Le loup est le plus mal aimé des animaux, mais aussi celui aussi qui de tous temps a fasciné les hommes. Dans Le Roman de Renart, le Moyen-Age lui fait une place, La Fontaine brosse son portrait dans certaines de ses fables et que dire du Petit Chaperon Rouge, de la bête du Gévaudan et des loups qui ont longtemps hanté la forêt d’Orléans. On l’a cru complètement disparu de nos montagnes, de nos forêts, de nos campagnes ? Or voilà qu’il est de retour dans nos contrées.
Le moment est donc parfaitement choisi de nous révéler ce que sont ces animaux, comment ils vivent et l’univers mystérieux qui les a toujours entourés. L’olivetain Jacques Baillon, passionné par la faune et la flore vient de publier chez Ramsay un livre passionnant qui dit tout sur le loup. C’est un beau livre, de ceux qu’on offre à Noël, que l’on explore en famille. Un livre de référence.
Une iconographie au service du texte
Déjà la couverture retient l’attention. Elle est entièrement occupée par la photo d’un loup superbe. Altier, pelage magnifique, regard impénétrable et fascinant, c’est un seigneur, un prince dans son univers. Arrêtons-nous d’abord sur l’élégante mise en page et l’iconographie collectée auprès de photographes du monde entier, choisie pour être explicite, pour servir l’animal.
Elle montre le loup dans tous ses états, marcheur invétéré, amateur de grands espaces, les sens aiguisés, féroce à la chasse quand la faim l’y contraint, attaquant en meute, parent attentif de louveteaux éduqués en commun au sein de la meute. Un loup qui a des cousins, carnassiers comme lui et des ennemis car il tue pour manger. Combien de brebis, de cerfs, de chamois, d’isards ont fini dans son estomac ? Les éleveurs dans les estives n’en finissent pas d’en énumérer la liste.
La meute, vie sociale des loups
Passons au texte qui est une mine d’informations distribuées selon un plan qui décline une à une toutes les facettes de la problématique loup car de tous temps le loup fut un problème pour l’homme, un rival, un symbole, une énigme, un animal fantasmé, source de ces frissons, qu’au fond de nous, nous savourons sans oser le dire.
Comme il se doit, le premier chapitre présente le loup, proche et différent du chien, dont il existe plusieurs races, ce qu’on ignore, des grands et des petits qui vivent en moyennes 12 ans. Les chapitres suivants nous disent tout sur le mode de vie de l’animal, sur sa structure sociale qu’est la meute « hiérarchisée où les règles sont intangibles » qui compte au minimum quatre individus et peut aller jusqu’à dix, parfois un peu plus. « La territorialité et la hiérarchisation sont les deux éléments qui régissent la vie sociale des loups » nous dit Jacques Baillon. Le territoire d’une meute est en moyenne de 300km2 et ses limites sont marquées par l’urine, avis à la meute voisine que le domaine est réservé. En cas de non-respect l’affrontement est rude et même sanglant.
La dangerosité des loups
« Il semble, au travers de tous ces écrits, qui sont extrêmement nombreux et des opinions variées, voire contradictoires, qu’ils expriment, qu’on doive distinguer la période moderne (aucun loup n’a en effet commis d’exaction sur l’espèce humaine, en France depuis son retour il y a plus de 25 ans) et les siècles précédents ». « Les bêtes dévorantes » avaient jadis très mauvaise réputation. L’histoire de la « bête de Chaingy » qui en 1814 dévora plusieurs femmes et enfants en forêt d’Orléans en est un excellent exemple.
L’auteur envisage plusieurs causes à cette agressivité meurtrière. Il cite les loups enragés qui mordaient tout ce qu’ils rencontraient, les « loups nettoyeurs c’est-à-dire mangeurs de charognes, y compris humaines ». Bien que très rares, l’auteur n’omet pas les attaques d’enfants dans les champs sous l’empire de la faim qui pourraient aussi être celles de chiens errants. Alors le loup dangereux pour l’homme ? Dans le doute et parce qu’il était très présent sur le territoire hexagonal les générations des temps anciens ont décidé d’éliminer « ce concurrent » des éleveurs et des villageois, amateur de moutons et de petits enfants, envoyé par le diable pour punir les hommes de leurs pêchés. Aussi on l’empoisonne, on le piège, on organise des battues, on lance des chiens à ses trousses, on met le feu à sa tanière, au XIXème siècle, sa tête est mise à prix. Aussi finit-il par disparaître, enfin pour un temps car il est désormais de retour et non réintroduit. Ce grand voyageur nous est revenu en douce des Balkans, via l’Europe centrale et l’Italie, à pas de loup à moins que ce ne soit à la queue leu leu, entre chien et loup, autant d’expressions et bien d’autres auxquelles il a donné naissance.
Un challenge pour demain
Disons comme le rapporte Jacques Baillon à partir de l’ouvrage de Jean-Marc Landry paru en 2017, qu’« il existe deux types de loups. Le premier est celui de notre imagination, le second est celui des scientifiques ». Vivre avec le loup s’est révélé une cohabitation compliquée au cours des siècles passés. Que sera-t-elle dans l’avenir ? Malicieux, Jacques Baillon s’interroge et conclut « il y a aujourd’hui en France autant de « spécialistes du loup » que de loups » les idées n’ont pas fini de bouillonner ».
Le loup n’a pas fini de tenir sa place dans l’histoire de l’humanité.
Françoise Cariès
« Les loups »
Jacques Baillon
Préface d’Alain Bougrain Dubourg et René Rosoux
Editions Ramsay 190 pages, 29,90 euros