Le nombre grandissant de cas et de décès liés à la Covid-19 a entraîné, à partir de mars 2020, différents épisodes de confinement et de restrictions des contacts humains. Hors du champ purement médical, un an plus tard, qu’a-t-on pu observer suite à ces pénibles amputations de notre vie sociale, accompagnée d’un repli obligé sur la cellule familiale ?
Premier jour de confinement à Blois, 17 mars 2020. © Jean-Luc Vezon
L’aggravation de la charge mentale des femmes
Au sein des couples et des familles, l’attaque virale a mis particulièrement en lumière les anomalies. Le huit clos familial fait ressortir l’inégale répartition des obligations ménagères. Les périodes de confinement n’ont plus permis, à certains hommes, d’échapper aux tâches du foyer ou à l’accompagnement scolaire des enfants, sous prétexte d’une indisponibilité liée à leur travail ou à des déplacements. Dans quelques couples, le confinement a ainsi entraîné une salutaire prise de conscience et la remise en cause des inégalités. C’est loin d’être toujours le cas. A la suite du premier épisode de confinement, un travail de l’Ifop démontrait que l’injuste répartition des travaux ménagers persistait, en particulier pour les repas. La pandémie a accentué l’habituel abandon aux épouses des corvées culinaires et de ménage. Elle a participé à l’aggravation de la charge mentale des femmes. Pire, des tensions, voire des violences se sont ainsi installées au sein des foyers. Dès la première période de confinement, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a mis en garde contre les violences domestiques.
Les personnes âgées sont plus résistantes aux troubles de santé mentale
L’isolement social a des conséquences différentes selon les groupes générationnels. La pandémie fait subir les complications les plus graves et la mortalité la plus élevée aux personnes de plus de 74 ans. Les adultes âgés, seuls à la maison, aux visites restreintes dans les établissements, aux contacts avec les amis devenus quasi inexistants, semblaient être parmi les plus vulnérables au stress de l’isolement. En rapport avec les souffrances psychologiques subies, les craintes que cette période aggrave les problèmes de santé des vieillards isolés semblaient fondées. Avec étonnement, l’analyse de plusieurs études, conduites dans différents pays et publiée dans le Journal de l’American Medical Association (JAMA), montre l’inverse. Pendant le confinement, contrairement aux attentes, les personnes âgées sont plus résistantes à l’anxiété, à la dépression, aux troubles de santé mentale et au mal-être, que des populations beaucoup plus jeunes. Une récente enquête effectuée sur le campus orléanais l’a confirmé. Il faut néanmoins tempérer ces résultats. Les effets à long terme de ces périodes de stress, parfois accompagnées de deuils, restent incertains…
Le bonheur c’est les autres
Chacun a son idée sur le bonheur. Force est de constater que si les relations sociales sont insuffisantes pour être heureux, elles sont nécessaires. Sartre s’est trompé lorsqu’il a écrit (dans Huis clos) : « L’enfer, c’est les autres ! ». La période de restriction des liens humains semble démontrer que « le bonheur, c’est les autres ». Les relations humaines ne garantissent pas le bonheur, mais il n’est guère possible sans elles. L’être humain est un animal social énonçait déjà Aristote quatre siècles avant notre ère. Au delà de la frustration, l’absence de contacts, en face à face, entraîne des dégâts sur la santé mentale d’une grande partie de la population. Il semble même que la soif de relation sociale directe, amplifiée par le confinement et les mesures barrière, ait un support organique. Les neuroscientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont visualisé, en imagerie cérébrale, le besoin de contact ressenti pendant le confinement. Ce sont les mêmes zones neuronales qui sont activées que pour les envies de nourriture lorsque nous avons faim, ou le besoin de substances psychoactives pour les personnes qui en sont dépendantes.
La nécessité des protections environnementales
Lors des périodes d’assignation à domicile sanitaires, la pénibilité ressentie est liée à la possibilité d’avoir un accès à la nature et à la dimension des logements. Dans les grandes villes, la surface des habitations est souvent en rapport avec les revenus. L’Insee a ainsi montré que les ménages urbains, aux niveaux de vie les plus faibles, ont été les plus affectés par les mesures de confinement. Les citadins qui pouvaient bénéficier d’un grand appartement, d’un espace vert ou contempler la nature depuis leur lieu d’habitation, ont moins souffert de l’isolement. La crise sanitaire fait gagner du terrain à la nécessité des protections environnementales. Plus de 80% des Français préfèrent protéger la nature et sacrifier le développement économique. Cette préoccupation environnementale associe la diminution des pollutions lumineuses ou sonores et le besoin d’arbres et de fleurs. La présence de végétaux est nécessaire au réconfort dans ces délétères périodes de pénurie de contacts humains .
Jean-Paul Briand