Patrick Communal ancien avocat à la Cour d’Orléans. DR
[Tribune] « Il faut que je vous conte une petite historiette qui est très vraie et qui vous divertira… » Dans cette lettre écrite le lundi 1er décembre 1664, et adressée à Monsieur de Pomponne, la Marquise de Sévigné évoque avec délices les mésaventures d’un vieux courtisan, le Maréchal de Gramont, tourné en dérision par le roi Louis XIV qui lui avait donné à lire un poème galant qu’il avait lui-même rédigé et dont il n’était pas vraiment satisfait. Le monarque ayant pris garde de révéler qui en était l’auteur, le courtisan s’était laissé aller à qualifier de fat celui qui avait pu rédiger un madrigal aussi sot et ridicule, avant que le rédacteur, ainsi habillé pour l’hiver, ne finisse par se dévoiler. Tout cela avait beaucoup amusé le roi, et la cour, comme la Marquise, s’était divertie, de cette cruauté.
Le ridicule de notre président
La morale, s’il y en est une, est que dans les cercles du pouvoir, il est toujours utile de savoir à qui on a affaire avant de porter un jugement, prendre un engagement, valider un compromis, contracter une alliance. La lecture d’un projet de délibération soumis au Conseil municipal d’Orléans en débat ce jeudi 18 mars, m’a autant diverti que les mésaventures du vieux Maréchal quand j’ai découvert que le ridicule affectait le président de notre Métropole, n’est-ce pas en effet, toujours du cocu dont on rit ?
Pour éclairer le lecteur qui n’est pas toujours au fait des mécanismes institutionnels, il est utile de rappeler que les Métropoles constituent la forme la plus intégrée d’intercommunalité. Elles étaient, aux termes de la loi, supposées concerner des territoires de plus de 400 000 habitants ou situés dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. Ces normes démographiques auraient dû faire de Tours la seule Métropole du Centre-Val de Loire, mais le lobbying politique exercé par nos élus locaux, dont Jean Pierre Sueur n’avait pas été le moins actif, avait permis à Orléans d’obtenir la consécration recherchée. En Région, les Métropoles constituent le pôle majeur du développement économique territorial et des engagements publics de l’Etat.
Une architecture institutionnelle
L’architecture institutionnelle des Métropoles doit leur permettre d’exercer de manière cohérente cette fonction nouvelle associée à la disparition progressive des départements.
La loi prévoit donc que les Métropoles bénéficient d’un transfert de compétences de la part des communes et des départements. Les communes et les organismes ayant délégué ces compétences ne peuvent plus intervenir dans ces domaines. Le transfert de certaines compétences est obligatoire, elles sont très nombreuses et couvrent notamment le développement et l’aménagement économique, social et culturel, l’aménagement de l’espace métropolitain (urbanisme, transport, voirie, espaces verts etc…), la politique de l’habitat, des quartiers (dits en politique de la ville), la gestion des services d’intérêt collectif (assainissement, eau, cimetières, incendie et service d’incendie et de secours), la protection de l’environnement et du cadre de vie…
Un pacte de gouvernance modifié
L’exécutif métropolitain orléanais a proposé aux communes un pacte de gouvernance mais le Maire d’Orléans soumet au vote de son conseil municipal de ce jeudi 18 mars, une série d’amendements à ce pacte de gouvernance qui remet totalement en question l’architecture légale des transferts de compétences.
On y lit notamment :
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Les décisions sont partagées entre les communes et Orléans Métropole
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L’accord du Maire (ou de son représentant) est préalable à l’intervention de la Métropole sur le territoire de la commune
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Les nouvelles compétences transférées peuvent être mises en œuvre par la commune sur son territoire, à la demande du Maire.
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Les communes demeurant l’échelon de proximité avec les habitants, le Maire définit le programme de rénovation et d’entretien des voiries de la commune, dans la limite des budgets impartis.
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Sur la demande d’une commune sur le territoire de laquelle se situe un équipement relevant des attributions de la Métropole, celle-ci lui délègue la création et/ou la gestion de cet équipement. Une convention en fixe les modalités.
Cet ensemble de modifications au pacte de gouvernance aboutit purement et simplement, dans la pratique, à restituer aux communes des compétences légalement transférées dans lesquelles elles n’avaient normalement, plus la possibilité d’intervenir, et à transformer le Président de la Métropole en secrétaire général ou simple chef de service d’un syndicat intercommunal. Si Christophe Chaillou a besoin d’un juriste pour porter devant une juridiction ce démantèlement organique de la Métropole d’Orléans, nous lui offrons volontiers notre concours. On peut en effet douter que le conflit trouve une solution politique, les maires du sud de l’agglomération sous la houlette de celui d’OIivet (Matthieu Schlessinger), n’ont aucune raison de voler au secours de celui qui les a traités comme on sait, les communistes de Saran qui n’ont toujours vu, dans l’intercommunalité, qu’un guichet à subventions, n’auront probablement pas envie de se bouger, les élus socialistes et écologistes n’auront ni le poids suffisant, ni la volonté d’aller à l’affrontement.
Reste à attendre les réactions citoyennes et préfectorale.
Patrick Communal
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