Pour le maire de Salbris, Alexandre Avril, l’été est synonyme de buzz médiatique. Après le portage de la statue de la Vierge en 2020, la nouvelle polémique porte cette fois sur le « triage » ou non des détenteurs de passe sanitaire. La décision a été prise de mettre fin, au bel été salbrisien, un ensemble d’animations et de concerts proposé par la commune. Ou comment, sous couvert de décisions très locales, une dérive populiste peut conduire à des prises de position à visions plus individuelles que collectives.
Il n’aura pas fallu longtemps à Alexandre Avril, le jeune maire de Salbris, pour passer d’inconnu à personnage incontournable du monde de la politique régionale. À coups de prises de position marquées sur CNEWS, chaîne d’info de la TNT, à coups de vidéos sur les réseaux sociaux, à coups de buzz prémédités ou pas, le Solognot fait sa place au soleil. Après un premier été marqué par une vidéo où on voit l’élu salbrisien porter la statue de la Vierge pour le passage du pèlerinage marial « M de marie », après une deuxième vidéo, où il demandait au président de la République de rouvrir les « commerces non-essentiels ». Même que, à l’époque, il aurait été entendu par le Premier ministre qui l’aurait appelé quelques jours plus tard. Cette semaine, c’est le passe sanitaire qui est à l’origine de son courroux.
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Eté terminé mais fête foraine maintenue
Dans une nouvelle vidéo, le Salbrisien, entouré de plusieurs des adjoints ou conseillers municipaux, emploie des référentiels marqués. « Avec les élus de Salbris, nous refusons d’organiser la ségrégation de notre commune par le passe sanitaire. Depuis un an, vous nous avez élus pour vous servir et vous rassembler, pas pour vous séparer. Pas pour vous diviser. Encore moins pour vous trier. Or aujourd’hui, on nous le demande. On nous demande, pour continuer notre festival de l’été salbrisien, que nous aimons tant, d’installer des grilles dans l’espace public, de transformer notre vallée en cage de fer, de contrôler nous-mêmes vos identités et vos données de santé pour y accéder, de dire qui a le droit de danser et qui doit rester écouter la musique de loin depuis le pont, de diviser les familles, de vous exclure. Nous ne le ferons pas. Nous n’en avons ni les moyens ni l’envie. C’est contraire à notre éthique et à notre sens du service public. » Et d’annoncer le retour d’un été fourmi plutôt que cigale. « La mort dans l’âme, nous avons pris la difficile décision de mettre fin à notre festival de l’été salbrisien, après un dernier week-end de liberté, d’égalité et de fraternité. Avant que ces trois mots inscrits sur le fronton de nos mairies ne veuillent décidément plus rien dire dans la nouvelle société que nos dirigeants mettent en place. » Une manière aussi de jouer dans une autre cour que le local.
On peut regretter cette décision. On peut aussi penser que les élus solognots ont raison. On peut aller jusqu’à penser que ceux qui ont fait la démarche d’être vaccinés et d’obtenir le passe sanitaire sont mis à l’encan de manifestations publiques par une décision municipale arbitraire. C’est une manière d’exclure ceux qui ont respecté les autres dans leur réflexion. Ici, il est difficile d’expliquer le souhait de rassemblement en séparant les uns des autres. La démarche serait venue de représentants de LFI, on aurait crié à l’atteinte à la démocratie par un mouvement d’extrême-gauche. Là, on parle de démocratie en mots choisis dans une dialectique usitée du côté des universités d’été de Marion Maréchal…
Pour l’opposition locale, « il ne s’agit pas là de la position d’un maire, mais de celle d’un politicien qui vient draguer les courants populistes d’extrême-droite. Notre groupe s’intéresse au débat public pour les affaires locales. Nous regrettons que les affaires politiciennes privent les Salbrisiens des festivités préparées par les services communaux et les associations. »
Pour donner un autre angle sur la décision d’annuler le bel été salbrisien, la mairie a indiqué que la traditionnelle fête foraine du 15 août était maintenue. « La fête foraine est maintenue, elle est sous la responsabilité des professionnels (les forains) qui devront pratiquer le contrôle du passe et contrôle d’identité… » selon la conseillère municipale déléguée à l’embellissement et au fleurissement, Geneviève Hedal. Comme une nouvelle manière de jouer les Ponce Pilate ou histoire de dégager en touche. Chacun choisira ses références.
Un parcours sans faute qui peut mener au palais Bourbon
Voilà deux ans, l’élu solognot était un jeunot à peine sorti des écoles – on ne sait pas vraiment si c’est avec ou sans diplôme, tant le libellé de son curriculum est confus – candidat déclaré à la mairie de Salbris. Voilà un an, jeune élu municipal, il est devenu maire et président de la communauté de communes de la Sologne des rivières. Voilà quelques semaines, pour le département de Loir-et-Cher, à l’occasion des élections régionales, il était leader de la liste LR, conduite par Nicolas Forissier. Et le voici désormais élu d’opposition dans la région Centre-Val de Loire. Des fonctions qui pourraient bien n’être que des marchepieds pour accéder à une autre étape, celle de l’Assemblée nationale.
Il se murmure que Guillaume Peltier, un autre conquérant, pour le moment député de la circonscription du cœur de Sologne, son aîné et pygmalion en matière politique, pourrait effectuer un petit parachutage hors de ses actuelles limites départementales. S’ouvrirait alors une voie royale vers le Saint Graal pour ce petit jeune qui veut monter. On devrait alors modifier la page Wikipédia d’Alexandre Avril où au regard de la définition « profession » est inscrit « chercheur ». « Trouvé » sera plus judicieux à ce moment-là.
Joli début de carrière pour quelqu’un qui n’aurait jusqu’à présent eu de salaire que celui d’assistant parlementaire sénatorial, au début des années 2010. Une prise de contact avec la politique qui n’a pourtant pas marqué les esprits. Jacqueline Gourault, l’actuelle ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à l’époque sénatrice, avouait voilà peu ne pas se souvenir l’avoir rencontré au palais du Luxembourg. Mais un palais c’est tellement grand…
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Fabrice Simoes