Edward Perraud n’est pas du genre à se laisser abattre par un confinement. A la sortie de l’été dernier, il s’est enfermé en studio avec ses deux complices de longue date, le pianiste Bruno Angelini et le contrebassiste Arnault Cuisinier, pour enregistrer Hors temps, neuf compos qu’il a construites en début d’année. Eric Truffaz leur a rendu visite et joue sur deux plages.
On sait l’éclectisme revendiqué par Edward Perraud. On sait ses collaborations diverses, de Thomas de Pourquery ou Elise Caron à Jean-Pierre Drouet. On sait sa malice viscérale, son penchant poétique et son intelligence de la musique. Tout cela se retrouve dans cet enregistrement patronné par la Maison de la Culture d’Amiens et son Label Bleu.
Edward Perraud Photo Marit_Kytoharju
Un batteur compositeur
Il ne compose pas vraiment pour son instrument, mais trouve des mélodies magnifiques pour le piano sur lesquelles la batterie, parfois très discrète (Hors sol), remplit sa fonction de ponctuation, de mise en forme, de structure. Même si la vivacité de certaines plages (Hors piste) joue sur un rythme rapide qui détermine la mélodie. Et l’ambiance recherchée sur certains morceaux (Hors la loi) installe des moments presque clichés, que les trois instruments s’amusent à déconstruire. En dehors de la composition, dans le vif de l’action, Edward sait faire éclater ses tambours avec dextérité (Fer de lance), donner du gong (Firmament), ou rester dans une discrétion minimale et élégante (Chien lune).
Deux side men de très haute qualité
Edward Perraud et son trio avec Bruno Angelini à droite et Arnault Cuisinier au milieu Photo Vignille
Bruno Angelini au piano développe les mélodies en les enrichissant de fioritures toujours tenues et contrôlées (Edukation). On sent qu’il partage la même optique que le leader et leur accord est évident. Arnault Cuisinier, lui aussi dans la même veine et compagnon de route d’Edward, se glisse dans cette musique avec une facilité déconcertante. Quelques belles trouvailles à l’archet (Hors la loi ou Neguentropie) apportent une épaisseur mystérieuse prenante.
Truffaz, au son un peu noyé dans le souffle comme il en a l’habitude, joue ici la clarté. Sur Flower of skin, il trouve des accents à la Miles Davis d’une très belle efficacité. Et sur Neguentropie, il joue sans se poser de questions, se fondant dans le groupe pour une très belle réussite collective.
Hors et pourtant où il faut
Edward Perraud voulait « composer une musique à fleur de peau, méta-sensuelle, une musique vivante pour le moment présent ». Donc d’une certaine manière Hors temps, puisque le présent est insaisissable. Hors tout, ce qui lui va impeccablement, lui qui est hors des modes et des courants, mais en plein dans sa propre musique, dans sa propre recherche. Un enregistrement qui fait un plaisir fou, avec un livret de ses photos, puisqu’Edward est aussi photographe.
Bernard Cassat
www.edwardperraud.com/Home.html
brunoangelini.com/
https://www.laboriejazz.fr/artistes/arnault-cuisinier
http://www.eriktruffaz.net/
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