Retro: Twitter, la drogue dure qui menace la #démocratie ?

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Date initiale de publication 28 Février 2021

Il n’est pas si courant qu’un journaliste se livre à une confession sur un mode personnel sur son métier, surtout pour y révéler une addiction dévastatrice qui le conduira à démissionner de sa situation enviable au journal Le Monde. C’est l’exercice que nous propose Samuel Laurent dans son livre “J’ai vu naître le monstre, twitter va-t-il tuer la #démocratie ?”

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Non ce n’est ni l’alcoolisme mondain ni la cocaïne des milieux branchés qui vont laminer Samuel Laurent, mais c’est bien l’usage immodéré de Twitter qui va conduire le journaliste à sa perte, pas moins de 120.000 tweets plus tard à raison d’une moyenne de 40 tweets par jour et nuit (même sous la douche avoue-t-il) durant les 13 ans que vont durer cette addiction forcenée. Entre témoignage autobiographique et chronique médiatique, le livre de Samuel Laurent démonte de l’intérieur le phénomène Twitter et sa connexion avec les réseaux notamment Facebook. Car Samuel Laurent est un journaliste inscrit dans l’histoire du web de ces dix dernières années, d’abord comme web journaliste pour le-figaro.fr avant de mettre sur pied la rubrique des Décodeurs pour Le Monde.fr, spécialisée dans la traque des fake news et autres sites plus ou moins conspirationnistes.

Twitter est pour ce spécialiste du web d’abord une sorte de club branché où l’on peut plaisanter dans un entre soi plus ou moins intello à coup de message lapidaire de 120 caractères (puis 280), les “milieux autorisés” dont se moquait il y a fort longtemps Coluche. Mais très tôt le réseau instaure des indices de compétition, comme son concurrent Facebook, sous la forme des “like” et des “retweet” qui propulsent un message au rang de “viral”, avec en plus la colonne de droite du site indiquant les meilleurs performances des messages, sorte de Graal pour qui veut exister comme influenceur du microcosme autoproclamé.

De la plaisanterie plus ou moins méchante, Twitter va devenir très vite le lieu de l’indignation programmée dans ce paradoxe illustré par Samuel Laurent où la dénonciation fait la promotion de l’objet dénoncé. Combien de révélateurs #metoo pour le nombre de provocations à la haine en tout genre relayées par des tweets outragés, colporteurs involontaires des propos dénoncés ? Car comme le souligne Samuel Laurent, le tweet n’est pas une pensée développée mais un jugement moral: l’expiation plutôt que l’explication. Et malheur au déviant qui osera citer Brassens à propos d’un clip dont la violence à l’égard de la police suscite des tombereaux de tweets haineux scandalisés  (lui garantissant ainsi un record de visionnement), Samuel Laurent connaîtra le prix du lynchage twitterisé sous un flot d’insultes et de menaces physiques, pour finalement quitter Twitter et son job au bord du burn-out.

Au delà de son histoire personnelle, Samuel Laurent interroge dans ce livre, le métier de journaliste à l’heure des réseaux sociaux en nous rappelant quelques faits saillants de ces dix dernières années de croissance exponentielle de Facebook et de Twitter, notamment à propos de la crise des Gilets Jaunes dont il souligne l’étrange faille dans l’usage des deux réseaux, moteur de la contestation pour l’un et lieu de dénigrement pour l’autre.

On lira in fine avec intérêt le rôle de Twitter dans le trumpisme triomphant, avec cette ultime question: l’interdiction d’accès à twitter infligée à l’ex-président américain sert-elle la démocratie ou n’en est-elle que la parodie?

Gérard Poitou

 

“J’ai vu naître le monstre, twitter va-t-il tuer la #démocratie ?”

Samuel Laurent

Ed Les Arènes 233p. 19 €

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