Jeanne Dark, c’est le récit d’une révolte, la révolte d’une jeune fille de bonne famille orléanaise qui à seize ans fait exploser le carcan qu’impose l’écart entre une certaine image imposée de soi et le désir impérieux d’exister en brisant les codes et convenances familiales.
Jeanne Dark-c marion siefert
Car tout est affaire d’image dans ce récit à la première personne, confession exaltée qui brûle les tabous de l’adolescence, entre l’intimité du corps et sa représentation familiale et sociale. Seule, sur une scène totalement blanche, Jeanne qui a eu la mauvaise idée d’appeler son compte Instagram “Jeanne Dark”, veut répondre en live à ceux qui se moquent de ce pseudo de la “pucelle”. Son téléphone portable en main en mode selfie, elle explore sa propre vie, son lien à la religion et à la famille dans une véritable dislocation de son visage sur les écrans Instagram disposés de part et d’autre de la scène et de son propre corps sur scène. Dans une chorégraphie décapante, elle explore toutes les ressources visuelles de cet outil pour se déconstruire dans une fragmentation de son intimité qui atteint une intensité dans la fulgurance entre le texte in(can)descent et l’image d’un visage devenu tragique par sa déformation.
Une performance dérangeante qui ouvre directement l’interrogation, (et c’est bien là le rôle du théâtre), sur l’usage d’un outil médiatique qui expose l’intimité aux regards anonymes, nouvelle forme de catharsis où les spectateurs absents commentent une confession sans absolution, pour rester dans le vocabulaire décalé de Jeanne.
Gérard Poitou
Jeanne Dark, une fenêtre ouverte sur Instagram
Le spectacle vu sur Instagram
La pièce se déroule sur scène et simultanément en live sur le réseau social Instagram. Sous le pseudo @_Jeanne_dark_ , le personnage se dévoile passant du portrait d’une adolescente mal dans sa peau racontant ses problèmes et humeurs à une désinhibition de plus en plus forte, à travers les jeux de cadrage. Avec cette particularité, l’actrice, qui tient elle-même son téléphone portable à bout de bras tout au long de la représentation, invite ses followers directement dans la pièce de théâtre. Ces internautes participent à distance également au spectacle à part entière.
Jeanne Dark interroge à plusieurs reprises son auditoire numérique, notamment sur le rapport à la religion ou au corps. Une interaction qui dépend toutefois des représentations. Ainsi, ce mercredi soir lors du live de sa première représentation à Orléans (Loiret), le nombre de spectateurs connectés oscillait entre 40 et 50. Elle a eu l’occasion de répondre à @linhafranca qui lui suggérait : « Il faut changer de mère » par un « Je ne sais pas comment on fait pour changer de mère » humoristique. Quelques commentaires aussi lors que Jeanne Dark les prend à partie pour leur demander s’il y a parmi eux des croyants. Mais l’assemblée issue d’Instagram est globalement restée bien silencieuse jusqu’au final où les emojis d’applaudissements ont rempli le chat avec des messages de remerciements, comme le résume @rootsista : « Pur plaisir de (sic) cette expérience Instagram ».
A noter toutefois que le compte Instagram a été victime d’un « shadow ban » et d’une censure d’un spectacle de la part d’Instagram par le passé.
Delphine Toujas
“Jeanne Dark”
Conception, écriture et mise en scène Marion Siéfert
Collaboration artistique, chorégraphie et performance Helena de Laurens
Collaboration artistique Matthieu Bareyre
Conception scénographie Nadia Lauro
Lumières Manon Lauriol
Son Johannes Van Bebber
Vidéo Antoine Briot
Costumes Valentine Solé
Maquillage Karin Westerlund
Accompagnement du travail vocal Jean-Baptiste Veyret-Logerias
Harpe baroque Babett Niclas
Régie générale Chloé Bouju
Développement et accompagnement de Ziferte Productions Cécile Jeanson, Bureau Formart
CDN Orléans jusqu’au 28 mai 18 h 30
Sur scène et sur Instagramhttp://www.cdn-orleans.com/