Né le 11 décembre 1927 à Istanbul, Élie Alfandari, premier doyen de la faculté de droit et sciences économiques d’Orléans de 1967 à 1969, professeur de droit privé à Orléans de 1967 à 1982, vient de nous quitter.
Le doyen Élie Alfandari et son lointain successeur Pierre Allorant avec des étudiants dans l’amphi Simone Veil, Photo de Florent Bourget, UFR DEG, 2017.
Après les doyens honoraires Philippe Bretton, Henri Jacquot et Georges Gallais-Hamonno, c’est le premier doyen de la faculté de droit contemporaine d’Orléans, Élie Alfandari, qui vient à son tour de s’éteindre.
Licencié en droit, diplômé d’études supérieures de droit privé, droit public et histoire du droit de l’Université de Poitiers en 1951, Élie Alfandari, une fois son service militaire effectué, devient inspecteur des Affaires sociales, en province puis au ministère de la Population à Paris. Docteur en droit en 1958, avec sa thèse sur Le droit aux aliments en droit privé et en droit public, il est chargé de cours à la faculté de droit de Poitiers. Reçu au concours d’agrégation de droit privé en 1959, il est détaché à l’université de Phnom-Penh en 1960 et 1961, découvrant l’art khmer, avant d’être nommé à l’université de Poitiers.
L’éveilleur de la grande école de droit d’Orléans endormie
C’est là que vient le chercher, en 1967, le maire d’Orléans Roger Secrétain, accompagné du recteur Gérald Antoine, afin qu’il rebâtisse l’enseignement universitaire du droit et de l’économie dans la cité de Jousse et de Pothier, destinée à soulager les facultés parisiennes de leur récente surabondance d’étudiants. Il « efface les deux siècles de sommeil de la grande école de droit d’Orléans ». (1)
En effet, dès 1962, la municipalité d’Orléans avait ouvert l’école municipale de droit de l’avenue Dauphine, placée sous la tutelle scientifique de la faculté de droit de Paris, transférée en 1965 sur le campus de la Source, à côté du château. Cette école devient alors, par le décret du 3 juin 1966, Collège universitaire de droit et de sciences économiques, placé sous la tutelle scientifique de la faculté de droit de Poitiers.
Trouvant son inspiration humaniste dans les enseignements de son collègue poitevin Jean Carbonnier, le professeur de droit privé, passé du droit sanitaire et social au droit des affaires, innove en faisant intervenir dans ses cours des professionnels, des chefs d’entreprise qui lui permettent de relier le droit des affaires à l’économie et à la gestion. Cet enseignement vivant, à la fois pluridisciplinaire et concret, assure aux étudiants une insertion aisée et de qualité.
C’est le décret du 24 octobre 1968 qui transforme le Collège en faculté, puis avec la mise en place de la loi d’orientation d’Edgar Faure, en Unité d’Enseignement et de Recherche groupant les départements juridiques et économiques au sein de l’Université d’Orléans. Élie Alfandari est directeur du Collège puis doyen de la faculté de droit d’Orléans du 12 janvier 1967 au 31 mars 1969, et se voit attribuer les titres de directeur honoraire et de doyen honoraire le 28 octobre 1969, acceptant par la suite d’épauler Georges Gallais-Hamonno en tant que vice-doyen.
Lors du conseil du 15 novembre 1969, le doyen Alfandari insiste sur le fait que « nous devons nous définir et agir non seulement au sein de l’Université, mais aussi sur le plan régional ».
Il crée en 1974 le DEA de droit économique, fonde et dirige en 1976 l’Institut de droit économique et des affaires (associé au CNRS), ancêtre de l’actuel laboratoire CRJ Pothier. Il est membre du conseil de l’université, membre du conseil scientifique, président des commissions de spécialistes de droit privé et de gestion.
« Pothier du droit sanitaire et social » et rebelle stimulant du droit des affaires
En parallèle, il codirige à Paris I Panthéon-Sorbonne un 3e cycle de droit et économie de la Santé.
Recruté en 1982 par l’université Paris-Dauphine, Élie Alfandari fonde et dirige dès 1983 l’Institut de Droit économique, fiscal et social, résolument pluridisciplinaire, et y lance le DEA de droit économique et social.
Élie Alfandari a marqué le droit social en créant dès 1958 la première Revue de l’aide sociale, devenue en 1965 la Revue de droit sanitaire et social. Il a publié le premier précis Dalloz sur Action et aide sociales puis chez Litec un traité de Droit des affaires en 1993 qui « est d’abord un fruit, mais se veut aussi une graine », un terrain de germination des débats.
Venu à sa suite de l’université de Poitiers à Orléans, le Professeur Joël Monéger a été son successeur, aussi bien à la direction de la faculté de droit d’Orléans de 1998 à 2001 qu’à l’université Paris-Dauphine, avant de diriger ses Mélanges.
Venu en voisin, de sa maison de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin, Élie Alfandari avait pris part avec grand plaisir en 2016 au cinquantenaire de la faculté contemporaine à l’hôtel Dupanloup, initié par le doyen Cem Ertur, apportant son témoignage personnel et sa passion de l’enseignement supérieur. Une nouvelle fois il y a trois ans, il était venu rendre visite au personnel et à son lointain successeur, rencontrant avec joie et bonhomie les étudiants dans l’amphi Pothier.
Le doyen Pierre Allorant
(1) Joël Monéger (dir.), Droit drôle ou drôles de droits. Mélanges en l’honneur d’Élie Alfandari, Dalloz, 2000. Merci à Jean-Michel Alfandari pour les précisions biographiques fournies.