Avec la candidature de Marc Fesneau, le panorama électoral, pour les scrutins du 20 et 27 juin prochains, semble aujourd’hui complet avec sept listes en lice. Mais l’issue du scrutin est plus que jamais incertaine. Si hier le rassemblement de la gauche et des écologiques tenait la corde pour le 27 juin, les pronostics sont plus que jamais réservés avec un duel probable PS-écologistes-LFI, contre LR-Modem-LaRem. Et cela alors que le Rassemblement National attend en embuscade.
Ce qui n’était qu’un secret de polichinelle est devenu vérité vendredi : Marc Fesneau le ministre Modem des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne a officialisé sa candidature la tête d’une liste « centriste » ou « gouvernementale ». Le Loir-et-chérien apparaît pour certains comme la seule possibilité de victoire d’un candidat soutenu par François Bayrou et Emmanuel Macron. C’est peut-être aller un peu vite en besogne même si un récent (et gentil) article du Monde (où le seul élément d’information était que M. Fesneau était devenu un adepte de la chasse à l’arc…) le présentait comme un président possible de la région Centre. A son actif : une image de rassembleur du centre et de la droite (il menait la liste en 2015 avec Philippe Vigier et Guillaume Peltier) et un homme ancré dans son territoire. Au passif une image d’homme politique un. Peu lisse, aux convictions mal ancrées et un soutien affirmé du parti gouvernemental mal en point qui le voit comme une bouée de sauvetage électoral.
LaRem avec LR ?
Quel que soit son score Marc Fesneau pourrait bousculer le jeu électoral du moins au second tour. Car il est utile de le dire : homme de centre-droit Marc Fesneau ne peut réussir son pari qu’en s’alliant au second tour avec Nicolas Forissier la tête de liste Droite-LR. Si la gauche refuse par avance toute alliance avec Marc Fesneau, Nicolas Fosrissier se garde bien de couper les ponts et d’insulter l’avenir. De son côté Marc Fesneau a déjà posé de premiers jalons.
Dans sa lettre de candidature vendredi, il s’est inscrit contre l’actuelle majorité de gauche : « Depuis près de 25 ans, écrit-il, c’est-à-dire une génération, la même équipe est en place. Sans caricaturer son bilan, force est de constater que cette manière de gouverner, enlisée dans des équilibres politiques impossibles, pour ne pas dire contradictoires, a fait son temps ».
Rappelons que lors du dernier scrutin en 2015 la liste PS-EELV conduite par François Bonneau avait obtenu au second tour 35,4% des voix, celle de droite menée par Philippe Vigier 34,5%. Marc Fesneau pourrait donc donner un coup de pouce plus qu’appréciable à un rassemblement droite-centre conduite par lui ou Nicolas Forissier. Ce rassemblement est d’autant plus probable que le retrait du très droitier LR Guillaume Peltier, qui fait figure d’épouvantail pour des centristes, ouvre bien des portes.
François Bonneau esseulé ?
C’est du moins la position défendue par la tête de liste Rassemblement National, Aleksandar Nikolic : « M. Forissier veut s’entourer de candidats 100% Macron-compatibles afin de préparer la fusion avec la liste de La République En Marche au second tour de l’élection (…). Les électeurs de droite méritent de la clarté ! Si M. Forissier souhaite s’allier avec la majorité gouvernementale, qu’il la rejoigne dès le premier tour en faisant liste commune avec M. Fesneau ! »
Ce rassemblement droite\Modem est aussi souhaité par le maire d’Olivet Matthieu Schlésinger (DVD) qui devrait être en bonne position sur la liste centriste dans le Loiret : « S’il n’y a pas de rassemblement droite-centre alors ce sera la porte ouverte à une victoire de la gauche ou du RN ». Mais à droite comme à gauche une fusion de listes au second tour suppose des marchandages, des exclus et des déçus avec des candidats partis à la bataille du premier tour mais laissés ensuite sur le bord du chemin.
La victoire, le sortant François Bonneau y croit encore. Certes le PS part un peu seul avec le maigrichon renfort communiste. Sa notoriété (une des plus faibles en France parmi les présidents de conseils régionaux) joue à son passif alors qu’à l’inverse son bilan est loué par des élus et des acteurs bien au-delà du champ socialiste.
Les écologistes croient à la victoire
Mais peut-il atteindre 24% des voix comme au premier tour de 2015 ? Pas sûr car il aura en face de lui six listes et surtout l’écologiste Charles Fournier (appuyé par la France Insoumise) qui, porté par la flamme électorale des dernières élections européennes et municipales se croit en position de force pour arriver devant François Bonneau le 20 juin et donc pour conduire la liste de rassemblement gauche-écologistes au second tour.
Mais le scrutin régional est peut-être moins porteur pour les écologistes que les élections européennes ou municipales où l’influence « bobo » et le vote citadin pouvaient apparaitre décisifs. Charles Fournier opposé à des rassemblements rose-rouge-vert menés dans d’autres régions comme les Hauts-de-France choisit donc de faire cavalier seul au risque là encore de favoriser des listes émergentes. Et notamment celle « La France autrement » initiée par Gildas Viera, ancien adjoint du maire socialiste Marc Gricourt à Blois mais devenue « démocratie écologique » coanimée par Jérôme Clément et Christelle de Crémiers.
Aventures individuelles
L’un est entrepreneur dans le Loiret et ancien animateur national des Gilets Jaunes, l’autre, écologiste, est l’actuelle 11ème vice-présidente déléguée au tourisme, aux terroirs et à l’alimentation dans la majorité de François Bonneau. Cette liste un peu attrape-tout réputée « sans étiquette » a vocation à rassembler des « citoyens », la « société civile », des écologistes et des centristes adeptes d’une « révolution citoyenne et pacifique ». EELV a d’ailleurs senti le danger en dénonçant « l’aventure individuelle » de son ancienne élue.
Cela dit les élections régionales se traduisent souvent par des « aventures individuelles ». C’est ainsi vrai dans le Loiret où Jacques Martinet, ancien président départemental LR a claqué la porte après que sa promise seconde place sur la liste départementale conduite par Constance de Pélichy lui ait été retirée au profit de l’ambitieux et entreprenant Florent Montillot (UDI).
Tout cela rend particulièrement incertain le résultat du scrutin. Mais il est un fait acquis : le Rassemblement National (30% en 2015) peut aussi jouer les troubles fêtes et pourquoi pas envisager une victoire dans l’hypothèse d’une absence de rassemblement à droite et à gauche.
L’inconnue de la participation
Certes sa tête de liste, le jeune Aleksandar Nikolic, est inconnue au bataillon. Mais à l’extrême droite il suffit d’imprimer le visage de Marine Le Pen, de fustiger l’insécurité ou l’immigration sauvage « vivier du terrorisme musulman », pour attirer les bulletins de vote par milliers.
Dernier élément d‘incertitude : le taux de participation qui pourrait tout bousculer. En 2015 49,5% des électeurs s’étaient déplacés au premier tour et 59% au second tour. Des scores qui font aujourd’hui rêver et que plus personne n’attend. Les meilleurs pronostics tablent sur une participation comprise au mieux entre 30 et 40%, ce qui interdit tout extrapolation.
A l’exception de Farida Megdoud (liste Lutte Ouvrière) de nombreux candidats peuvent aujourd’hui rêver d’une victoire : le RN qui surfe sur une vague nationale porteuse, le PS avec un bilan concret à la tête de la région, les écologistes qui espèrent voir se renouveler leurs bons résultats des derniers scrutin, LR-UDI qui mise sur une participation soutenue de son électorat âgé et rural et Modem/LRem porté par un candidat jeune et à la bonne image. Le suspense est donc total.
Jean-Jacques Talpin
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