[Billet] Avec 66,74 %, la France vient de battre un triste record, celui de l’abstention à des élections (hors référendum). (1) Et encore, à ce nombre convient-il d’ajouter les personnes qui ne sont pas inscrites sur les listes électorales (estimées à 10 % du corps électoral).
Cette situation pose plusieurs problèmes. D’abord celui de la légitimité des équipes élues avec des scores souvent inférieures à 20 ou 25 % des inscrits. Certes la démocratie a parlé mais quid des politiques qui seront conduites ? Non partagées, elles peuvent être remises en cause comme on l’a vu avec les Gilets jaunes qui ont rejeté, par la violence, la hausse du prix des carburants et la limitation à 80 km/h notamment.
On se souvient alors de la phrase d’Abraham Lincoln, père de la démocratie américaine : « L’adhésion populaire est essentielle. Avec l’adhésion populaire, rien ne peut échouer ; sans elle, rien ne peut réussir ».
L’abstention, c’est surtout un risque lourd pour la démocratie. Celui de porter au pouvoir des parties extrêmes qui remettront en cause le pacte républicain. On se souvient que les nazis sont arrivés au pouvoir dans la stricte légalité républicaine en 1933. La dérive totalitaire est toujours sous-jacente au sein de ces mouvances dont les membres sont tentés de suivre l’homme providentiel, leader maximo, duce ou führer.
Les raisons de l’abstention sont naturellement multiples. Le risque sanitaire qui aurait inquiété certains (en particulier les plus âgés) est l’arbre qui cache la forêt. Les raisons sont plus profondes et d’ordre culturelles. L’individualisme a pris le pas sur le sens civique. Et, il est de bon ton de critiquer une classe politique, soit disant « hors sol et énarchisée » qui n’agirait pas pour le peuple mais pour ses propres intérêts. Relativisme et insatisfaction permanente sont sans conteste des maux français.
Chez les jeunes, la non-participation n’est pas nouvelle. Est-elle plus inquiétante aujourd’hui ? A 20 ans, la vie politique n’est pas très sexy et les jeunes préfèrent s’engager dans les mouvements pour les droits sociaux, l’égalité ou le climat, comme on l’a vu récemment.
« Ça fait un moment que je ne vote plus car les promesses ne sont jamais tenues »
Le rejet d’une classe politique qui démontre mal sa capacité à gouverner, à lutter contre le chômage ou réduire les inégalités est sans conteste une autre raison. S’abstenir serait ainsi un moyen de s’exprimer, hors des urnes. Pourtant, la France n’est-elle pas un pays riche, 6e puissance économique mondiale, dotée d’un des systèmes de sécurité sociale les plus protecteurs au monde où les droits individuels et collectifs sont nombreux ?
D’aucuns disent que l’atténuation des clivages idéologiques – « droite et gauche, c’est bonnet blanc et blanc bonnet » – serait aussi une raison. A voir. Ce qui est certain, c’est que l’absence d’études, ainsi que le fait d’appartenir aux classes populaires sont autant de facteurs qui favorisent l’abstention.
La France (toujours) en colère
Alors la France est-elle en colère ? La non-participation porte- t-elle en germe une nouvelle explosion sociale ? Tout dépend de la façon dont on regarde le verre. Les bons scores des équipes sortantes en passe d’être réélues dans toutes les régions, illustrant l’engagement des élus au service des territoires et de nos concitoyens, démontreraient le contraire. Car oui en effet, contrairement aux allégations des contempteurs de tous poils, les équipes sortantes ont travaillé et fait avancer le vivre ensemble. L’abstention ne serait-elle alors qu’indifférence envers des élus régionaux et départementaux éloignés du quotidien des Français ?
Comme disait Churchill, « la démocratie est un mauvais système mais elle est le moins mauvais de tous les régimes » et surtout le plus respectueux des libertés dont celle de voter. Alors dimanche prochain, allons tous dans les bureaux de vote mettre un bulletin dans l’urne. Même un blanc qui pourtant n’est pas comptabilisé ! L’avenir démocratique de notre nation ne vaut-elle pas une heure de son temps ?
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Jean-Luc Vezon
(1) 69,8 % d’abstention au référendum sur le quinquennat du 24/09/2020.