La transition vers un monde de l’énergie décarbonée entre lentement dans les faits. Dans ce contexte, pour réduire les émissions de CO2, l’hydrogène (H2) séduit. Afin de permettre le développement de l’hydrogène vert, la Commission européenne propose des investissements massifs qui pourraient atteindre 470 milliards d’euros d’ici 2050. La France a lancé un plan d’action en 2018. A l’horizon 2030, le gouvernement français engage 7 milliards, dont 2 milliards d’ici 2022. Le Conseil régional du Centre Val de Loire n’est pas en reste. Il devrait mobiliser 9,9 millions pour financer les écosystèmes hydrogène en région. La production d’hydrogène devient une ressource écologique et une source à deniers publics.
Par Jean-Paul Briand
Les énergies renouvelables telles que l’éolien, le solaire, les énergies marines sont intermittentes. L’hydrogène est un vecteur capable de stocker de l’électricité qui sera ensuite restituée à la demande ou lors des pics de consommation. H2, par une réaction inverse, via une pile à combustible, rend l’électricité emmagasinée en n’émettant que de l’eau. Cette solution, écologiquement idéale, nécessite de produire industriellement beaucoup d’hydrogène. L’H2 est manufacturé à partir d’autres éléments qui le contiennent. Les dispositifs actuels de fabrication d’H2 sont polluants. Ils font majoritairement intervenir des réactions occasionnant d’énormes quantités de gaz à effet de serre.
Le vaporeformage du méthane (49 % de la production mondiale), le reformage par oxydation partielle (29 % de la production mondiale), la carbo-réduction de l’eau par du charbon (18 % de la production mondiale) sont les procédés habituellement utilisés pour créer de l’hydrogène.
Le seul moyen vertueux disponible, permettant de générer de l’H2 décarboné, en quantité industrielle, est l’électrolyse de l’eau. Il est nettement plus onéreux, consomme beaucoup d’électricité qui doit être décarbonée et renouvelable pour produire un hydrogène authentiquement vert. Ce n’est pas le cas de l’électricité d’origine nucléaire, non renouvelable et qui fait courir de grands risques à la population. D’autres modes de fabrication existent mais ils sont encore très peu développés ou du domaine de la recherche.
L’hydrogène existe bel et bien sur la terre à l’état naturel
Dans sa séance plénière du 15 février dernier, le Ceser a planché sur la « Feuille de route pour le développement de l’hydrogène vert en Centre-Val de Loire ». Le rapporteur fut Jean-Paul Combémorel, diplômé de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires de Saclay et délégué régional EDF : un homme qui devrait bien connaître son sujet. Dans ses propos liminaires, il souligne « que l’hydrogène, élément chimique le plus léger, n’existe pas à l’état libre dans la nature ». C’est faux ! Ce haut cadre de l’énergie nucléaire, responsable du dossier hydrogène au Ceser Centre-Val de Loire, feint d’ignorer que l’hydrogène existe bel et bien sur la terre à l’état naturel, qu’il est produit en continu par la croûte terrestre et souvent exploitable à des coûts financiers raisonnables, sans épuiser la planète…
De l’hydrogène a déjà été trouvé dans le sous-sol français
L’hydrogène naturel (appelé natif par les géologues) est considéré à tort par certains comme une simple curiosité géologique et pour d’autres totalement inexistant sur la terre. Pourtant la présence du gaz hydrogène dans les milieux naturels est fréquente et en quantités non négligeables. Dès les années 1970, la production d’hydrogène au fond des océans est connue mais difficile d’accès. Depuis, des géologues ont découverts d’autres émanations d’H2 au cœur des continents et plus facilement exploitables : en Oman, Mexique, Nouvelle-Calédonie, Philippines, Turquie, Russie, Brésil, Islande, Mali, etc. Au Mali, dans le village de Bourakébougou une source naturelle d’H2 a été découverte fortuitement lors du forage d’un puits d’irrigation.
Plus de 25 sondages permettent désormais l’exploitation de l’hydrogène comme source d’énergie propre, alimentant directement des piles à combustible et fournissant toute l’électricité locale. De l’hydrogène a déjà été trouvé dans le sous-sol français. Ainsi, le premier gisement de gaz naturel exploité en France à Vaulx-en-Bugey, dans le département de l’Ain en région Auvergne-Rhône-Alpes, en contenait.
Une nouvelle ère énergétique est à notre porte
Avant de découvrir puis d’utiliser les grandes réserves de gaz, on fabriquait du gaz de ville en brûlant du charbon. Ce gaz industriel, particulièrement toxique, était plus cher et polluait bien plus que le gaz naturel qui l’a heureusement progressivement supplanté, malgré les doutes et des oppositions. Pour l’hydrogène natif, l’histoire se répète à l’identique…
Quand on cherche, on trouve et d’importants gisements d’H2 existent et attendent d’être exploités. Encore faudrait-il que les fabricants actuels d’hydrogène que sont les entreprises de gaz industriels, les firmes pétrolières et les producteurs d’électricité nucléaire, acceptent que cet hydrogène natif devienne une source d’énergie complémentaire et non un simple vecteur qu’ils peuvent continuer à manufacturer au prix fort.
Avec l’hydrogène naturel, une nouvelle ère énergétique est à notre porte. Espérons qu’une partie des fonds publics, récemment débloqués, aident à son essor…
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