« On navigue à vue » explique Jean-Christophe Bonoron qui dans la Nièvre produit chaque année 50 000 sapins. Chez ces arbres là, ce Noël 2020 ne ressemble à aucun autre. En plus du père Noël voilà que la Covid 19 s’est invitée à la fête la rendant incertaine et compliquée. Le sapin aurait pu en être la première victime avec les répercussions économiques et affectives qui vont avec. Et bien la covid 19 en est pour ses frais.
Au palais de L’Elysée
Heureusement pour le sapin de Noël le président de la République a donné le signal des festivités dont cet arbre est le roi. Il en a autorisé la coupe et la vente. Il a fait mieux en respectant la tradition : depuis le dimanche 6 décembre, dans la cour d’honneur du palais de l’Elysée un sapin de Noël brille de tous ses feux. Il a été offert par Val’hor, interprofession française de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage et l’Association Française du Sapin de Noêl Naturel, (AFSNN) qui regroupe 105 producteurs implantés dans 46 départements et dont Jean-Christophe Bonoron est le vice-président. « C’est avant tout un cadeau que l’on offre à la France », dit-il non sans fierté. C’est de chez lui que provient le splendide Nordman élyséen. Il a été planté il y a plus de 25 ans dans le Morvan.
Ce sapin de 11 mètres de haut et de 6 mètres d’envergure, pesant plus de 2 tonnes a été coupé le 19 novembre à Montsauche-les-Settons dans la Nièvre puis installé les 5 et 6 décembre par une équipe de professionnels du végétal.
Essentiel pour le moral des Français
Chaque année, en temps ordinaire, six millions de sapins trônent dans les foyers de l’hexagone : « le sapin est essentiel pour le moral des Français Quand il y a des périodes difficiles, les gens se rattachent toujours à des valeurs essentielles. Le sapin de Noël en fait partie. Il est la preuve de tout ce que représente Noël, une période différente où la maison prend toute son importance, surtout pour les familles qui ne se voient qu’une fois par an. C’est un rendez-vous qu’on essaie de ne pas manquer », dit Jean-Christophe Bonoron..
Un symbole devenu universel
Le sapin de Noël appartient à une tradition qui date du moyen âge et qui s’inspire d’un ancien rite pratiqué au moment de la fête du solstice d’hiver pendant l’antiquité. La tradition du sapin s’est implantée en France au XVIe siècle en Alsace et fut introduite à Versailles par l’épouse de Louis XV, Marie Lézinska. A son arrivée, cet arbre vert était considéré comme un symbole huguenot. Le sapin a longtemps été concurrent de la crèche qui venait d’Italie alors qu’il venait d’Allemagne et des pays nordiques donc porteur des valeurs protestantes.
Ces symboles confessionnels ont depuis longtemps disparu. « Le sapin de Noël est un élément de notre culture. La verdure qui rentre dans la maison, est le symbole de l’espoir. L’arbre qui reste vert rappelle la verdure à un moment où il n’y en a plus. Les décorations de Noël célèbrent la nouvelle année », explique encore Jean-Christophe Bonoron, né par tradition familiale dans les sapins et passionné par eux. Il les élève avec amour et leur insuffle la fierté d’être dans chaque demeure qu’elle soit familiale ou publique, symbole de ce que les sociétés ont de plus solide et solidaire, symbole de la tendresse entre les êtres et les générations
Un enjeu économique de taille
De mémoire d’éleveur de sapins, aux alentours du 15 novembre, on n’avait connu une telle inquiétude. Leurs arbres allaient-ils pouvoir se vendre ? L’enjeu économique est de taille. C’est qu’à cette date dans les pépinières on commence à couper les arbres et à les mettre sous filet. Cette angoisse a maintenant disparu. Les Français achètent comme tous les ans les sapins au prix moyen d’une trentaine d’euros, parfois un peu moins. Les boutiques leurs proposent du sapin français en majorité issu du Morvan ou de Bretagne. En 2018, il s’en est vendu 5,8 millions, en 2019 6 millions. Le Nordmann qui garde ses aiguilles mai ne dégage pas de parfum arrive en tête et représente plus de 77% des ventes. Il est suivi mais de beaucoup plus loin de l’épicéa.
Avec des arbres en plastique, les Chinois ont bien essayé de concurrencer ces sapins « made in France ». On ne peut pas dire que ce soit une réussite. Les résineux naturels ont pesé en France, en 2019 157 millions d’euros contre seulement 29 millions pour leurs concurrents artificiels.
Parions que cette année la différence en faveur des sapins naturels sera encore plus grande.
Françoise Cariès
.