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Date initiale de publication 4 février 2021
Parallèlement à la préoccupante désaffection du public pour la vie politique classique, des collectifs citoyens émergent de plus en plus. Ils militent essentiellement pour la protection de la nature, de l’environnement et des biens communs. Magcentre souhaite ausculter ces mouvements trop souvent décriés mais participant au dynamisme de la démocratie. Vous retrouverez donc prochainement une série sur ces initiatives locales de notre région.
Les collectifs se réunissent pour faire entendre les voix citoyennes. Photo : François Goglins/Wikicommons
Si de nombreux citoyens ne croient plus dans le monde politicien professionnalisé, ils n’abandonnent pas pour autant l’engagement sociétal. Les formes de cet engagement ne sont plus celles d’une adhésion, dans la durée, pour un parti, un syndicat, voire une association, où la professionnalisation y est également dénoncée. Elles évoluent vers des collectifs de personnes très actives, s’impliquant ponctuellement sur le terrain. Si dans la majorité des cas, le point de départ de leurs motivations est personnel, ces nouveaux militants agissent bénévolement sur des projets communautaires qui les interpellent directement.
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Nombreux sont celles et ceux qui donnent de leur temps pour défendre une cause à dimension politique et sociale. Ils agissent pour des objectifs précis tels que l’obtention d’un équipement collectif, la protection d’un site naturel, la lutte contre une discrimination, l’interdiction d’un chantier, etc. Ils font de la politique autrement, à la carte, afin d’obtenir des résultats concrets et rapides. « Penser global, agir local », cette formule employée par René DUBOS, semble résumer l’esprit de ces nouvelles pratiques militantes. Hors des cadres habituels de revendications, les mouvements citoyens, informels et transitoires, ont besoin des médias et des réseaux sociaux pour se faire connaître. Leur outil pacifique de prédilection est la pétition.
La pétition fait peur
Bien que son nom reste universellement et définitivement attaché à l’instrument utilisé lors des exécutions capitales, c’est le médecin Joseph Ignace Guillotin qui, le 8 décembre 1788, inaugure en France l’usage moderne de la pétition. Pour son texte, le docteur Guillotin fut condamné, non pas pour les revendications exprimées, mais pour la forme utilisée, jugée « insolite » et « dangereuse ». La pétition fait peur aux pouvoirs en place et son droit a toujours subi des restrictions. Aujourd’hui encore, parce qu’elle émane de la rue et qu’elle semble renier les principes de la représentativité sortie des urnes, les pétitions sont le plus souvent ignorées.
A partir de 2008, seul le Conseil économique, social et environnemental (CESE) pouvait être saisi par voie de pétitions. Pour le CESE, les pétitions doivent uniquement concerner des questions à caractère économique, social ou environnemental, être rédigées en français et signées par au moins 500 000 personnes majeures, de nationalité française ou résidant régulièrement en France. Durant l’année 2020, en janvier pour le Sénat, puis en octobre pour l’Assemblée nationale, des plateformes sont en ligne. Elles permettent de déposer des pétitions citoyennes. Comme pour le CESE, elles ne pourront être débattues que si plus de 500 000 personnes les ont signées…
Les collectifs revisitent l’exercice de la démocratie
Si l’abstention met en danger la démocratie, l’engagement dans la collectivité ne se réduit pas aux seules élections. S’impliquer dans la vie publique, que ce soit dans le cadre d’un parti politique, d’un syndicat, d’associations d’intérêt général, ou défendre une modeste cause dans un collectif citoyen informel, c’est vivre sa citoyenneté et exercer la démocratie. Chaque citoyen est aussi le détenteur d’une part de la souveraineté politique. Ne pas en tenir compte, voire le mépriser, font le lit des revendications violentes, entraîne un repli sur soi délétère et aggravent la fracture entre une partie de la population et le personnel politique.
Les collectifs revisitent l’exercice de la démocratie. Insatisfaits, certains citoyens n’acceptent plus de déléguer intégralement l’exercice du pouvoir aux élus. Ils veulent être informés pour participer, proposer et contrôler la prise de décisions les concernant directement. Ils contestent la manière dont la démocratie représentative est actuellement appliquée. Ils considèrent que les instances de concertation en place sont fictives ou dévoyées. Ils estiment que l’opinion publique est ignorée. Vraies ou fausses, ces dénonciations contribuent à l’engagement citoyen et au débat démocratique.
Le débat public doit désormais entendre et se nourrir des interpellations et des doléances de ces collectifs. D’opposants, ils peuvent devenir des partenaires permettant de renouer un lien social authentique qui marginalisera populisme et démagogie.
Jean-Paul Briand