Près d’un an après l’expulsion de Junior d’Orléans vers la RDC, Magcentre a souhaité prendre des nouvelles de ce jeune africain de 26 ans qui était présent sur notre sol depuis 2012, tout comme Chernoh, originaire de Sierra Léone qui lui vit (difficilement) toujours en France.
Le COJIE 45 continue de soutenir Junior depuis son expulsion en Afrique en mars 2020© SD
Le 6 mars 2020, un avion ramenait Junior Kobongo alors âgé de 25 ans vers son pays d’origine la République Démocratique du Congo (RDC) malgré les manifestations et les efforts incessants de ses amis et soutiens rassemblés au sein du COJIE 45. Ce collectif de soutien aux jeunes majeurs isolés étrangers ne l’a pas abandonné pour autant.
Ainsi comme l’explique Ségolène Petit, de RESF 45 (Réseau Éducation sans Frontières) et membre du COJIE 45 : « Nous savions que son retour en RDC serait difficile, aussi nous lui avons envoyé de l’argent dès son arrivée, grâce à une collecte par le biais de helloasso et surtout nous nous sommes assurés que quelqu’un l’attendrait dès sa descente de l’avion à Kinshasa (capitale de la RDC). » C’est ainsi que Junior est accueilli par une personne de Caritas Congo puis hébergé pendant quelques nuits dans l’un de leurs foyers. Puis le frère d’une amie de France du COJIE 45 prend le relais sur place pour aider Junior à se loger et à effectuer des démarches, notamment pour refaire ses papiers. Durant le confinement, le COJIE et des bénévoles lui envoient encore de l’argent pour l’aider à manger et à acheter un téléphone. « Ce qui est remarquable avec lui, souligne Ségolène Petit, c’est qu’il a toujours essayé de se prendre progressivement en charge mais sa situation reste précaire car nous sommes ses seuls soutiens. »
Junior essaie de se construire un avenir en Angola
Toutefois la situation de la RDC est préoccupante et « très vite en discutant entre nous et avec d’anciens jeunes présents sur place, il apparaît qu’il n’est pas souhaitable pour Junior d’y rester, poursuit Ségolène Petit. On nous rapportait que la situation à Kinshasa était intenable, sans possibilité de travail. Une ville en train de s’asphyxier. » C’est ainsi que Junior passe en Angola en juillet 2020. A Luanda, la capitale, il commence à vendre des vêtements sur les marchés tout en suivant une formation en mécanique grâce à des cours du soir. Mais victime d’une grosse rage de dents début janvier 2021 « il finit par nous appeler au secours car il n’a pas assez d’argent pour se soigner. On lui en a donc envoyé à nouveau mais ce pépin de santé lui a fait perdre un mois de cours ». De plus, la crise sanitaire s’en mêle et le précarise un peu plus : « Les marchés ne sont plus ouverts que 3 jours sur 7. Il a donc aujourd’hui juste de quoi se loger et manger mais il ne parle pas de revenir en France pour autant » précise Ségolène Petit : « On reste donc en contact étroit avec lui notamment par le biais de WhatsApp, c’est pratique pour communiquer mais aussi pour lui envoyer des documents quand il en a besoin. »
Le COJIE 45 se préoccupe aussi bien sûr des jeunes adultes étrangers isolés qui ne sont toujours pas régularisés après des années de présence dans le Loiret . C’est le cas de Chernoh Ibrahim BAH, 25 ans, lui aussi arrivé en France en 2012 et originaire de Sierra Léone. Le 19 février 2020, il dépose une nouvelle demande de titre de séjour. Le 27 mars 2020, en plein confinement, la préfecture lui envoie un courrier, non pour lui annoncer qu’il aura des papiers, mais pour lui reprocher de s’être maintenu dans son hébergement d’urgence malgré l’injonction qui lui avait été faite de sortir. Alors que c’est l’association en charge de l’hébergement qui lui a demandé, comme à tous les autres jeunes, de rester dans son hébergement, par respect des mesures de protection sanitaire.
Chernoh remercie ses soutiens le 18 février 2020 devant la préfecture du Loiret à Orléans.
Au même moment, son parrain citoyen, Nicolas Desré, qui coordonne le futur hébergement solidaire tournant du jeune est accusé, toujours par la préfecture du Loiret, d’avoir fourni à Chernoh un faux certificat d’hébergement. Elle fait un signalement au procureur à l’encontre du parrain et de son filleul, pour faux et usage de faux. Ce qui a conduit le COJIE 45 dès avril 2020 à mener une campagne en se déclarant tous « délinquants solidaires ». L’affaire est toujours en cours.
Par ailleurs la situation de Chernoh reste précaire puisqu’une APS (autorisation provisoire de séjour) de seulement 3 mois, de juin à septembre 2020 l’a empêché de décrocher un emploi chez Amazon. Il a depuis obtenu une APS de 6 mois mais elle se termine en mars, l’offre d’emploi d’Amazon est passée et Chernoh peine, comme un grand nombre de personnes dans la situation de crise actuelle, à obtenir des missions en intérim.
Sophie Deschamps