[Billet d’humeur]
Ouvrir le Printemps de Bourges – Crédit Mutuel par Jean-Louis Aubert et son Autre Monde, voilà bien un signe de la renaissance de la scène française d’après pandémie. Le festival berruyer a débuté par un inventaire à la Prévert : une jauge spectateur réduite, des salles “covidisées”, un public masqué, des chanteurs heureux d’être contents, une fosse sans barrières, et toutes sortes de choses. Un autre Monde peut-être, mais pas complètement puisque, comme d’ hab, pour le Printemps, il pleut sur Bourges !
“Ma pauvre Cécile, je n’ai pas 73 ans. Enfin, c’est pas pour tout de suite. Même si j’ai mon rhumatisme qui devient gênant, je n’ai jamais été chanteur. Quant au gros ceinturon et la chemise ouverte sur un médaillon, et la kermesse à Saint-Georges, ça ne me dit rien pour le moment.” Et pourtant, souvenirs, souvenirs, le Printemps de Bourges-Crédit Mutuel d’après 3e vague Covid a repris des couleurs de Printemps de Bourges (PdB) d’avant. Un Printemps tout court. Un PdB d’hier ou de demain, c’est à voir. Un PdB autrement, c’est certain.
Dans la file d’attente pour entrer dans le palais d’Auron, rebaptisé Palais Royal pour l’occasion, les larges pépins étaient ouverts au-dessus de têtes chenues, de jeunettes aussi. Malgré le ciel insipide, digne d’un printemps de Bourges se déroulant au printemps, les heureux bénéficiaires de billets pour le double concert d’ouverture de l’édition 2021 du PdB étaient bénaizes. Masqués comme des concombres de Mandryka, ils et elles étaient là pour ne pas bouder un plaisir enfin partagé plutôt que solitaire au fond de leurs canapés. Un jeunot pour faire la préouverture, Noé Preszow. Un peu plus expérimenté, Jean-Louis Aubert, pour l’appel de Une des journaux du lendemain.
Un belge pas comme les autres… ou pas
Noé Preszow est Belge. Par principe, il doit manger des frites, boire de la bière, faire généralement sa petite commission en public au coin de rues de Bruxelles, chanter et écrire des textes comme Jacques Brel. Ça c’est pour le commun des mortels.
Noé Prerszow est, en l’espèce, une manière de ces Belges manieurs de mots, de phrases, de sons, et d’ambiances propres au plat pays. Un peu comme Stromae mais pas pareil. Un peu comme Angèle mais pas pareil. Un peu comme Brel, si on veut, mais pas pareil non plus. Noé a commencé à construire son arche depuis Que tout s’dance a dépassé le million de vues sur YouTube l’année dernière et a été nominé aux Victoires de la musique 2021 dans la catégorie Révélation Masculine. Le premier album À nous est sorti au début de ce printemps. En cale sèche pandémique depuis plusieurs mois, le Printemps de Bourges devrait, logiquement, lancer le navire sur le flow des festivals de cette année. Le gars est bon, même tout seul sur les planches, même avec un musicos pour faire la paire.
Un an après son opération du cœur, une malformation de naissance, l’ex-Téléphone a fait voler en éclats les dernières retenues sanitaires à coups de New York avec Toi, d’Argent trop cher ou d’Un autre monde. Des classique certes, repris en chœur à chœur, mais pas que. Plâtre et ciment qui devient Déconfinement ! Pour une entame d’après crise, voilà qui ne pouvait donner que le bon ton d’une prestation vitaminée.
Promenons-nous dans la fosse pendant que…
Les consignes étaient pourtant claires : on a le droit de se lever de son siège pour se secouer la boule, bouger les jambes, les bras mais pas dans la tronche de son voisin ou de sa voisine, et pas plus. Alors, les services de Roselyne Bachelot aurait dû prévoir que Jean-Louis Aubert, c’est pas parce que c’est ma classe (66 ans), qu’il joue en fauteuil roulant. On peut estimer à une petite dizaine de minutes le temps nécessaire pour que les amateurs du troisième rang et des gradins rejoignent le devant de la scène. Comme dans les années soixante-dix du siècle dernier. Deux minutes quarante-cinq pour les deux premiers rangs ! Tous ceux-là n’ont pas attendu le 1er juillet pour passer à l’acte du concert debout. Et là, pas question d’éjecter ce monde-là avec une grenade de désencerclement comme dans une rave de Bretons probablement zadistes. C’est que c’est gens-là sont en âge de voter la REM pour les prochaines élections. Alors, on ne sait jamais.
Jean-Louis Aubert, de coeur à choeur, pour le retour sur scène d’Un autre monde. Photo Fabrice Simoes
Voilà c’est fini, pour terminer cool Raoul. Voilà c’est fini, avant d’aller voir dehors comment ça se passe un Printemps de Bourges version réduite. Version vivante quand même.
D’accord, on sort de concert alors que la nuit n’a pas encore chassé le jour. Un PdB fin juin, quand les jours sont les plus longs, associé à un couvre-feu à 23h00 (au moment de la programmation), ça change sacrément la donne. Cependant, qu’est-ce que ça fait du bien d’être face à une scène mieux éclairée que le sapin de Noël du Rockfeller Center, et de se faire péter les oreilles par une barre de son réglée autrement que le home cinéma du salon.
La vraie vie quoi …
Fabrice Simoes