Le spectacle “Blind” conçu par le musicien et joueur de cornemuse, Erwan Keravec, était proposé au public orléanais cette dernière semaine d’octobre, juste avant le reconfinement. Cette performance sonore originale puisqu’elle se déroule les yeux bandés pour les écoutants qu’on ne peut donc appeler spectateurs, avait été programmée une première fois en juin 2017, et nous écrivions alors : ” Guidé dans la salle et confortablement installé, après quelques instants légèrement angoissants, commence alors une expérience sensorielle où l’on découvre la curieuse imbrication des sens entre la vue et l’ouïe. Un paysage sonore se construit dans ce noir absolu, formé de souffles, de chuchotements, de bruits de pas ou de course, d’instruments que l’oreille remet en espace, du plus près au plus lointain, mais aussi dans les déplacements entremêlés de tous ces sons dans une sorte de chorégraphie invisible.”
© Aaron Benjamin
Le créateur du spectacle, Erwan Keravec, a proposé à la Scène Nationale d’Orléans de créer une version de ce spectacle avec un groupe d’enfants dans le cadre des ateliers artistiques et culturels proposés régulièrement par la Scène Nationale autour des spectacles invités, le plus souvent en direction des adultes. La veille du reconfinement général, le spectacle créé par les enfants a été présenté au public. Elise Lory, responsable de ce projet nous en dit plus de cette création intitulée “Blind for Kids”
Interview
D’où est venue l’idée de cet atelier réservé aux enfants ?
Elise Lory : L’idée à la base n’est pas la nôtre, c’est une proposition d’Erwan Keravec dans le cadre des ateliers amateurs que nos proposons toujours en lien avec un spectacle accueilli et programmé sur la saison. Blind est une performance plutôt à destination des adultes qui a été donné de jeudi à dimanche. Blind avait déjà été donné en 2017 en clôture de saison en juin avec un très gros succès pour ce spectacle, et comme beaucoup de spectateurs n’avaient pas pu avoir de place, on a donc décidé de le reprogrammer. Erwan Keravec nous a alors proposé de faire cette performance avec des enfants, et on a sauté sur l’occasion et mis en place cet atelier “Blind for Kids” sur trois jours.
Pourquoi un atelier avec des enfants ?
E.L. : Les ateliers amateurs sont importants pour nous, pour montrer que la Scène nationale n’est pas qu’un programmateur de spectacles. Nous faisons aussi découvrir le théâtre autrement et ces ateliers permettent aux participants de travailler de façon presque professionnelle, que l’on soit enfant ou adulte, au contact des artistes, de découvrir l’envers du décor mais aussi de former les spectateurs de demain que sont les enfants. Pour cela, il est important qu’ils se sentent bien dans ce lieu qu’est le théâtre qui leur est ouvert. Et en plus c’était pendant les vacances scolaires et nous allons proposer de plus en plus de choses durant les vacances, en plus des spectacles programmés.
Comment cela s’est-il passé avec les enfants ?
E.L. : L’important c’est que les enfants soient acteurs du projet. Le premier jour Erwan Keravec, avec la percussionniste Héloïse Divilly, les a installés dans la salle Vitez du théâtre, ils avaient tous entre huit et douze ans et n’avaient ni instrument ni prérequis en matière de musique. Dans ce lieu, ils ont commencé à explorer les objets qui permettaient de produire des sons, des bruits intéressants, le bruit des fauteuils ou des caches de prises électriques, le frottement des vêtements, le sons des corps, ils ont ainsi testé toute une gamme sonore animée par les deux artistes pour essayer de créer des enchaînements.
© Aaron Benjamin
Le lendemain les enfants ont commencé à construire des suites de sons et ils ont ensuite voté pour choisir collectivement les enchaînements et c’est eux qui ont petit à petit créé le spectacle, accompagnés des artistes. Le dernier jour, ils ont préparé et répété le spectacle du soir et à 19 heures ils donnaient leur performance d’une trentaine de minutes devant une salle qui affichait complet, avec les parents mais aussi des spectateurs qui comme pour “Blind”, avaient les yeux bandés avec les enfants tout autour d’eux qui produisaient des sons en se déplaçant. Et tout ça avec beaucoup d’émotion pour tous puisque c’était le dernier spectacle avant ce re-confinement que nous connaissons depuis vendredi.
Quels enseignements apporte cette aventure sonore ?
E.L. : L’idée c’était de proposer aux enfants une nouvelle expérience dans un partage avec d’autres enfants, de faire des nouvelles rencontres, découvrir le monde sonore et appréhender la musique d’une autre façon. Certains enfants venaient du Conservatoire, c’était pour eux la découverte de la musique expérimentale, des improvisations, mais aussi de créer leur propre spectacle en montant sur scène, travailler ensemble, se faire confiance mutuellement.
Et vos prochains projets pour les enfants ?
E.L. : Le prochain projet pour les enfants, c’est un atelier parent-enfant à partir de cinq ans qui s’appelle “Enfant de la balle” avec l’artiste circassien Basile Narcy qui est le cofondateur de la compagnie “Akoreacro” (compagnie qui a présenté un spectacle sous chapiteau en octobre 2016) en lien avec le spectacle “L’Eclipse” qui sera présenté en février autour du cirque, du vivre ensemble, de l’art de la scène dans un contexte ludique. Sinon bien sûr on a toujours les projets d’ateliers pour les adultes qui reprendront dès que possible…
Propos recueillis par Gérard Poitou
Scène Nationale d’Orléans