Ce mardi soir à la Scène Nationale d’Orléans, retrouvailles réjouissantes avec le chorégraphe Jean-Claude Gallota. Dix danseurs déroulent avec une énergie magnifique le spectacle mis en ordre par Gallotta sur une musique très élaborée de Burger. Plusieurs parties, la première très narrative, les suivantes plus abstraites. Le maître vient même au milieu faire une apparition. Reprise de soirées de spectacle tout a fait remarquable qui a fait un immense plaisir au public à nouveau rassemblé.
La jauge permise n’a pas empêché le public d’être là, vraiment. Après les annonces des intermittents, qui rappelaient leur revendication majeure, le retrait du projet sur le chômage, le noir est descendu dans cette salle de spectacle retrouvée.
Fond de scène très space, mariage d’eau et de feu, neuf figurines ont commencé la danse dans un silence total, juste le bruit de leurs pas. Et puis la guitare et la voix de Rodolphe Burger, plus velvet que jamais, a pris le relais des bruits. Danseurs cagoulés, silhouettes venues d’ailleurs, aviateurs futuristes rétro qui, dans de prenants mouvements d’ensemble, lançaient leur bras pour apprendre à nager, frétillaient des jambes, tournaient les uns autour des autres, dansaient, dansaient, comédie musicale réglée au millimètre qui pourtant donnait un sentiment de liberté totale. Figurines non genrées, ils ont enlevé leur veste et sont devenus des sucres d’orge adorables dans les costumes choisis par Dominique Gonzalez Foerster, robots danseurs très attirants qui dessinaient des images harmonieuses, construisaient des dispositions justes, diffusaient une énergie puissante. Décagoulés, ils sont lentement revenus dans notre monde, dans cette salle Touchard enfin rouverte qui vibrait du spectacle.
Changement de fond. Le maitre Gallotta, étrange figure, a esquissé quelques pas, quelques petits sauts, des chassés, pour dire son amour de la danse. Puis la troupe a repris ses droits dans un agencement de moments collectifs coupé de pas de deux savants, revenant à une facture plus « classique ». Ou plutôt à ces innovation des années 60 ou 70, ces années d’explosion de la danse moderne pendant lesquelles Gallotta a appris auprès de Merce Cunningham.
On n’est plus dans de la narration, mais la musique de Burger, faisant une part magnifique à la guitare électrique, assure la continuité du spectacle. Aucune histoire ne se dessine, aucune ambiance particulière, juste de la danse quasi pure. Les moments collectifs, les plus immédiats, fascinent par leur harmonie. Les pas de deux, plus complexes, demandent une plus grande attention. Mais l’énergie des danseurs.euses, impressionnante, emporte totalement. Le soin de la construction scénique classe ce travail remarquable parmi les grands moments de la danse contemporaine. Sa raison d’être, au fond, est sans doute celle que Gallotta lui-même montrait sur scène, juste l’amour de la danse, la beauté du mouvement, l’harmonie de corps faisant jouer leur énergie dans une orchestration plus forte que la présence de chacun.
Ouf ! Quelle leçon de plaisir pour la reprise des spectacles.
Bernard Cassat
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Groupe Émile Dubois / Cie Jean-Claude Gallotta
Chorégraphie Jean-Claude Gallotta
Musique Rodolphe Burger
Assistanat à la chorégraphie Mathilde Altaraz
Interprétation Axelle André, Naïs Arlaud, Ximena Figueroa, Ibrahim Guétissi, Georgia Ives, Bernardita Moya Alcalde, Fuxi Li, Jérémy Silvetti, Gaetano Vaccaro, Thierry Verger, Jean-Claude Gallotta
Dramaturgie Claude-Henri Buffard
Textiles, couleurs Dominique Gonzalez Foerster
Assistée de Anne Jonathan
Scénographie Dominique Gonzalez-Foerster, Manuel Bernard
Lumière Manuel Bernard
Photos: Joseph Caprio