Irène Ajer, qui fut de 1976 à 1984 directrice de la Maison de la Culture d’Orléans, est décédée ce lundi matin. Cette femme, à laquelle Frédéric Mitterrand rendit hommage en lui remettant la décoration d’Officier du Mérite par ces mots:« Chère Irène Ajer, vous êtes une grande dame de cette maison… », commença sa carrière au ministère de la Culture d’André Malraux à l’age de vingt cinq ans, après Science Po. D’abord chargée de mission, elle prendra la direction de la MCO (voir ci-dessous) avant de rejoindre l’IRCAM de Pierre Boulez. Eternelle passionnée de spectacle vivant, elle présida et organisa la Nuit des Molières de 2008 à 2010.
Iréne Ajer interviewée par Vianney Lambert en 2020
Témoignage
Irène Ajer à Orléans: une vision de l’action culturelle
Il est des rencontres qui vous marquent au delà même de votre vie professionnelle, travailler avec Irène Ajer est de celle-là. Son action au sein du Centre d’Action Culturelle d’Orléans qu’elle avait décidé d’appeler Maison de la Culture, portrait de Malraux en exergue sur son bureau en des temps où la culture se portait plutôt à gauche, fut pour beaucoup un formidable exemple d’une volonté alliée à une vision politique de l’action culturelle. Irène Ajer représentait la double ambition d’une programmation de grande qualité doublée d’une ouverture vers tous les publics: c’était tout à la fois faire venir l’opéra à Orléans avec “Orlando” de Haendel, mais aussi faire tourner le groupe de musique slave Bratsch dans les cafés du Loiret. La Maison de la Culture, c’était aussi un lieu d’accueil du public, un lieu de vie ouvert de midi à minuit tous les jours avec une restauration, une salle de cinéma Art et Essai, un lieu d’exposition et l’embryon de ce que seront les futures médiathèques.
Une personnalité d’exception à la volonté contagieuse
Passionnée par le spectacle vivant, Irène Ajer comprit très vite l’intérêt que présentait pour son action l’important département vidéo-cinéma de la MCO, (fleuron le mieux doté de France à l’époque), tant du point de vue de sa production avec “Une vieille Histoire” (premier documentaire sur la rumeur d’Orléans) que pour son action en milieu scolaire ou dans le domaine de l’art vidéo naissant.
Las, survint alors l’idée qui fut fatale à la carrière orléanaise d’Irène Ajer, le lancement du Cinémobil(e), formidable projet pour lequel je fus recruté en 1982 avec l’arrivée de Jack Lang au ministère de la Culture. Portant la culture cinématographique dans les villages, le Cinémobil devait être le fer de lance de la conquête d’un public élargi pour les tournées théâtrales que la MCO programmait. C’était sans compter avec l’ostracisme et la mesquinerie d’élus de droite, tant départementaux que municipaux (l’alliance Jacques Douffiagues-Kléber Malécot pour ceux qui se souviennent) qui inquiets d’une telle ambition culturelle refusèrent de subventionner le Cinémobil provoquant le déficit de la structure, aggravé par une programmation hasardeuse d’un “West Side Story” au Palais des Sports qui fut un désastre…
Le cinémobil de la MCO 1984
Les politiques locaux contraignirent Irène Ajer à la démission ainsi que son administratrice et le responsable du département vidéo, mettant fin à huit ans d’action qui auront profondément transformé le paysage culturel local et régional, avec la fin de la Maison de La Culture d’Orléans et de son département vidéo. Seul le Cinémobil(e), repris par la Région, survécut à cette liquidation et continue quarante ans plus tard à porter la culture cinématographique pour tous, orphelin d’une ambition culturelle lamentablement sabordée.
Quant à Irène Ajer, elle intégra quelques semaines plus tard l’IRCAM de Pierre Boulez comme administratrice générale…
Gérard Poitou
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