerces qui finiraient par être licenciés », explique Hugo Reis. « Il faut trouver d’autres leviers comme le blocage de l’économie à l’échelon national ».
Il est à noter que l’appel commun à cette manifestation, qui est d’ores et déjà reconduit pour ce 14 août, brasse plus large que le seul retrait du pass sanitaire. Il est pour une vaccination accessible, égalitaire et consentie ; pour la levée des brevets et la distribution mondiale de vaccins ; contre une vaccination obligatoire ; contre les tests payants ; contre les suspensions sanitaires des contrats de travail pouvant aboutir à des licenciements. Et enfin, contre la réforme des retraites et de l’assurance chômage. « Ce qui se passe est grave et va s’inscrire dans le temps », prévient Jean-Marie Boutiflat. « Rendez-vous en septembre, notamment avec des actions sur l’eau et les transports sur la Métropole, mais aussi sur ces questions de liberté ».
Mourad Guichard