Le député de Sologne, président du groupe d’opposition au conseil régional vient de déposer une proposition de loi visant à interdire toute nouvelle clôture dans « les zones de continuité écologiques ». Il l’a présentée lors d’un point presse le 5 février dernier à Souvigny-en-Sologne, en Loir-et-Cher.
Jean-François Bernardin président de l’association des chasseurs et des amis de la Sologne contre son engrillagement et Guillaume Peltier. ©Emilie Rencien
Les questions touchant l’environnement vont à coup sûr alimenter la future campagne des Régionales. Alors que le député macroniste du Cher François Cormier-Bouligeon (LREM) travaille également sur une proposition similaire (interdire la chasse dans les parcs et enclos, sauf pour les activités commerciales), Guillaume Peltier, en pointe sur le dossier de l’engrillagement, vient de dégainer sa proposition de loi.
« Bâtie après cinq années de concertation, elle vise à réconcilier le droit de propriété, le droit de chasse et notre devoir commun d’une Sologne ouverte, attractive et respectueuse de nos paysages comme de notre biodiversité », insiste Guillaume Pelletier, en ajoutant que le texte a été construit autour d’un « compromis équilibré » avec tous les partenaires concernés : élus locaux Comité central agricole de la Sologne (CCAS) qui regroupe plus 560 propriétaires privés, fédération régionale des chasseurs et associations (randonneurs, protection de la nature).
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La proposition de loi visant « à lutter contre l’extension de l’engrillagement de parcelles privées dans nos provinces et à renforcer le droit de propriété » comprend trois articles. Le premier consiste à interdire toute nouvelle clôture « continue et constante » ne permettant pas la libre-circulation de la faune dans les zones de continuité écologique. Il s’agit aussi de développer parallèlement les clôtures en matériaux naturels, tels que la brémaille. En revanche, resteraient autorisées les clôtures permettant d’assurer la tranquillité du propriétaire d’un terrain, dans la limite de dix hectares autour de l’habitation principale, ou assumant un rôle de sécurité routière.
Le second renforce le droit de propriété avec la création d’un délit d’intrusion dissuasif prévoyant deux années d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas d’introduction sur le terrain d’autrui sans le consentement du propriétaire. « Le législateur doit rappeler avec force que le droit de propriété, inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, est un droit fondamental. En ce sens, son respect doit être garanti par les pouvoirs publics contre toute forme d’intrusion et de dégradation. Or, à ce jour, la loi française ne sanctionne pas pénalement la pénétration sur le terrain d’autrui, même entouré d’une clôture, tant qu’aucun dommage n’est causé », a expliqué le député LR.
La Sologne est parsemée de 4 à 5 000 km de clôtures. ©Jean-Luc Vezon
Enfin, le troisième vise, sur proposition des fédérations départementales de chasse, à augmenter les effectifs de l’Office français de la biodiversité, c’est-à-dire la police de la chasse dans les territoires (avec le recrutement de 50 agents), afin de mieux contrôler les pratiques, promouvoir les traditions rurales et mieux protéger la propriété privée.
Rappelons que pour limiter l’engrillagement, véritable fléau en Sologne avec de 4 à 5 000 km de clôtures, des règles ont été intégrées dans le Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires (SRADDET) adopté par la région Centre-Val de Loire le 19 décembre 2019. Il prévoit qu’à l’avenir, toute construction de clôture en milieu forestier devra respecter les critères suivants :hauteur maximale d’1,20 mètre, pose du grillage à 30 centimètres au minimum au-dessus du sol et obligation d’utiliser des matériaux naturels.
Le SRADDET a été rendu obligatoire par la loi NOTRe du 7 août 2015. Il traduit la stratégie globale d’aménagement de la région CVL et constitue à la fois une feuille de route pour le territoire régional et un document de planification. Doté d’une portée prescriptive, ses dispositions prennent place entre les textes nationaux et les documents de planification locaux comme les schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou les plans locaux d’urbanisme (PLUi).
Jean-Luc Vezon
Associations, les avis divergent
Proposition utile mais pas suffisante pour l’ACASCE, inadaptée pour l’Association des amis des chemins de Sologne qui souhaite la suppression pure et simple des grillages ou encore à amender pour l’ACPFLS. Les associations ne sont pas sur la même ligne politique.
Jean-François Bernardin président de l’association des chasseurs et des amis de la Sologne contre son engrillagement et Guillaume Peltier. ©Emilie Rencien
Présent à Souvigny-en-Sologne, Jean-François Bernardin, président de l’Association des Chasseurs et des Amis de la Sologne contre son Engrillagement (ACASCE) qui rassemble largement, de Nicolas Vannier, aux chasseurs en passant par les naturalistes, soutient la proposition de Guillaume Peltier : « Il n’y a pas d’un côté les gentils écologistes et de l’autre les méchants propriétaires. Ce projet d’équilibre va dans le bon sens, notamment l’arrêt de la mise en place de nouvelles clôtures qui défigurent la Sologne ; à nos yeux, il y a bien trois sujets à traiter. »
Le président Bernardin souhaite ainsi l’interdiction de la chasse en enclos, véritable « ball trap sur animaux ». De même propose-t-il l’arrêt des systèmes de pièges à gibier permettant de contourner les enclos dans le prolongement d’un arrêt de la cour de cassation. Il pointe ainsi du doigt la chasse le long des grillages. « Res nullius, le gibier n’appartient à personne. La faune doit pouvoir circuler librement. C’est l’esprit de la chasse », conclut-il estimant que la proposition de Guillaume Peltier fait gagner 3 à 4 ans à l’intégration des prescriptions du SRADDET dans les documents d’urbanisme.
Ce n’est pas le même son de cor de chasse pour Raymond Louis, président de l’association des Amis des Chemins de Sologne, qui déclare d’emblée que « la proposition ne convient pas à ses amis ». « Nous souhaitons comme cela a été fait en Wallonie la suppression pure et simple des clôtures » propose-t-il en condamnant les gros propriétaires.
« Ces chasses en enclos sont des tueries. Tuer 300 sangliers en une journée, ce n’est pas de la chasse mais de l’abattage. Même le président de la FNC Willy Schraen nous soutient » condamne Raymond Louis. Chasseur lui-même, il pointe aussi du doigts les risques de consanguinité dans les enclos et donc de maladies : « La peste porcine africaine (PPA) est à nos portes. Sa survenue serait une catastrophe économique ». Selon lui, le texte de Guillaume Peltier serait même un signal pour « les propriétaires engrillageurs » de rapidement mettre en place de nouvelles clôtures. « Par contre, je ne suis pas hostile à ce qu’il y ait plus de gardes de l’OFB pour contrôler », conclut le président Louis.
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Président de l’association des Chasseurs Promeneurs et Faune Libre en Sologne (ACPFLS), Sébastien Camus se réjouit de constater que les députés se préoccupent de la question de l’engrillagement. Il souhaite cependant « que l’on ne tende pas la main aux lobbys de la chasse » et s’inquiète qu’il soit envisagé de laisser aux préfets la possibilité de prendre des arrêtés pour autoriser les clôtures au nom de la sécurité routière. Et de nous déclarer : « Nous voulons une loi unique en France qui s’impose partout avec, si possible, rétroactivité. »