{Billet] Bien malin est celui qui veut tirer la langue à tout va sans craindre la fureur populaire. Par Sainte Nitouche et Saint Pansard, ne voilà-t-il pas qu’un élu castelroussin se pique de repousser l’écriture inclusive loin des plumes administratives. Déjà malmenée dans quelques écoles polonaises, celle de Molière n’en demandait pas tant, alors que les comédiens eux-mêmes, ses plus ardents défenseurs, en sont réduits à jouer les arlésiennes.
Tétin refait, plus blanc qu’un œuf,
Tétin de satin blanc tout neuf,
Toi qui fais honte à la rose
Tétin plus beau que nulle chose,
Tétin dur, non pas tétin voire
Mais petite boule d’ivoire
Au milieu duquel est assise
Une fraise ou une cerise
Que nul ne voit, ne touche aussi,
Mais je gage qu’il en est ainsi.
Allons, point de tartufferie. Ce petit blason signé Clément Marot, poète en cour auprès de François 1er, est bien innocent, et ne mériterait pas les exclamations outragées d’un quelconque bourgeois, même gentilhomme. Sachons apprécier l’intention à sa juste valeur, au-delà des mots employés, et de leur apparence, en vers ou en prose. Ainsi, partant en guerre contre l’écriture inclusive, un député de l’Indre, François Jolivet, a déposé cette semaine à l’Assemblée nationale un projet de loi visant à interdire son usage dans les textes administratifs. « Cachez ces mots que je ne saurais voir », s’exclame-t-il à l’envi, soucieux de rappeler que grammaire et orthographe sont les deux mamelles de la langue française chère à M. Poquelin. Soutenu par une soixantaine de ses collègues, membre d’En Marche ou des Républicains, il a récemment déclaré sur RTL que «cette proposition de loi n’est pas politique mais veut lutter contre les discriminations. L’écriture inclusive exclut les gens qui sont en situation de handicap. Les experts de la dyslexie, dyspraxie et dysphasie sont préoccupés et alertent sur les difficultés supplémentaires engendrées par cette forme d’écriture ».
Certes, comment différencier alors un tétin d’une tétine, ou un crétin d’une crétine, s’amusent d’aucuns, interpellés dans le même temps par un récent faux scandale soulevé par Le Figaro. En Pologne, pays plutôt francophile, certains voudraient « simplifier » les textes des pièces de Molière, les réécrire, en quelques sortes, pour en faciliter l’apprentissage. Alors, imaginer en plus une réécriture des Femmes savantes en version inclusive provoquerait certainement quelques coeurs bondissants dans nombre de poitrines, et pas seulement dans celles des membres de l’Académie française, déjà peu favorables à cette pratique.
La Renaissance de la langue française ne semble donc pas si simple que ça à réaliser, même pour redonner aux femmes la place qui leur est due depuis des siècles. Du temps de Triboulet l’Unique, comme l’a justement évoqué dans un ouvrage dédié le comédien Francis Perrin, pensionnaire depuis 1972 de la Comédie française, dite aussi Maison de Molière, le théâtre se renouvela par l’arrivée des soties, qui prenaient alors la place des farces moyenâgeuses. En ce moment, même au théâtre parisien de la Renaissance, primé en 2019 par le Molière de la meilleure comédie, les sots et autres comédiens sont plutôt à la peine, privés de leur public, comme certains n’ont pas manquer de le rappeler ce vendredi au théâtre d’Orléans.
Alors, mes cousins, sachez que quand il ne peut plus brûler les planches, un artiste se consume souvent à petit feu. Et ne lui parlez pas de le couvrir après 18h…
Néo Triboulet