À l’Assemblée Nationale vient de débuter les auditions sur l’utilisation des sels nitrités dans l’agroalimentaire et les risques de cancer colorectal induits. Le député Richard Ramos, élu Modem de la 6ème circonscription du Loiret, bien connu pour ses combats contre la malbouffe, est l’un des rapporteurs de la mission d’information sur les sels nitrités. Il a accepté de répondre aux questions de Magcentre sur ce sujet qui concerne aussi bien les producteurs artisans, les industriels, les distributeurs mais aussi et surtout la santé des consommateurs.
Richard Ramos ( REM-MoDem).DR
Pourquoi cette mission d’information sur les sels nitrités ?
Richard Ramos : Alors que les anciens savaient fabriquer des charcuteries sans sels nitrités, l’industrialisation de l’alimentation a entraîné une utilisation massive de ces additifs. Leur emploi était initialement justifié pour lutter contre le botulisme à une époque où l’hygiène n’était pas toujours de mise. Aujourd’hui leur objectif est de conserver la couleur rose de la chair mais également de raccourcir les délais de séchage de nos bons jambons et de notre cochonnaille française. L’objet de la mission que je dirige n’est pas d’étudier les nitrates ou les nitrites seuls, mais de savoir si le cocktail sels nitrités et fer nitrosylé (le sang de la viande) provoque ou pas des cancers colorectaux. L‘OMS a déjà répondu par l’affirmative : les sels nitrités sont un facteur de risque important de cancers colorectaux.
Ce débat peut se transformer en bataille d’experts sous la pression des lobbys. Certains vont mettre en avant le risque de cancer et d’autres le bénéfice bactériologique. Qu‘en pensez-vous ?
R.R. : Effectivement, dans ce dossier on subit beaucoup de pressions des lobbyistes qui préfèrent l’argent à la santé publique. Nous les avons auditionnés pour qu’ils puissent être combattus publiquement. Quant au soi-disant risque bactériologique, la réponse est dans les rayons du commerce : il existe déjà toute une gamme de produits sans nitrites et nous n’avons pas vu de réapparition du botulisme.
Pourquoi certains produits contiennent-ils des sels nitrités ?
R.R. : Cet additif retient l’eau. On peut ainsi vendre de l’eau au prix de la viande. Certains mauvais industriels souhaitent fabriquer et distribuer deux types d’aliments : l’un, à petit prix pour les pauvres, avec des sels nitrités et le droit d’en mourir et l’autre, plus onéreux et sans sels nitrités, pour les classes les plus aisées. Pour ma part, je veux une alimentation saine, sûre, durable et accessible pour tous les français. À la fin des auditions, avec mes collègues de la mission, nous rendrons rapidement notre rapport, puis je proposerai une loi en début d’année 2021.
Si les sels nitrités ne sont pas interdits, faudra-t-il mettre en place une signalisation sur les emballages indiquant leurs risques pour la santé ?
R.R. : Je ne le souhaite pas. Comment pourrions-nous accepter un produit particulièrement dangereux pour la santé du consommateur, même avec un étiquetage particulier ou un label ? Nous ne sommes pas dans le cadre du sel ou du sucre ou c’est la quantité qui fait le poison. Les sels nitrités sont réellement cancérigènes et à risque immédiat. Il faut les interdire et revenir à la qualité en respectant le temps nécessaire pour un séchage correcte des charcuteries. Par ailleurs, il existe des produits naturels, sans risque et autorisés par l’État, qui permettent de palier à l’ajout de sels nitrités.
Que vous a appris cette mission ?
R.R. : Cette mission a démontré que certains services publics étaient sous influence financière des industriels. Mais les pressions ne m’impressionnent pas. Je défendrai coûte que coûte le bien-manger à la française.
Voulez-vous dire que dans « certains services publiques » la corruption peut exister ?
R.R. : Je n’évoquerai pas à proprement parler de corruption mais je parlerai soit de conflits d’intérêts soit de conflits moraux. Je m’interroge sur le fait que Monsieur Bernard Vallat, Président de la la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT) et donc défenseur des industriels sur ce dossier, ait été une personnalité imminente au ministère de l’Agriculture.
Propos recueillis par Jean-Paul Briand