“Les jambes à son cou”, pour s’étrangler de rire avec Marie Lincourt

Inspirée par les conséquences de la pandémie du covid-19, Marie Lincourt nous offre pour ce printemps un bijou d’humour décalé, à l’esprit potache particulièrement riche en surprises de bon aloi, intitulé “Les jambes à son cou”. Quand le quotidien est peint en gris, il est bon de lire et de rire sans coup férir une histoire haute en couleur, sans se prendre la tête.

Le rire est le propre de l’homme, écrit Rabelais, alors comme je suis quelqu’un de propre, je ris beaucoup“, dit Marie Lincourt, collaboratrice de MagCentre, et déjà auteur de 13 ouvrages publiés chez différents éditeurs. Mais là, nous ne sommes pas dans un roman d’amour ou d’aventure proprement dit, bien que ces deux thématiques y cohabitent aisément dans la catégorie “roman humoristique” qui l’accueille chez les éditions Sydney Laurent. Et le titre est un paradoxe à lui tout seul, à l’image de tous les effets de style qui agrémentent cette histoire au fil de ses près de 300 pages : “Les jambes à son cou“. Vaste programme. Comment doit-on le prendre ? Ou plutôt les prendre ? Est-ce pour s’enfuir à leur approche, ou pour tenter de les suivre au gré des aventures picaresques, époustouflantes et très absurdes qui entraînent ses personnages d’un sordide quartier parisien au luxueux palais d’une ile située au milieu de nulle part ? Sans conteste, on y perdrait presque son latin, ou son lapin, omniprésent et poseur à souhait.

Bien que je soit une femme, j’apprécie particulièrement les calembours

La bourse ou la vie ! A cette injonction, Tony, un truand recherché, choisit de laisser les parties viriles de son agresseur sur le pavé, après lui avoir sectionnées avec le poignard dont il ne se départit jamais ! S’ensuit une cavale folle à laquelle s’adjoignent au fur et à mesure de multiples personnages tous plus déjantés les uns que les autres, chacun ayant son propre langage“. Marie Lincourt vous a prévenu d’entrée, comme elle le précise aussi dans une vidéo-interview postée sur Youtube, pour nous vanter les mérites de sa dernière progéniture livresque, “bien que je soit une femme, j’apprécie particulièrement les calembours“. Elle adore dédramatiser toutes les situations, tout autant que l’absurde “qui donne un sens à sa vie“, et s’amuse ici, dans un vocabulaire aussi riche que coloré, à prendre au pied de la lettre, ou à contre-pied, quelques proverbes et autres maximes populaires bien de chez-nous.

Une sorte d’hommage en forme de clin d’œil amoureux à l’un de ses auteurs préférés, un certain Frédéric Dard, plus connu sous le nom de San-Antonio, dont on fêtera en juin prochain le centenaire de sa naissance. Ceux qui gardent en mémoire un certain Pinuche, un Gros et quelques autres amazones aux rondeurs tentatrices devraient facilement y retrouver ici quelques parents inconnus, et quelques délires verbaux pas piqués des hannetons. Pas folle, la guêpe ! Et le tout avec le même manque de sobriété linguistique savamment dosé qui fait son charme, alternant à souhait les références excentriques d’un melting-pot francophone, peut-être plus courues dans les années septante, huitante ou nonante que dans la vie courante.

Marie Lincourt présente son livre sur Youtube.

En suivant les pérégrinations et autres péripéties d’un étrange équipage proche des Branquignols chers à Robert Dhéry, où se côtoient tant bien que mal, parmi une cohorte d’animaux fortement personnifiés, un bègue, un aristocrate, une québécoise et un truand de haut vol à l’argotique verbiage fleuri à souhait, on n’en oublierait presque l’histoire pour se contenter d’un rire impérial à chaque ligne, soit par les descriptions imagées de situations plus absurdes les unes que les autres, soit par le ridicule même de ces situations. Et tout cela en se plongeant avec délectation dans un réa-apprentissage des infinies richesses de la langue française qui nous changent agréablement d’un quelconque langage sms. Tiens, d’ailleurs. Il est bien peu questions de ces étranges outils dans cet ouvrage. Auraient-ils pris leurs jambes à leur cou, effrayés par “cette histoire frappadingue, cocasse et déjantée” destinée à “tous ceux qui aiment rire, s’amuser, se changer les idées” ?

Rassurez-vous. Point n’est besoin de disposer à ses côtés d’un quelconque dictionnaire pour en comprendre toutes les subtilités, même si les Roberts conviendraient aisément à la rousse Esméralda, la principale héroïne. Sans conteste, cet ouvrage pourrait même devenir proverbial, remplaçant agréablement un bon déjeuner chez Maxim’s.

Jean-Luc Bouland

  • Les jambes à son cou – Marie Lincourt – Ed. Sydney Laurent – 300 pages – 19€90.

Commentaires

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  1. Un roman simple, authentique et naturel, en rien botoxé, ce n’est pas le lot de tous les auteurs.

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