“Le futur pont de Jargeau ne fragilisera pas l’inscription du Val de Loire à l’Unesco”

Le 30 novembre 2000, le Val de Loire obtenait son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO en tant que paysage culturel. Vingt ans après, Magcentre revisite ce patrimoine unique et précieux que constitue notre dernier fleuve sauvage d’Europe avec notamment des interrogations sur le futur pont de Jargeau et sa déviation.  Eléments de réponse avec Bruno Marmiroli, directeur de la Mission Val de Loire.

La Loire à Orléans, la Ville ne tourne plus le dos à son fleuve © SD

Depuis vingt ans, le Val de Loire entre Sully-sur-Loire à Chalonnes (voir encadré) est donc inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des paysages culturels, évolutifs et vivants. Comme l’indique le site de la Région Centre Val-de-Loire, ces paysages sont définis comme « des œuvres conjuguées de l’homme et de la nature qui conservent un rôle social actif dans une société contemporaine. Étroitement associés au mode de vie traditionnel, ils sont évolutifs et montrent des preuves manifestes de cette évolution au cours du temps ». 

Aussi, pour faire le bilan de ces vingt années d’inscription, Bruno Marmiroli, directeur de la Mission Loire (créée en 2002 et basée à Tours) a accordé à Magcentre un entretien exclusif.

Bruno Marmiroli, directeur de la Mission Val de Loire © F Vautier MVL

Le Val de Loire est classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Or, il s’agit d’une inscription. Quelle est la différence ?

Bruno Marmitoli : Un classement, en droit français, entraîne des prescriptions architecturales, paysagères, environnementales… tandis que l’inscription, elle, est cadrée par un plan de gestion [créé fin 2012 et géré par l’Etat via la DREAL, NDLR] qui donne un référentiel pour des actions communes. Donc, une inscription est moins prescriptive, on est plutôt dans la recommandation et l’accompagnement. C’est moins contraignant sauf qu’à partir du moment où un bien est inscrit, surtout à l’échelle d’un paysage aussi étendu que le Val de Loire, cela n’empêche pas l’inscription d’un certain nombre de points qui concentrent toutes les attentions. Cela veut dire que les collectivités locales qui sont dans le périmètre de l’inscription ont à cœur d’intégrer les fondamentaux du plan de gestion à l’intérieur de leur démarche de développement urbain. Ce sont des contraintes qui s’imposent de manière collective.

Un site ou un paysage peut-il perdre son inscription ?

B.M. : Cela arrive très rarement mais c’est possible. Ainsi, en Allemagne, la ville de Dresde a perdu son inscription en 2009 pour la vallée de l’Elbe à cause de la construction d’un pont à quatre voies au cœur de ce paysage culturel. 

Justement le futur pont de Jargeau pourrait-il fragiliser l’ inscription du Val de Loire ?

B.M. : Non je ne crois pas même si ce  pont en tant que tel suscite des interrogations tout à fait légitimes. Je n’ai pas travaillé sur ce dossier car je suis arrivé après mais visiblement le dessin de ce pont a été considéré comme compatible avec l’inscription UNESCO. Toutefois un tel ouvrage n’est pas un objet technique isolé du reste du territoire mais il est destiné à accueillir un réseau routier et c’est plutôt cela qui interroge. En effet, l’inscription du territoire vaut beaucoup pour la qualité de la trame des voies, du parcellaire agricole, ce continuum-là. On pourrait donc dire que la déviation de Jargeau est contradictoire avec cette lecture du territoire. En tout cas c’est l’argument de ceux et celles qui s’y opposent. Mais pour autant, à l’époque où le dossier a été évalué, il n’a pas suscité d’opposition de la part de l’instance ingénierie qui surveille ce projet.

Maquette du futur pont de Jargeau ©DR

En tout cas la Mission Val de Loire n’a pas de rôle prescriptif, on ne peut pas s’opposer à un projet. Par ailleurs, on ne peut pas figer ce périmètre UNESCO dont l’intitulé est rappelons-le “un paysage culturel, évolutif et vivant”. La vraie question qui se pose et qui est très difficile c’est de savoir à quel moment l’intégrité du site est menacé ?À la Mission Val de Loire, nous avons tendance à renverser cette question et à nous demander sur quelle base un projet a une valeur. Et c’est à partir du moment où on aura l’impression que tout le monde considère que c’est un bien commun, que ces questions tomberont d’elles-mêmes, enfin me semble-t-il. 

[Cette demande d’inscription du Val de Loire avait été refusée lors du dépôt du premier dossier en 1999 puisque le périmètre comprenait la centrale nucléaire de Saint-Laurent des-Eaux. Une centrale qui n’a pas disparu depuis mais qui a été exclue du périmètre du second dossier, NDLR.]

Quel bilan faites-vous de ces 20 ans d’inscription ?

B.M. : Je dirais que cela a d’abord permis d’améliorer la connaissance du territoire grâce notamment aux nombreuses recherches qui sont faites et qui ont été intensifiées depuis l’inscription, que ce soit dans les dimensions patrimoniales depuis les périodes médiévales, Renaissance, siècle des Lumières, jusqu’aux dimensions environnementales. On a donc maintenant un corpus conséquent . Charge à nous, Mission, de faire en sorte que ces connaissances soient partagées au fil des années par tous mais aussi par les collectivités. Je dirais aussi que tout ce travail a permis un attachement accru des riverains et des habitants à leur patrimoine ligérien, naturel et culturel. C’est là vraiment notre cœur de mission !

Propos recueillis par Sophie Deschamps

Le Val de Loire inscrit en 2000 au patrimoine mondial de l’UNESCO entre Sully-sur-Loire à Chalonnes, ce sont près de 300 km, 800 km² répartis sur 2 régions, Centre-Val-de-Loire et Pays de la Loire, quatre départements (Loiret, Loir-et-cher, Indre-et-Loire et Maine-et-Loire), 18 intercommunalités, 160 communes, soit 1,2 million d’habitants ainsi que des centaines de petits et grands monuments, dont les châteaux de la Loire (Chambord a été classé patrimoine UNESCO en 1981) .

Sans oublier que notre Région compte trois autres sites inscrits à l’UNESCO : les cathédrales de Chartres (1979) et de Bourges (1992)  ainsi que  la collégiale Saint-Étienne à Neuvy-Saint-Sépulcre dans l’Indre (en 1998).

En France, seuls 45 sites sont inscrits à l’UNESCO.

 

 

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