#Artisanapoil : Des nudités fortes et engageantes

Lancé début novembre, la mobilisation des artisans et petits commerçants contre le confinement imposé par le gouvernement prend de l’ampleur, boosté par les photographes.  Ils sont désormais près d’un millier à « se mettre à poil » sur les réseaux sociaux pour alerter l’opinion sur leur sort, comme à Lorris (Loiret), à l’initiative de Delphine Héau. Dans la métropole orléanaise, la bijoutière Christelle Cariou, la coiffeuse Aurélie Gallier et le restaurateur Frédéric Arlettaz ont rejoint cette semaine un mouvement qui révèle un autre phénomène : une forte majorité de femmes impliquées dans ces activités dites « non-essentielles ».

« Nous disons bravo, bravo à toutes celles et ceux qui acceptent de se photographier dans le plus simple appareil. La nudité n’est pas de l’exhibitionnisme ou de la séduction vulgaire, mais une vraie expression personnelle forte et engageante ! Cette action collective en est encore une preuve ! Gardons espoir en des lendemains meilleurs, nous sommes une belle communauté ! ».

Le communiqué rédigé par les photographes à l’initiative du mouvement est clair et personne ne s’y est trompé parmi les participants ou leur clientèle…même s’il n’est pas partagé par tous les confrères. Il n’est pas un jour, désormais, où la presse locale se fasse l’écho de nouvelles professions qui s’y mettent, quand ce n’est pas des villages tout entier. Ainsi, à Lorris (Loiret), c’est Delphine Héau, une artisan photographe, qui a su convaincre plus d’une douzaine de personnes, toutes des femmes, de la suivre (1).

A Lorris, les commerçantes se mobilisent autour de la photographe Delphine Héau.

Il n’y a que les femmes qui ont accepté, pas les hommes” dit celle qui était encore en début de semaine la seule du Loiret à suivre ce mouvement national. “Certains ne comprennent toujours pas pourquoi nous faisons cela“. Elle admet certaines des mesures demandées mais pas toutes.

Nous devons restées fermées à cause des risques du covid. D’accord. Au mois de mars, c’était strict, et on l’acceptait. Après, on nous a demandé d’appliquer des conditions d’hygiène particulières, et on l’a fait. Maintenant, on doit à nouveau fermer, alors qu’ailleurs, il y a un relâchement“, s’étonne-t-elle. Quant aux aides gouvernementales, elle est plutôt sceptique. “En mars, j’ai dû arrêter de travailler à la moitié du mois. Comme les aides sont calculées sur le chiffre d’affaires, j’ai touché 75€ !”.

Un mouvement national, et orléanais !

Aurélie Gallier, coiffeuse à Orléans

L’idée de poser nu pour dénoncer les incidences de ce 2e confinement sur les artisans a commencé dans le nord de la France avec une esthéticienne, suivie d’un coiffeur, puis d’un barbier. Mais c’est un photographe de l’Oise qui a eu le déclic, en trouvant le bon slogan « Quitte à être mis à poil, je préfère le faire moi-même ». Moins de 15 jours après, ils sont près d’un millier à partager leurs clichés « militants » sur Facebook et Instagram, sur leur pages perso et dans les groupes créés pour l’occasion, #artisanapoil.

Ainsi, Aurélie Gallier, coiffeuse à Orléans, a aussi donné de sa personne en début de semaine. « Il s’agit d’une campagne forte, à partager sans aucune modération, afin de faire entendre « les commerces non essentiels » dont la fermeture, imposée par les mesures gouvernementales, met en péril nos commerces », a-t-elle écrit dans un message publié sur sa page Facebook, et relayé par France Bleu Orléans.

Christelle Cariou, bijoutière à Ingré.

A Ingré, Christelle Cariou, qui tient la boutique Amour de Bijoux, a essayé de rallier ses amies commerçantes à la cause, mais n’a pas attendu trop longtemps pour se lancer. La photo était en ligne ce vendredi 13 novembre. “L’État nous met à poil. Je rejoins le mouvement de solidarité pour protester contre la fermeture des petits commerces. Ce confinement est une injustice totale ! Nos boutiques ne sont pas des lieux de contamination !“.

Frédéric Arlettaz, restaurateur à Chécy

Idem pour Frédéric Arlettaz, le patron du restaurant le Week-End, à Chécy, restaurateur et fermé. “Je soutiens tous mes collègues et amis commerçants, artisans, artistes, impactés par cette crise sanitaire qui va en laisser plus d’un sur le carreau“. Publiée ce samedi 14 novembre, la photo a déjà été largement partagée par ses “amis” des réseaux sociaux.

A Lorris, les participantes étaient coiffeuse, esthéticienne, artiste, graphiste, etc. Au niveau national, on trouvait aussi des toiletteuses pour animaux, des marchandes de vêtements, et même une ébéniste, dans le Var, ou deux gérantes d’une auto-école, à Nice. Chaque jour apporte ses nouvelles contributions, et des métiers nouveaux, tout autant concernés.

De nombreux métiers…très souvent féminins !

« Ceux qui croient que l’on peut compenser tout cela par des euros n’ont pas de cœur, ne comprennent pas toutes les composantes de notre activité ! Les photographes ne veulent pas de tunes, ne veulent pas être assistés mais continuer d’exercer, à gagner leur vie normalement avec leurs clients … et nous pouvons le faire de manière responsable !”, précisent les initiateurs de cette mobilisationEn soulignant que  “ce mouvement concerne l’ensemble des artisans et commerçants. Par cette action les photographes expriment aussi leur solidarité envers des consœurs et confrères de métiers pas si lointains qui n’ont pas la même chance d’être aidé ainsi” .

Karine, de L’atelier de la coiffure, à Vatan (36)

Mais, au regard des photos qui s’accumulent sur les réseaux sociaux, un constat s’impose. La majorité des contributions sont féminines ! Chez les photographes, c’est flagrant et explicable. “Il y a de moins en moins d’artisans photographes installés dans les villages avec un pas de porte. Quand j’ai commencé dans le métier, j’étais la seule femme dans le secteur. Aujourd’hui, les hommes sont beaucoup moins nombreux. Il y a beaucoup moins de photographes avec boutique, et surtout des photographes en auto-entreprise. Le métier est de plus en plus difficile financièrement. Mais, pour une femme, il apporte des facilités d’emploi du temps, pour le concilier avec la vie de famille“, justifie Delphine Héau… qui s’est fait (exceptionnellement) photographier par sa fille de 13 ans pour ce cliché. 

Delphine Heau, photographe à Lorris

Jusqu’où ira l’aventure ? Personne ne le sait, sinon que l’ampleur déjà atteinte ne s’était jamais vue. Mais, surtout, un constat s’impose : la majorité des professions représentées le sont par des femmes. Personne n’ira dire qu’elles le font car plus exhibitionnistes que les hommes. Mais, plutôt parce qu’elles tiennent à défendre leur métier et qu’elles sont en colère !

Pointer du doigt leurs professions en estimant qu’elles sont « non-essentielles » est peut-être  une erreur de langage, mais se ressent pour beaucoup comme un affront, jugé de plus en plus à forte connotation sexiste.

Jean-Luc Bouland

(1) : Les photos de ce type, même entre professionnels, ne sont pas autorisées, car considérées comme des “projets” personnels”. Celles publiées ont été faites à titre individuel, avant les restrictions, puis rassemblées par les photographes impliqué-e-s.

Commentaires

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  1. BRAVO LES COMMERÇANTS ET COMMERÇANTES !
    Même si toutes et tous n’ont pas nécessairement le charme érotique dont on pourrait rêver, c’est tout de même un admirable soulèvement de la FRANCE PROFONDE ! 😉

    • Bonjour Jacky ! je suis sidérée par votre commentaire. J’aurai voulu si vous avez du charme. Ce ne sont absolument pas des photos de charme, juste des photos de commerçants écoeurés par ce qui leur arrive avec des aides qui ne sont pas à la hauteur … La France Profonde vous emm….. vous devez être encore un bobo parisien qui vient pourrir nos campagnes le week end et nous ramener ce satané virus.

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