Hier, le maire LR d’Orléans, Serge Grouard, essayait d’instrumentaliser les commémorations johanniques sur une chaîne télévisuelle publique. Aujourd’hui, c’est la députée LREM d’Orléans-Ouest, Caroline Janvier, qui défend le port du voile pour une candidate aux élections départementales dans le département de l’Hérault.
Dans une lettre ouverte, que Magcentre publie dans son intégralité, le Laboratoire Loiret de la Laïcité, associé à l’Union des Familles Laïques du Loiret, apostrophe la députée.
Orléans le 13 mai 2021
Madame la Députée,
Vous avez récemment défendu la présence d’une candidate musulmane voilée sur une affiche de campagne de votre parti politique, La République en Marche, dans l’Hérault.
Si votre prise de position est juridiquement inattaquable, elle nous semble politiquement, sociologiquement et philosophiquement extrêmement contestable.
Vous avez évidemment juridiquement raison de soutenir le droit de cette candidate à se vêtir comme elle l’entend et de manifester en public ses convictions religieuses. Aucune loi, et certainement pas celle de 1905 qui a consacré la séparation des Églises et de l’État, ne restreint, sauf outrage à la pudeur ou dissimulation du visage, le droit de se vêtir à sa guise dans l’espace public.[1]
Mais au-delà de la considération juridique, une élue du peuple à l’Assemblée nationale ne saurait réduire le principe constitutionnel de la laïcité à un seul cadre législatif et sa jurisprudence. Vous savez que c’est l’histoire de la France et celle de la philosophie des lumières.
C’est pour cela que nous craignons que vous ayez politiquement tort de soutenir cette cause, non pas d’ailleurs au seul nom d’une laïcité qui serait mal interprétée, mais aussi et surtout en fonction de la signification de cet affichage au regard du droit des femmes.
Vous ne pouvez pas ignorer que le voile dit « islamique » dont se pare la candidate montpelliéraine de votre parti, est un symbole plus politique que religieux, qu’elle porte en connaissance de cause, ou pas.
Kahina Bahloul, première femme imame de France, le dit très clairement « Le voile n’est pas une obligation religieuse ».
Il s’agit d’un marqueur identitaire fort, promu par les courants politiques extrémistes se revendiquant d’un islam des origines (Salafistes, Frères musulmans, mollahs chiites iraniens, …). Et sa signification est sans ambiguïté. Elle matérialise la soumission des femmes, non pas à un Dieu universel (qui sinon aurait certainement eu des exigences de même nature vis-à-vis de l’autre part de l’humanité), mais la soumission aux hommes, mâles dominants.
Aucun parti politique républicain et a fortiori progressiste ne peut donc cautionner une telle infériorisation des femmes, quand bien même certaines d’entre elles y apportent une caution… en connaissance de cause, ou pas.
Il ne s’agit donc pas en la circonstance d’une question de bonne ou de mauvaise application du principe républicain de laïcité… comme de vrais anti-laïques (d’extrême droite ou intégristes religieux) semblent vouloir en faire le centre d’un mauvais débat.
Si effectivement en France, grâce à la laïcité, chacun peut exprimer sa religion dans l’espace public, dans le respect de l’ordre public, la stratégie de certains fondamentalistes religieux est justement de troubler la paix sociale pour ensuite se victimiser et favoriser les replis communautaristes sur lequel ils prospèrent.
La laïcité existe pour mettre notamment un terme aux passions tristes. Son objectif est de trouver un espace apaisé pour constituer un commun de citoyens, égaux en droit, et non pas des représentants de communautés, quelles que soient par ailleurs ces communautés.
Nous restons bien sûr à votre disposition pour échanger sur ce sujet sensible, si vous le souhaitez, et nous vous prions de croire, Madame la Députée en nos très républicaines salutations.
Gilles Kounowski
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Sébastien Colin
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Président du Laboratoire Loiret de la Laïcité
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Union des Familles Laïques du Loiret
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1 : « Le silence du projet de loi au sujet du costume ecclésiastique […] n’est pas le résultat d’une omission mais bien au contraire d’une délibération mûrement réfléchie. Il a paru à la commission que ce serait encourir, pour un résultat plus que problématique, le reproche d’intolérance et même d’exposer à un danger plus grave encore, le ridicule, que de vouloir par une loi qui se donne pour but d’instaurer dans ce pays un régime de liberté au point de vue confessionnel, imposer aux ministres des cultes l’obligation de modifier la coupe de leurs vêtements […] » Aristide Briand pendant le débat du projet de loi du 9 décembre 1905.
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