Contrairement aux idées reçues, le spectacle vivant reste un univers très masculin. Une réalité documentée dans notre région par une étude qui a motivé le lancement en mars 2021 d’un programme original de mentorat féminin. Maud le Pladec, directrice du Centre Chorégraphique National d’Orléans a accepté d’en être la marraine.
Maud le Pladec, directrice CCNO© Nicolas Despis
C’est un fait les inégalités femmes/hommes existent aussi dans les métiers de la culture et naturellement aux postes de direction. Et si Orléans fait figure d’exception depuis quelques années avec trois femmes à la tête de plusieurs établissements culturels : Maud le Pladec pour le CCNO, Séverine Chavrier directrice du CDN (Centre Dramatique National) et Olivia Voisin, conservatrice en chef des musées d’Orléans, ce n’est pas le fruit du hasard mais une volonté politique forte de la mairie.
Mais cela reste effectivement une exception en France. Les enquêtes nationales se succèdent 2006, 2009 et depuis 2012 la SACD (société des auteurs et compositeurs dramatiques) publie chaque année « Où sont les femmes ? » mais constatent malheureusement peu de changements. Fin 2017, une poignée de professionnel(les)s des arts et de la culture du Centre Val de Loire crée son collectif HF et mène à son tour une grande enquête sur la saison 2019-2020 dans notre région avec le même constat et du coup une forte envie d’agir.
Un programme de mentorat exclusivement féminin
D’où la naissance en février 2021 du programme Affranchies ! lancé conjointement par la plateforme métiersculturecentre-val de-Loire et le pôle régional Fraca-ma. Ainsi, le 18 février, huit binômes de femmes sont constitués, chacun regroupant une femme en responsabilité (direction, programmation, administration…) dont le but est d’accompagner une femme artiste ou technicienne débutante, venant de tous milieux artistiques confondus, sous forme de mentorat. Comme l’explique Maud le Pladec, marraine de l’opération : « Ça passe par beaucoup d’échanges mais aussi par des modules de stages où sont abordées des notions comme le féminisme avec des ateliers sur la prise de parole, le mansplanning ( concept féministe né dans les années 20 qui désigne une situation où un homme explique à une femme quelque chose qu’elle connaît déjà avec paternalisme, NDLR). En fait, ça passe par des choses extrêmement concrètes comme oser prendre la parole dans une réunion où il n’y a que des hommes. Moi, j’y suis confrontée quotidiennement.»
Il s’agit toutefois d’un programme de déconstruction plus complexe qu’il n’y paraît et qui passe par plusieurs phases : « il faut à la fois permettre à ces jeunes femmes de déceler les situations de domination masculine, de les comprendre et les analyser et enfin leur donner des outils très concrets pour les déconstruire et donc agir. En clair, il s’agit de faciliter l’émergence/éclosion de nouveaux talents féminins, de renforcer la présence et la visibilité des femmes dans les métiers de la culture, de développer des connexions entre professionnelles pour renforcer leur réseau et sécuriser les parcours et enfin d’impulser une transformation des pratiques professionnelles vers plus d’égalité/parité au sein du spectacle vivant. »
Un autre aspect de ce programme repose sur le partage d’expériences : « c’est-à-dire explique alors Maud le Pladec « que la mentore, par son parcours, et son statut partage son expérience à une mentorée au parcours professionnel en devenir. Mais cette mentore apprend autant de celle qui est mentorée. C’est souvent le cas dans les programmes basés sur une relation interpersonnelle et c’est primordial ».
Zéro femme directrice technique d’un établissement culturel
Et il y a du pain sur la planche, notamment dans le secteur de la technique, le milieu le plus inégalitaire, y compris dans notre région : « C’est un milieu qui reste très masculin mais aussi très machiste » constate Maud le Pladec. D’où l’urgence selon elle « de déconstruire cette fausse croyance qu’une personne est assignée à son sexe biologique, comme si ce métier de technicien était en lien avec la force et la virilité des hommes. Sauf qu’en fait, on sait bien que ce n’est pas le cas et qu’une technicienne peut faire très bien le travail d’un technicien »
Le monde de la technique reste très masculin dans la culture © Mag Centre
D’autant que les femmes vont aujourd’hui vers ces métiers de la technique : «A travers les conversations que j’ai pu avoir avec mes amies techniciennes régisseuses ou créatrices lumière poursuit Maud le Pladec le constat qu’elles font c’est que ça reste encore une fois un milieu très sexiste avec beaucoup de réflexions faites aux femmes du style ‘laisse tomber, le fais pas, tu vas jamais y arriver’ et du coup elles ont du mal à trouver leur place ou alors il faut qu’elle s’émancipent en faisant comme « les hommes », une sorte de masculinisation, ce qui n’a rien à voir avec une émancipation du modèle imposé. Du coup, elles ont du mal à se faire accepter telles qu’elles sont ». On compte sur donc sur ces Affranchies ! pour faire bouger les lignes.
Sophie Deschamps
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