Belle, elle devait voir le jour en 2020. Mais ce n’est que ce jeudi, dans la salle du Centre culturel L’Alliage, à Olivet, au terme d’une semaine de résidence, qu’a lieu la captation de “De rocs et d’écume”, première particulière, nouvelle création de la compagnie Clin d’Œil de Saint-Jean-de-Braye dont Gérard Audax est le directeur artistique. Emu aux larmes est cet interprète à l’issue de la représentation devant quelques artistes, divers professionnels et représentants des médias. Pour mémoire et fidélité faisant, Gérard Audax, grand passeur de mots, avait, il y a déjà trente ans, monté à Paris, avec Jacques Fabbri, au Théâtre du Tourtour, le spectacle “La Fête à Eugène”, dédié à son ami disparu, le poète Eugène Guillevic.
Un tendre et beau tournoiement de paroles
A Olivet, lapidaire et enchanteur, profond et léger, “caressant l’âme” comme le dit avec bonheur le journaliste Sébastien Doucet de France Bleu, ce spectacle grave et empli de joie, délicate offrande où le verbe a de la liesse qui coule de source, est mis en scène par Aurélie Audax et s’inspire de l’œuvre du poète né à Carnac en 1907 et décédé à Paris en 1997.
Grande dame est ici la comédienne Marie Christine Barrault jouant et tançant, dansant et aimant, s’emportant, cédant avec une grâce et un souffle magnifique au tournoiement du verbe. Elle est la maîtresse attentive du sens. Généreux est Gérard Audax, amoureux et complice, trublion animé d’une terrestre et céleste candeur, débonnaire serein, humble et sage personnage interrogeant, radieux et conscient de chaque espoir à écouter et à transmettre.
Remarquable de finesse est aussi
Guillaume Dettmar au violon, troisième esprit sur scène. Ce dernier fait ici montre d’une gracieuse langueur, d’une joueuse vigueur, d’un vibrant et tendu accompagnement sur le fil de cette partition qui, loin du récital, est un habile et fol tissage de quelques cent quarante-huit textes et bribes d’interviews. Voici un lumineux kaléidoscope, fruit d’une longue vue permettant de découvrir délicieusement les paroles apparues, iles d’humanité fugitives et fulgurantes du poète. “
La vie est tragique alors vivons la tragiquement, mais pas tristement” nous est-il dit.
Main dans la main et mot à mot
Ici, chaque mot nous effleure avec intimité lors d’un spectacle d’une fugace et prenante intensité, celui où l’on prend plaisir à s’abandonner à ne plus savoir qui est qui, s’il s’agit de deux amoureux qui conversent ou de deux pages qui se tournent voire de mélodies d’aveux qui s’accordent, se devinent.
Ici, encore, il nous est dit “que la vie est une sensation et que la poésie l’est aussi… que la misère est sous nos pas…. que l’on a encore pied dans le ciel… que le toucher de terre est une grande école… qu’il y a de l’utopie dans l’herbe qui pousse… que pour grandir l’arbre a besoin du sourire de ses racines… que la vision n’est pas la vue… que la poésie se définit par les noces de la parole et du silence…” Dont acte.
Ainsi, convoqué et attablé au plateau du théâtre ” le poème est là où les mots sont debout”. Place au fragile banquet où président finesse et tendresse, et cet amour de l’autre qui s’en va, pour toujours, “en portant les autres sur ses épaules”.
Bref, avec “De rocs et d’écume”, voici une merveilleuse partie de ricochets d’états d’âmes. Une fantaisie de fond prégnante, bien entendu humaine, malicieuse et complice. Rayonnante. Un grand bonheur qui invite à tourner virer.
Jean-Dominique Burtin.
Si tout va mieux, “De rocs et d’écume” sera présenté le 5 mai au Théâtre d’Orléans.
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