Dans les bacs depuis le 23 octobre, le DVD « À nos promesses », réalisé en noir et blanc par François Goetghebeur, retrace le dernier road trip américain de Johnny Hallyday. Une traversée de la Nouvelle Orléans à Los Angeles, organisée par Carole et Philippe Lacarrière, deux guides professionnels de Saint Denis-de-l’Hôtel (Loiret) et créateurs de Greatescape. Quatre ans après, ils évoquent leurs souvenirs aux côtés du biker.
Johnny Hallyday en tête de la bande de potes sur la route “Easy Rider”. ©CaroleLacarrière
« Tu te débrouilles, on fait ‘Easy Rider’ à la fin de la tournée !, lance Johnny à Philippe Lacarrière dans les coulisses du Zénith d’Orléans en octobre 2015. Je veux refaire un tour avec vous ». Un tour ? Comprendre un road trip en moto aux States sur plusieurs milliers de kilomètres, comme les adore Johnny. 5000 cette fois à préparer, de la Nouvelle Orléans à Los Angeles. « Une traversée sur les traces du film culte de Denis Hopper. Le truc qu’on n’imaginait pas faire un jour. »
Fin septembre 2016, un an avant sa disparition et avant que son cancer ne soit diagnostiqué, le rocker de 72 ans chevauche une Indian noire pour 15 jours d’une traversée fatigante mais inoubliable avec sa bande de potes de toujours, les « frères » Pierre Billon, Philippe Fatien, Billy et Claude Bouillon pour les plus intimes, Dimitri Coste (photographe), Sébastien Farran (producteur et manager) et Carole Laccarière qui roulera à leurs côtés pour les guider sur l’itinéraire et assurer la sécurité.
Un passionné de westerns
Se succèderont alors la fameuse maison des planteurs en Louisiane que l’on voit à la fin d’Easy Rider, à San Antonio et le légendaire Fort Alamo, en passant par le Texas de Wim Wenders (Paris, Texas) ou la ville de Big Spring de John Schlesinger (Macadam Cowboy), puis Santa Fe, les territoires indiens avec le parc national de Mesa Verde à flanc de canyon, Durango, Monument Valley, Prescott et Blythe… « Toutes ces villes, ces paysages de liberté que Johnny adorait, raconte Philippe, qui suivait de son côté en pick-up avec le matériel logistique et les bagages. C’était un passionné de livres, un grand fan de westerns et de films américains qu’il regardait en VO. Intelligent et cultivé, un sacré bonhomme. »
Un grand timide, mélancolique
En 2007, Carole et Philippe organisent le 1er tour de Johnny. (En haut à g.) ©StéphaneKyndt
L’aventure Johnny Hallyday, pour Carole et Philippe, commence en juillet 2007 avec l’organisation d’un premier road trip de 3000 km en Harley, Santa Fe – Los Angeles. « C’est l’époque Adeline. L’homme de confiance de Johnny est un de nos amis. Il veut organiser un trip à moto. Mais il a besoin de conseils, d’un peu d’aide et de nos connaissances des U.S. ‘Je vais en parler au ‘Grand’ »… Et c’est ainsi qu’ils vont se retrouver à l’aéroport de Santa Fe : « Johnny arrive en jet privé. ‘Bonjour, moi c’est Carole. Salut, c’est Johnny ! », se souvient la bikeuse, par ailleurs grande fan du chanteur. Une première virée qui aura permis à Carole et Philippe de vivre au côté du rocker et de rentrer un peu dans sa sphère. « C’est un vrai loup qui a l’instinct immédiat de ce qui est bon pour lui ou pas, poursuit Carole. C’est un grand timide, un sentimental, qui parle peu. Il peut être taciturne, mélancolique, en lutte contre certaines choses. Au niveau des relations, ça passe ou ça casse. Mais si le courant passe, vous êtes vite dans son entourage proche. »
Des quintes de toux en altitude
Ainsi, Carole et Philippe sont progressivement rentrés dans la bande. Ou plutôt la « meute », comme disait Johnny : « on roule ensemble, on mange ensemble, on vit ensemble ! ». Des journées pas toujours faciles d’ailleurs, avec des rythmes assez soutenus, de la poussière à avaler, de violents orages parfois à traverser, mais aussi de bonnes parties de rigolades… « La route est longue, souligne Philippe, avec 500 km par jour à faire, parfois par 40 degrés et 90 % d’humidité, avec une bande qui a plus de 70 ans, faut quand même le faire ! ». Ce qui n’a pas empêché Carole de ressentir quelques inquiétudes malgré tout. « Sur le dernier trip, je l’ai senti fatigué. Il avait des quintes de toux. Il ne supportait pas l’altitude. Mais il a été très fort : la passion fait faire beaucoup de choses. »
Johnny en 2007 au cœur du Grand Ouest américain. ©CaroleLacarrière
Et pour Johnny, c’était celle des paysages et des grands espaces, de la culture des Navaros, des bijoux et des poteries indiennes. « C’était quelqu’un de généreux, poursuit Carole, qui n’hésitait pas à offrir quelque chose d’onéreux à un de ses amis qui ne pouvait pas se l’offrir. » Et un cœur tendre qui craquait pour les chiens. Comme ce jour où Carole trouve une toute petite chienne abandonnée dans une station service : « Quand Johnny l’a vue par la fenêtre de la voiture, il m’a dit : ‘Je la garde ‘! Je savais qu’il fonderait, j’avais même trouvé un nom qui lui plairait, Cheyenne. Ça lui a redonné la patate ! »
Ce n’est que peu de temps après, que Johnny apprendra son cancer. « On a fait pas mal de bornes ensemble en pick-up sur le dernier tour. Il parlait de sa vie avec Laëtitia et ses filles dont il était content, avoir une vraie famille, confie Philippe. Il voulait faire cette route qu’il n’avait jamais faite. Personne ne pensait que ce serait le dernier trip… »
Estelle Boutheloup
Photo de Une ©CaroleLacarrière