L’association France États-Unis, créée en 1945, se donne pour mission d’entretenir les relations entre la France et les États-Unis sous l’angle culturel en organisant des conférences, des expositions, des voyages à thème et, surtout, en célébrant les grandes fêtes américaines comme Independence Day le 4 juillet ou Thanksgiving chaque fin de novembre. À ce jour, 25 comités existent sur le territoire français rassemblant plus de 2 500 membres. L’élection présidentielle a donc été au cœur de son actualité. Des Happy Hour expliquant le système électoral ou présentant les programmes des deux candidats Biden et Trump ont eu lieu juste avant le deuxième confinement. En ce début de novembre, à l’heure où les résultats des élections américaines nous tiennent en haleine, le Président de France États-Unis, Jérôme Danard, revient sur la singularité de ce scrutin.
Jérôme Danard (à gauche), président de France-États-Unis avec Jean-Luc Hees (à droite), lors des derniers Rendez-Vous de l’Histoire de Blois. ©Sandrine Gouble
Êtes-vous surpris par les résultats très serrés de cette élection ?
Jérôme Danard : Le système électoral américain est très compliqué. Il ne s’agit pas d’un vote populaire comme en France. Souvenons-nous : en 2016, Hillary Clinton obtient le plus de voix et n’est pas élue pour autant. Pourquoi ? Parce que le président des États-Unis est élu au suffrage indirect. Chaque État élit en réalité des grands électeurs selon la règle « the winner takes all ». Les grands électeurs sont au final acquis à un des deux candidats. Certains États sont historiquement démocrates, comme la Californie, et d’autres républicains, comme le Dakota du Nord. Seuls quelques États dits « swing states » créent le suspense. Et cette année, les états de Pennsylvanie et de la Géorgie font l’objet de toutes les attentions.
Vous dîtes que les sondages américains prédisaient une vague bleue, une vague démocrate pour les élections de 2020, qu’en est-il ?
J.D. : Les premiers résultats contredisent les sondages. Le candidat Trump remporte le Texas et la Floride à la surprise générale. Qui plus est, le vote par correspondance a été massif. Plus de 100 millions d’Américains se sont exprimés avant le vote du 3 novembre. Ce qui ne s’était jamais vu dans l’histoire des États-Unis. Certainement un effet Covid difficile à mesurer par les instituts de sondage. En tout cas, cette élection va se concentrer seulement sur cinq états sur un nombre total de 50, à savoir la Pennsylvanie, la Georgie, l’Arizona, la Caroline du Nord et le Nevada.
Selon vous, pourquoi une partie des électeurs américains font-ils confiance à Donald Trump alors que ce dernier est peu crédible en Europe ?
J.D. : Comme les sondages annonçaient une vague bleue qui au final devient un coude à coude entre les candidats Biden et Trump, force est de constater que certains supporters trumpistes qui ont été sondés n’ont pas tous dit qu’ils allaient voter pour Donald Trump. Avec les premiers résultats, il existe un certain vote d’adhésion au président sortant de manière indéniable dans les minorités et la classe ouvrière. Un attrait aussi de la communauté latino tout comme une frange de la communauté afro-américaine malgré les violences qu’ont connues les États-Unis, avec le mouvement Black Lives Matter. Les idées conservatrices du parti républicain et le style businessman du candidat semblent séduire puisque Donald Trump dépasse son score de 2016 en nombre de voix. Par voie de conséquence, des interrogations existent même sur l’adhésion de l’électorat ouvrier au discours du candidat Biden qui a perdu dans l’Ohio ! En tout cas, arrêtons de regarder les élections américaines à travers le prisme européen ou français. Le peuple américain est trop singulier pour être caricaturé.
N’avez-vous pas l’impression que les médias français ont fait ouvertement du Trump bashing ?
J.D. : À ma grande surprise, la presse française s’est beaucoup intéressée à cette élection américaine. Il est vrai que les prises de décision du président des États-Unis ont non seulement des impacts pour les États-Unis mais aussi pour les pays du monde et a fortiori la France. C’est donc légitime d’être attentif à leur actualité politique. Cette élection est une étape importante car elle redistribue à la fois les cartes de la présidence, du congrès et de la chambre des représentants. En somme, toute l’institution politique américaine ! Toutefois, ce qui est surprenant est l’approche partiale de certains médias, qui pour beaucoup se sont appuyés sur les média américains qui une fois de plus se sont trompés dans leurs analyses. Tous les démocrates ne regardent pas forcément la chaîne CNN et tous les républicains ne regardent pas forcément Fox news.
L’Amérique est divisée en deux blocs qui paraissent irréconciliables. Comment voyez-vous la suite des événements ?
J.D. : Oui, l’Amérique est aujourd’hui divisée. Les candidats Biden et Trump représentent deux styles, deux méthodes, deux modèles de société opposés. Et les résultats serrés confirment cet état de fait. Des suspicions de fraude sont même évoquées. Les avocats des deux camps vont déposer des retours dans les prochaines heures. J’espère que les États-Unis qui sont la plus grande démocratie au monde ne vont pas rentrer dans une crise institutionnelle et que le chaos n’arrivera pas dans la rue. Cette situation explosive risque d’ébranler le pouvoir de l’Amérique et l’image dont jouissent les États-Unis. J’ai confiance en le peuple américain pour qu’il reste serein et rassemblé.
Qui sera le 46e président des USA ?
J.D. : Laissons le processus démocratique se dérouler. Le décompte n’est pas terminé. Les grands électeurs ne se sont pas encore réunis. Faisons confiance aux américains par rapport à la nomination du prochain président des États-Unis d’Amérique. Et si Biden est élu, il sera bien le 46e président des États-Unis d’Américaine, alors que si Trump est réélu, il demeurera le 45e président. Un deuxième mandat présidentiel ne change aucunement son rang. Wait and See. (Attendez et voyez)
Propos recueillis par Jean-Luc Vezon