Orléans Métropole et le vélo: droit de réponse et réponse au vice-président

Suite à l’article de Patrick Communal publié sur notre site rendant compte de la rencontre entre le collectif Vélorution et le vice-président de la Métropole d’Orléans, Christian Dumas, maire d’Ingré, nous avons reçu un courrier de ce dernier visiblement fort courroucé par le point de vue exprimé à propos de la politique de circulation cycliste de la Métropole et de sa commune.
Nous en publions ici de larges extraits suivis de la réponse de Patrick Communal.

Monsieur,
J’ai pris connaissance avec attention de votre article du 10 juin dernier dont le titre “Le Vice-président chargé de la politique cyclable n’aime pas le vélo” résume bien l’orientation et le ton que vous avez souhaité donner à votre article.
Si vous êtes bien entendu libre de vos écrits, je souhaiterais néanmoins apporter un droit de réponse tout en vous faisant état de mon sentiment sur vos propos.
Tout d’abord, je ne vois pas au vu de quels éléments vous affirmez que je n’aime pas le vélo ? Qu’est-ce qui vous permet de le penser et surtout de l’écrire ?
Le fait que je ne me rende pas à mes rendez-vous et obligation en vélo comme certains le font, ne justifie pas, à mon sens, une telle affirmation.
[…]
Je n’ai pas “accordé” audience au représentant de vélorution puisque c’est moi-même qui les ai contactés pour leur proposer une rencontre.
Il n’est pas dans mes habitudes de provoquer mes interlocuteurs et encore moins de les mépriser. Ils m’ont informé qu’ils solliciteraient le tribunal administratif concernant des aménagements non-conformes, je me suis borné à leur répondre qu’il s’agit là d’une possibilité offerte à tout citoyen.
L’arbitrage entre cyclistes, piétons, et automobilistes est à mes yeux un non-sens et je en vois pas pourquoi j’aurais affirmé vouloir donner la priorité aux automobilistes. A titre d’exemple, je vous rappelle qu’à Ingré, j’ai transformé la rue de la Mairie qui était à double sens en un sens unique afin de permettre la réalisation d’une piste cyclable.
Est-ce cela donner la priorité aux automobilistes ? Les travaux de mises en sens unique sur le pont Georges V constituent-ils également une priorité donnée aux automobilistes ?
[…]Avec un peu de recherches, vous auriez pu aussi noter que le Conseil Municipal d’Ingré avait voté à l’unanimité de 30 mars 2021, une délibération sur les mobilités durables favorisant l’utilisation par les agents de la ville de leur vélo pour venir travailler; ou plus récemment encore des pistes cyclables dignes de ce nom dans le projet de réfection de la voirie du parc Adélis malgré la fonde de quelques entreprises n’en voyant pas l’utilité.
[…]Enfin, votre petit couplet sur le régime indemnitaire des Elus est pitoyable.

Signé, Christian Dumas Maire d’Ingré

Monsieur le Vice-Président.

En réponse à votre droit de réponse ici publié, permettez-moi en tant qu’auteur de l’article incriminé et cycliste membre de l’association DAMMO* de revenir sur quelques points de votre courrier.

Pour ce qui est de l’entretien que vous avez eu avec des membres du collectif Vélorution, je vous donne acte d’un seul point : c’est effectivement vous qui avez demandé à les rencontrer parce que vous préfériez cela au fait d’être régulièrement interpellé sur les réseaux sociaux. Pour le surplus, lorsque ceux-ci vous ont exposé qu’un certain nombre de travaux de voirie ne respectaient pas la réglementation applicable et pourraient donner lieu à des contentieux devant la juridiction administrative, vous auriez pu répliquer que vous alliez faire les rappels nécessaires aux maîtres d’ouvrages concernés, vous leur avez simplement déclaré avec une condescendance qui m’a été confirmée : « eh bien faites… »

La question de l’arbitrage entre cyclistes et automobilistes est venue dans l’échange sur le réaménagement de la route départementale qui traverse votre commune et dont une partie des travaux est à ce jour achevée. Contrairement à ce qu’avait prévu le plan vélo, la voie cyclable fait l’objet de discontinuités de son tracé pour maintenir des espaces de stationnement résidentiel, ce qui constitue bien un arbitrage au profit de la voiture, au détriment du vélo et des piétons. Vous soutenez dans votre courrier que cette notion d’arbitrage n’a pas de sens, adoptant en cela le point de vue de Christophe Chaillou, de Serge Grouard et avant eux, d’Olivier Carré qui, tous déclarent, de façon quasi-incantatoire, qu’il ne faut pas opposer les modes de déplacement. Il est pourtant évident que faute de pouvoir reculer les façades des immeubles, si l’on fait le choix d’accorder plus de place sécurisée aux cyclistes, on va inévitablement réduire l’emprise de circulation des automobilistes ; prétendre le contraire, c’est prendre le parti de ne rien faire, sauf à dessiner sur la chaussée quelques bandes cyclables et quelques pictogrammes qui ne nous protègent en rien, ou de renvoyer la circulation des cyclistes sur des trottoirs partagés, ce qui crée des conflits d’usage avec les piétons et s’avère inconfortable pour tout le monde. D’une manière générale, ce n’est pas la place qui manque sur la voirie pour les cyclistes, c’est la volonté politique.

Ce n’est pas non plus la volonté politique qui inspire les travaux récents que vous évoquez dans votre commune mais une obligation légale qui impose la création d’espaces cyclables lors des réaménagements de voirie. Il va sans dire que si la loi Laure avait été appliquée partout, une bonne partie du problème serait résolue aujourd’hui. La voie verte – puisqu’elle est signalisée ainsi – que vous avez réalisée dans la rue de la Mairie, n’est en réalité qu’un espace partagé cycles-piétons sur le trottoir qui longe la chaussée mais ne répond pas aux normes du décret n° 2004-998 du 16 septembre 2004 qui interdit ce type d’aménagement le long d’une voie ouverte aux véhicules à moteur. En d’autres termes, on ne peut créer une voie verte sur un trottoir.

Bien entendu, comme on l’entend en permanence quand on critique un aménagement cyclable, on nous dit que c’est mieux que rien ; chez les vélorutionnaires on pastiche la formule avec dérision : « c’est moins grave que si c’était pire… »

Vous avez cité à diverses reprises l’affectation d’une voie réservée aux cycles sur le pont Royal. Vous n’êtes pour rien dans cette décision qui relevait du pouvoir de police du maire, Olivier Carré. Cette mesure réclamée depuis près de vingt ans a été prise au moment du déconfinement quand il s’est avéré, comme partout en France, que de plus en plus d’usagers avaient adopté le vélo pour éviter les transports en commun. Les « coronapistes » créées dans une logique d’urgence montrent qu’à certains égards, nos concitoyens ont parfois quelques longueurs d’avance sur leurs élus.

S’agissant des indemnités que perçoit un vice-président de Métropole, en sus de celle de Maire et de celle que vous aviez perçue jusqu’ici comme conseiller régional, je ne vois pas les raisons d’en faire un tabou. Vous jugez pitoyable qu’on aborde le sujet. Le montant de l’indemnité que perçoit un vice-président pour animer une politique cyclable au sein de notre agglomération est l’équivalent du salaire courant d’un cadre B de la fonction publique territoriale, d’une infirmière ou d’un professeur des écoles. Dès lors que ces fonctions ne sont pas bénévoles, ce n’est ni pitoyable, ni démagogique, ni populiste, que des citoyens puissent souhaiter que la mission soit effective et conduite avec conviction comme vous pourriez vous-même le demander à vos agents communaux.

J’ai envie de terminer sur une note optimiste, je pense que les gens peuvent réfléchir et changer d’avis, parfois de façon assez radicale. Jacques Toubon, devenu un remarquable et exceptionnel défenseur des droits m’a même convaincu que la rédemption pouvait exister en politique. Je vais vous faire cadeau de deux livres qui pourraient vous inspirer. Le premier s’intitule « Pourquoi pas le vélo ? Envie d’une France cyclable » dont l’auteur est Stein Van Oosteren, vous y trouverez tous les outils de réflexion pour un changement de paradigme. Je vous envoie aussi « la petite reine de Kaboul » qui parle de vélo au féminin et du droit d’asile. Un dernier conseil, essayez au moins pendant l’été, de laisser votre voiture au garage. Vous verrez, malgré toutes nos difficultés de circulation, que ça peut offrir de merveilleux moments de liberté.

Patrick Communal

*Droit Accessibilité Mobilité Métropole Orléans

Commentaires

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  1. Attention, il y a une double erreur dans l’article :

    1/ l’édile se trompe en nous parlant d’une piste cyclable « rue de la mairie – Ingré », c’est un trottoir, rien de plus, en dos-d’âne qui plus est.
    Comme il fait montre de compétences, il doit bien savoir où trouver la définition d’une piste cyclable.

    2/ le rédacteur, probablement induit en erreur par l’erreur précédente fait une erreur sur la signalisation du trottoir.
    La rue de la mairie pour qui circule sur la route est signalée au départ de la rue d’Orléans comme une Zone30, sens unique. Les vélo peuvent circuler sur la chaussée sans problème.
    Dans le sens contraire, dos à l’hôtel de ville, rien ne signale la possibilité du double-sens cyclable, ni panneau carré bleu C113, ni panneau voie-verte (c’est de toute façon un trottoir)… en dehors de traces de peintures. De plus, pour prendre le trottoir, il ne faut ni pas craindre les voitures souvent stationnées en l’endroit ni la petite bordure.

    En conclusion, nous sommes loin d’un équipement de qualité, un de ces équipements qui pourrait faire la fierté d’un édile, sauf à ce contenter « d’un mieux que rien », véritable antienne municipale et départementale.

    JPB

    • Bonjour Bertrand, merci de vos observations. J’ai une photo tournée face mairie avec un panneau de fin de voie piétons/cycles. Sinon, on est d’accord sur la qualité de cet espace.

  2. Que voila ” des piste ” de réflexions et d ‘ actions pour les déplacements du quotidien … à vélo …. !

  3. Si je peux en rajouter à ces échanges déjà assez longs ?
    A propos de la conception des pistes cyclables, censées incitées à utiliser la bicyclette de préférence à la voiture, je souhaiterais que leurs concepteurs, leurs donneurs d’ordres et les élus qui prônent la circulation « douce » en parcourent quelques-unes avec moi, à bicyclette, of course ! Que de bosses et de creux, notamment aux intersections avec des rebords de trottoirs saillants, mais aussi la mauvaise qualité des bandes de roulement mal entretenues ! Aie, aie, aie ! Pour nos fragiles postérieurs ! Ils constateront combien il est malaisé d’y circuler, sans parler des risques de chutes. Je pense souvent aux parents qui conduisent leurs petits à l’école sur leur porte-bagage. Les pôvres petits, il faut qu’ils aient une solide colonne vertébrale pour encaisser tous ces chocs ! Quant à l’utilisation des « vélos-cargos », il vaut mieux y renoncer, car l’étroitesse des voies et les chicanes qu’on y place sont dissuasives.
    Un exemple que j’ai vécu tout récemment : à Chécy, de la zone commerciale près de la tangentielle en allant vers l’église du centre bourg. En descendant la rue de Grainloup, on découvre soudain qu’il y a une piste cyclable à double sens sur le trottoir de gauche, sans qu’aucun panneau ne l’ait indiquée en début de voie. Heureusement je n’ai croisé aucun vélo, ni piéton, car la voie est partagée et exiguë. Et « bing », au passage à niveau, on en prend plein son arrière-train ! Ensuite, surprise, la piste quitte la route vers la gauche pour s’engager dans le sentier des treilles neuves. Super, on s’éloigne de la circulation ! La voie se poursuit très agréablement par le chemin des Maures en direction de l’église, Mais dans quel état est la voirie et que d’obstacles, des chicanes, des poteaux ! Les VTT, avec leur large guidon doivent être conduits avec une grande adresse, quant aux vélos-cargos, demi-tour s’il vous plait, vous ne passez pas ! Rangez votre engin, et prenez votre voiture ! Quel dommage !
    Une note positive toutefois : la réfection de la voie sur berge du canal d’Orléans entre le pont Thinat et Combleux ! Une belle réussite ! Bravo ! Un bel exemple de piste cyclable ! Une belle promenade !

  4. Le vélo, la petite reine sont désormais nos fidèles compagnons. Mais j’avoue que c’est toujours avec une certaine appréhension que je l’utilise : pour aller travailler je dois prendre la piste cyclable de la rue des Murlins qui est à contre sens ( je ne compte plus les ouvertures de pirtières intempestives, les voitures garées sur la « piste cyclable » notamment un certain camion de La Poste…) puis vient la traversée Médiathèque-gare la matérialisation de la piste au sol est quasi effacée (ma fille s’y est fait renverser au 2ème passage, heureusement seul le vélo a été endommagé) puis on doit partager le cheminement avec les piétons ( ce qui ne me gêne pas car je m’adapte, mais n’est pas très idéal). Ensuite, il faut traverser l’avenue de Paris et là c’est comique : les voies supposément destinées aux cyclistes sont si étroites que c’est l’accrochage assuré avec le mobilier urbain : de quel cerveau embrumé est née cette conception ? Donc il faut traverser avec les piétons pour retrouver une piste mais pas tout de suite hein! C’est mieux quand il faut cacher un peu. Ensuite, vient la vraie piste zigzagant sous Place d’Arc où se plantent sans vergogne des piétons et même parfois la police municipale que même quelques mots polis ne peuvent déloger… La traversée de la place Albert 1er est à l’image du reste. Après ne cherchons plus de piste cyclable : n’en a plus. Donc entre gare ferroviaire et gare routière : gare à nous Après tout ça, j’arrive soulagée au bureau ou énervée par les incivilités des uns et des autres. Ce doit être le sort de beaucoup d’entre nous et ce n’est absolument pas normal. Pardon pour ce post un peu long que nos édiles ne liront pas, mais j’avais besoin de vider mon sac à dos. Bonne journée

  5. Une très belle piste cyclable aussi du Pont Royal jusqu’au Pont Thinat sauf que de nombreux cyclistes préfèrent slalomer parmis les piétons …

  6. Stop aux débats politico-ecolo qui nous fatiguent et ne font en rien avancer les solutions !!
    Prenez plutôt votre voiture et allez voir par curiosité dans un Pays comme les Pays-Bas par exemple (6 heures de voiture !) comment sont organisées les voies pour les cyclistes ! Il suffit de faire la même chose ……. Nous en sommes très très loin !!!

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