Wow Punaise !

Peu d’intérêt suscité chez les spécialistes, mauvaise réputation auprès du public… Nous savons peu de choses sur les punaises et encore moins sur celles du Loiret. Qu’à cela ne tienne ! Trois entomologistes professionnels et un amateur passionné ont décidé de les regarder de plus près et d’étudier plus spécifiquement le groupe des Pentatomoïdes. Fraîchement sorti, le livre Les punaises du Loiret apporte un éclairage inédit sur ces insectes méconnus dont une nouvelle espèce exotique, ravageuse des fruitiers, risque d’ici peu de faire parler d’elle dans le Centre-Val de Loire.

Jean-David Chapelin , Michel Binon, responsable des collections du Muséum d’Orléans pour la Biodiversité et l’Environnement (MOBE), Jean-Claude Gagnepain, membre de la So.MOS (Société pour le Muséum d’Orléans et les Sciences), et Julie Leroy, chargée d’études éco-entomologiques. Photo A. Lévêque

Rhaphigaster nebulosa. Voici la punaise la plus connue de nos maisons et jardins. « C’est à cause d’elle si l’on a cette image des punaises malodorantes », m’expliquent Jean-David Chapelin-Viscardi, éco-entomologiste orléanais, et Jean-Claude Gagnepain, entomologiste amateur de Sologne, deux des quatre auteurs de Les punaises du Loiret (Ed. L’Entomologiste — So.MOS). Il faut dire qu’étymologiquement, punaise vient du latin putere « puer » et nasus « nez »… « Cette odeur n’est autre qu’une phéromone défensive pour éviter d’être prédatée ». Mais la plus visible, c’est Graphosoma italicum ou punaise arlequin, « on la voit bien car elle est rouge et c’est celle pour laquelle nous avons le plus de données », complète Jean-David.

5 ans de travail et 30 ans de données

Car côté données sur les Hémiptères pentatomoïdes, le Loiret pêchait un peu. « Sur 36 000 espèces d’insectes qui existent en France, les entomologistes allaient plus volontiers aller vers les papillons…, explique Jean-David. Par ailleurs, les connaissances sur les punaises sont récentes, des années 2000. Avant, seule une vingtaine de spécialistes s’y intéressait sérieusement. Quelques synthèses existaient bien mais le Loiret y était peu cité, ou alors avec des manques, des espèces pas indiquées. Autant de connaissances que nous avons pu acquérir ces dernières années ». L’idée ? Faire le point des espèces existantes sur le territoire : où sont-elles localisées ? Existe t-il des espèces rares ? À quelle période les observe t-on ? Tout ce qui permet de renseigner les naturalistes et le public. Au final, cinq ans de travail à quatre personnes –  Jean-David Chapelin Viscardi, responsable du laboratoire d’Éco-Entomologie d’Orléans, Michel Binon, responsable des collections du Muséum d’Orléans pour la Biodiversité et l’Environnement (MOBE), Jean-Claude Gagnepain, membre de la So.MOS (Société pour le Muséum d’Orléans et les Sciences), et Julie Leroy, chargée d’études éco-entomologiques – et l’étude de 30 ans de données (So.MOS, LEE, MOBE, MNHN, associations naturalistes…) ! « Une première liste de ce groupe de punaises avait été décrite dans les collections du MOBE à la fin du XIXe siècle dans laquelle il y avait des espèces signalées qu’on ne retrouve plus aujourd’hui. Huit espèces n’ont pas été retrouvées dans le Loiret alors qu’elles figuraient dans les monographies comme Aelia rostrata ou Palomena viridissima. Pour autant le top 15 des espèces les plus communes ne sera pas dérangé par une quelconque menace. »

Dolycoris baccarum est l’une des punaises les plus répandues dans le Loiret. ©Alain Ascencio-Parvy

Des carapaces étonnamment belles

Ainsi, sur 82 espèces existantes en région Centre-Val de Loire, 66 ont été recensées dans le Loiret grâce à des points de collecte répartis sur 60% des communes, territoire où elles sont les plus nombreuses avec l’Indre-et-Loire. Peu attirantes au regard de leur aspect trapu et souvent terne, certaines d’entre elles revêtent cependant des carapaces aux dessins géométriques étonnamment colorés et aux reflets brillants, allant du vert au rouge, en passant par le bleu, le jaune, le beige… Des insectes piqueurs-suceurs, phytophages principalement, de 3 à 15 mm qui vivent aussi bien en zone sableuse qu’humide, urbaine ou agricole. Leur caractéristique ? « Les punaises volent mais n’ont pas d’élytres, expliquent Jean-Claude Gagnepain. Elles possèdent une carapace en partie membraneuse comme les coléoptères, et opèrent des mues successives se métamorphosant sans cesse avant l’âge adulte ». Quant à leur intérêt écologique, il réside dans le fait que ces punaises peuvent être des indicateurs de conditions de vie bénéfiques à différentes espèces d’insectes. « Des données dont ont besoin de connaître les gestionnaires d’espaces naturels pour préserver tel ou tel milieu lors des plans de gestion », souligne Jean-David Chapelin Viscardi.

L’arrivée d’une ravageuse…

Les punaises en question ne sont pas des ravageurs de récoltes. Mais une nouvelle espèce exotique (Asie) a fait son apparition dans le Sud de la France : Halyomorpha halys, alias la punaise diabolique. « Elle pique les fruits (pommes, poires, pêches) entraînant une grosse déformation et une décoloration qui rendent les fruits invendables sur le marché, explique Jean-David. Elle a été découverte en 2020 dans le Loiret et inquiète vraiment les arboriculteurs du Val de Loire. » Une nouvelle venue dans la cohorte des espèces issues du commerce mondial qui ne doit pas pour autant ajouter à la mauvaise réputation de ces Hémiptères mais au contraire susciter une envie d’exploration dans nos parcs et jardins et de sensibilisation sur cette famille d’insectes méconnus.

Estelle Boutheloup

A paraître en janvier 2022, Abeilles et guêpes du Loiret dans cette même collection « Insectes & Territoires ».

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