[Tribune] Par Jean-Paul Briand*
Messieurs les Anglais ont piqué les premiers. Le 8 décembre dernier la campagne de vaccination avec le vaccin Pfizer-BioNTech a débuté au Royaume Uni. Les États-Unis puis le Canada suivent le mouvement. En Europe, c’est le 21 décembre prochain que l’Agence européenne des médicaments (EMA) donnera ou pas le feu vert. Après l’éventuelle autorisation du vaccin, les Français vont-ils adhérer majoritairement à la stratégie vaccinale choisie par les autorités ?
En France, malgré l’extraordinaire avancée sanitaire que fut l’emploi des vaccins, la vaccination suscite encore beaucoup de perplexité. Une étude américaine réalisée par Ipsos publiée en octobre 2020, indique que la France est parmi les pays les plus réticents au vaccin contre la Covid-19. Un autre sondage, paru dans le Journal du Dimanche, le 28 novembre dernier, a enfoncé l’aiguille. Il montre que 59% des Français n’ont pas l’intention de se faire vacciner contre le Sars-Cov-2.
Une équipe de l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE) de Tours (37) étudie depuis plusieurs années les intentions de vaccination des Français contre la grippe et plus récemment celles contre le coronavirus Sars-Cov-2. Réfutant la méthodologie des sondages d’opinions récemment parus, l’IAE tourangeau a effectué une étude statistique afin de connaître, au plus près de la réalité, les intentions des Français à se faire vacciner contre la Covid-19. L’étude de l’IAE a été effectuée auprès d’un échantillon de 1081 personnes de moins de 65 ans.
Défiance de l’information
Les expérimentateurs de l’IAE ont observé que, comparée à la grippe, l’intention de se faire vacciner est plus grande mais qu’elle a baissé entre avril 2020 et septembre 2020. Cette chute de l’intention serait due à une défiance accrue vis-à-vis de la qualité et des sources d’information sur le vaccin.
De son côté le think-tank de la Fondation Jaurès a travaillé sur les moyens de combattre la suspicion vis-à-vis de cette vaccination qui, comme l’a promis le Président Emmanuel Macron, se fera selon « une stratégie de conviction et de transparence ».
L’auteur du document édité par la Fondation Jaurès, Antoine Bristielle (Professeur agrégé de sciences sociales), retient que l’acceptation de la vaccination est très largement liée à la confiance dans les institutions politiques et scientifiques.
Transparence totale
Afin de retrouver cette confiance, la transparence doit être totale. Les Français veulent connaître comment fonctionnent les vaccins, leurs effets secondaires éventuels et les risques encourus. L’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM), qui vient de changer de direction, devrait retrouver de la crédibilité et apporter ces éléments de réponses.
Pour la confiance dans les scientifiques, les scoops médiatiques et polémiques doivent cesser. Heureusement, les premières authentiques données scientifiques sur les vaccins d’Astra-Zeneca et de Pfizer sont parues dans le prestigieux Lancet. La U.S. Food & Drug Administration (FDA) donne enfin ses premières conclusions sur les nouveaux vaccins.
Le think-tank Jaurès rappelle avec bon sens que « plus les bénéfices perçus pour soi-même mais également pour les membres de sa communauté sont jugés supérieurs aux risques encourus, plus l’acceptation de la vaccination sera grande » et qu’il est donc nécessaire « d’agir sur la perception des risques et des bénéfices ». Les enjeux sanitaires et économiques doivent être expliqués clairement sans dramatisation excessive, manipulations ou récupérations politiciennes.
La leçon de l’échec de l’organisation paramilitaire de la campagne de vaccination contre le virus grippal H1N1 de novembre 2009 doit être retenue. Les professionnels de santé de proximité, médecins généralistes et pharmaciens, en qui les Français ont majoritairement confiance, doivent être associés prioritairement à la vaccination anti-covid-19 et porter le message auprès du grand public. En attendant, avec ou sans vaccin, tant que l’immunité collective sera insuffisante, les mesures de protection s’imposent…
*Jean-Paul Briand a exercé comme médecin généraliste pendant près de 40 ans dans le quartier de l’Argonne. Il fut l’un des responsables de la formation post universitaire des médecins généralistes de la région Centre Val de Loire et représentant de sa profession au sein de l’ARS et de l’URPS.