Depuis plusieurs mois François Cormier-Bouligeon, le député LREM du Cher, est l’un des élus les plus en vue contre l’engrillagement des propriétés en Sologne. Il devrait présenter prochainement un projet de loi visant à interdire la chasse dans les enclos et l’importation des cervidés. Sa circonscription, la première, comprend la totalité de la partie solognote du département du Cher.
Association Les amis des chemins de Sologne
Au milieu d’une longue ligne droite, sur la route qui mène de Sainte-Montaine à Aubigny-sur-Nère, sur l’un des rares chemins de randonnée accessible à tous dans le secteur, entre deux rangs de haut, très haut, trop haut, grillages, en janvier 2020, François-Cormier Bouligeon, député LREM du Cher, Richard Ramos, député LREM du Loiret et Nadia Essayan, députée Modem du Cher, s’étaient donné rendez-vous. Là, ils avaient expliqué que l’engrillagement excessif c’était « des chasses à 300 sangliers tués dans une journée, un danger sanitaire dû à la surpopulation des animaux » mais aussi une potentielle catastrophe écologique si un incendie se déclarait de par son inaccessibilité.
Les députés Nadia Essayan, François Cormier-Bouligeon( à gauche) et Richard Ramos (à droite) se sont associés à l’association des amis des chemins de Sologne de Raymond Louis (au centre) pour dénoncer l’engrillagement excessif en Sologne. ©Fabrice Simoes
Des balafres qui défigurent la Sologne
Surtout, ils voulaient souligner que ces grillages étaient autant de balafres qui défiguraient la Sologne. Symboliquement, sur un chemin blanc, encadré par ces deux rangs de clôtures, les trois élus avaient alors lancé médiatiquement leur campagne anti-grillage. Un combat qu’ils ne pensaient « pas simple … »
Chacun, à sa manière, avait expliqué être un « combattant de la liberté du gibier ». « Voilà plus de 20 ans que la Sologne agonise à cause des clôtures tandis que l’on n’a plus d’éthique de chasse » assurait l’un. « Ce n’est pas seulement une affaire cynégétique. Ces clôtures détruisent les magnifiques paysages de Sologne alors qu’on souhaite développer le tourisme, sans parler des risques sanitaires puisque ces propriétaires n’hésitent pas à importer des sangliers d’Europe de l’Est », confortait l’autre. Le troisième estimait que « la liberté du gibier, c’est comme l’eau, la forêt. Le pognon ne donne pas tous les droits. Il ne donne pas le droit de confisquer le bien commun ! ». On n’était pas loin de Proudhon, celui de « la propriété, c’est le vol » et auteur de « l’eau, l’air et la lumière sont choses communes, non parce qu’inépuisables mais parce qu’indispensables… ».
Pas de frein à l’engrillagement pendant le confinement
Dans le même temps, l’association Les amis des chemins de Sologne, dont Marie et Raymond Louis sont à la tête depuis 1998, avait fait toucher le nœud du problème aux élus régionaux de tous bords. Du Loir-et-chérien Guillaume Peltier, conseiller régional et vice-président des Républicains, à la recherche d’une crédibilité électorale de terroir, à François Bonneau, le président PS du Conseil régional Centre-Val de Loire, beaucoup se sont depuis approprié peu ou prou le problème.
Les clôtures de Sologne, des balafres qui défigurent le paysage. Photo : Les amis des chemins de sologne
Cependant, selon Reporterre, le quotidien de l’écologie, la décision de la région, en décembre 2019, de voter un premier amendement au Sraddet, le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, qui soumettait l’engrillagement à certaines conditions, s’est avéré une mesure « presque contre-productive ». La disposition, qui incluait une hauteur de 120 centimètres maximum pour les grillages, ne pouvant être applicable que lorsque le plan local d’urbanisme (PLU) d’une commune était adopté. Le possible délai d’application de cinq ans a d’ailleurs joué en faveur des propriétaires puisque durant les périodes de confinement de cette année, le nombre de « fermetures » semble s’être accéléré. Récemment, l’association a constaté un nouveau cas explicite avec « une clôture en construction suite à l’acquisition récente d’un nouveau propriétaire avec la pose d’un grillage d’1,20 mètre, retourné sur 30 cm à l’intérieur de la propriété. »
François Cormier-Bouligeon, député du Cher, mais aussi membre des Amis des chemins de Sologne, et ses deux collègues ont persévéré dans leur volonté légaliste. Dans un premier temps, ils souhaitaient aboutir à trois interdictions, à travers une loi d’initiative populaire : celle de la chasse dans les propriétés closes qui ouvre le droit dérogatoire à la chasse toute l’année, celle de l’agrainage systématique et celle de l’import de gibier. Et de préciser que chez nos voisins belges, en Wallonie, la législation avait changé. Le partage de la forêt, de la campagne s’est accompagné de clôtures moins hermétiques, moins hautes. La nouvelle réglementation laisse au gibier la possibilité d’aller là où bon lui semble. Surtout la cohabitation des usagers des territoires se déroule plutôt bien.
Un an après, le député du Cher confirme que le projet a bien avancé. Le texte élaboré ces derniers mois devrait être présenté prochainement. En décembre dernier, il en était au stade de la vérification juridique. Pour les amis des chemins de Sologne cela pourrait enfin mettre un coup d’arrêt à ce qu’ils dénoncent depuis plusieurs années : « 4000 km de clôtures visibles des voies publiques : certaines de plus de deux mètres de haut, surmontées d’un ou plusieurs rangs de barbelés, enterrées avec un second grillage à mailles plus petites, apposé sur le premier grillage ! Il y a aussi les doubles clôtures, espacées de deux mètres avec à l’arrière-plan des merlons, sans oublier des cours d’eau barrières, des grilles canadiennes sur des chemins ruraux… tout cela dans un seul objectif : délimiter les territoires et enfermer le gibier pour le chasser. »
Fabrice Simoes