Cette brise douce mais aussi mordante nous prend et nous tient. La voix est limpide, claire et directe, celle d’une chanteuse effeuillant les pages de l’œuvre d’une âme militante avec une joliesse implacable. Dans l’Opus Lila Tamazit Trio chante Colette Magny, Lila Tamazit s’entoure de deux musiciens, Vincent Viala au piano et David Georgelet à la batterie et aux percussions. Tous deux apportent une profondeur à tension subtilement contenue à ce disque produit par Lila Tamazit et Pierre Perrault pour Ras la trompe, Prado Records. Il s’accompagne d’un livret hommage où l’on trouve une préface attentive de Dick Annegarn et un graphisme poétique minimaliste signé Pascal Barcos.
Lila Tamazit. DR
Une émotion ciselée à merveille
Ici, le temps de quatorze titres de Colette Magny (1926-1997), autrice compositrice interprète évoquant l’injustice et la tendresse de l’humain, Lila Tamazit ressuscite avec une pudique passion la voix d’une décapante comme intime pensée. Tout débute par Frappe ton cœur. Suit Le Boa enlaçant les cadences ouvrières dévorantes, J’ai le tournis parole de “rétrograge” désespéré. La Terre acquise distillant avec un parfum de Prévert cette “faute à l’enfance “.
À écouter encore, tel un long chant d’alerte poussé dès 1972 :“Répression, suspicion, attention ou va-t-on”. Le chanté parlé est ici d’une grande présence.
Humble est aussi Heure grave, pièce donnée a cappella, puissant poème au cœur de ce CD conçu comme un récital. Et puis voici L’exil où la percussion est la peau et d’où s’élèvent ces mots de sans-papiers : “Je rase les murs, j’ai peur, j’ai pas les papiers, est-ce ce que j’ai encore le droit d’aimer ?”
Celle qui voulait danser jusqu’à la fin des jours
Jolie respiration par ailleurs avec Fils de Bahia qui vient comme un baume dansant. Sans trop en dévoiler, voici un album accompli, résolument personnel et rendant hommage à une voix de la chanson française oubliée, celle de ce “tout petit pachyderme de sexe féminin qui en avait gros sur le cœur et ras la trompe”, un belle personne qui ne manque pas non plus d’évoquer de manière étrangement acide les “cabrioles dans les foins”.
Colette Magny, qui faisait corps et âme avec ses titres, était celle “que la mort hantait et que la vie épouvantait”. Elle était celle qui aurait tant aimé “danser jusqu’à la fin de ses jours”. Lila Tamazit et ses amis se penchent sur tout cela avec un art plein d’élégance, de musicalité et une sincérité qui ne peut que toucher.
Ici, la voix de Lila claque au vent, claque au chant. Passeuse, elle ferraille, avec une présence pudique voire effacée, avec le souffle d’une artiste dont elle transmet la parole, la claire lumière d’émotion désespérée, la force emplie d’un blues de la fragilité sans fard.
Jean-Dominique Burtin
“Lila Tamazit trio chante Colette Magny”,
Ras la trompe, Prado Records. 15 euros
Album soutenu par
Les Bains-Douches (Pôle régional Chanson de la Région Centre-Val-de-Loire) et la Ville d’Orléans.
Se le procurer :
perrault.pierre37@gmail.com et Pierre Perrault, 37, rue de la Tour Neuve, Orléans. Adresser 2 euros pour frais d’envoi.
Prochains concerts :
-le 8 mars à 20 heures au Studio de L’Ermitage , 8, rue de l’Ermitage, Paris XXe;
-le 24 mars à 19h30 au
Théâtre de la Tête Noire à Saran (programmation Ville de Saran)